En 1997, l'actuel Président du Conseil Constitutionnel Pierre Mazeaud, alors député, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle portant révision de l'article 55 de la Constitution et tendant à ce que les traités ou accords internationaux n'aient plus une autorité supérieure que par rapport aux lois qui lui sont antérieures. Cette tentative ayant échoué, l'article 55 de la norme constitutionnelle continue, depuis 1958, à disposer que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » alors que l'article 26 de la constitution de 1946 se contentait de disposer que « les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises, sans qu'il soit besoin pour en assurer l'application d'autres dispositions législatives que celles qui auraient été nécessaires pour assurer leur ratification ». Toutefois, l'introduction d'un tel article n'a pas empêché les juridictions administratives et judiciaires d'appliquer la doctrine Matter, du nom d'un Procureur Général près la Cour de Cassation, formulée en 1931 et faisant prévaloir une loi sur un traité lorsqu'elle lui était postérieure, comme sous les Républiques précédentes. Outre son inconstitutionnalité – cette pratique se pérennisa pourtant pendant plusieurs années après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958 - cette règle empêchait la France d'avoir une véritable parole diplomatique dans le sens où le Parlement, par la simple adoption d'une loi, pouvait annihiler un accord ou une convention internationaux antérieurs.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel est amené à se pencher sur ce problème de hiérarchie des normes à l'occasion d'une saisine en date du 20 décembre 1974 et complétée le 30 décembre de la même année, aux fins de vérifier la constitutionnalité de la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse. Bien que cette loi ait été adoptée par le Parlement, elle a profondément divisé la majorité de droite dont certains membres sont farouchement opposés à cette loi portée, durant le débat parlementaire, par la ministre de la Santé, Simone Veil. Aussi, la résistance à son adoption ne provient pas, à proprement parlé de l'opposition, mais d'une minorité au sein de la majorité qui refuse la légalisation de l'avortement. Ainsi, c'est la première fois que, sur le fondement de l'article 61, soixante députés ont pu saisir le Conseil Constitutionnel, et ce grâce à la révision intervenue par la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 ouvrant cette possibilité, outre les traditionnelles autorités de saisine – le président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat – à au moins soixante députés ou au moins soixante sénateurs.
Or, les députés soulèvent l'inconstitutionnalité de cette loi, en relevant notamment une contradiction éventuelle avec l'article 2 de la Convention Européenne des droits de l'Homme de 1950 - mais que la France n'a ratifié que l'année précédente – qui garantit le respect du droit à la vie. Outre ce problème de fond que le Conseil Constitutionnel élude, se pose la question de savoir si Conseil marquera ou non l'entrée des ou du moins de certains traités dans le Bloc de Constitutionnalité récemment crée, et s'il opérera donc ou non un contrôle de conventionalité. Cette décision crée donc une jurisprudence que le Conseil, n'a jamais, à ce jour, renié bien qu'en partie elle l'ait aménagée.
Aussi, cette décision, en écartant les traités du bloc de constitutionnalité, est-elle uniquement le produit d'une construction juridique incontestable?
Ainsi, l'étude des effets de la décision à savoir une nouvelle délimitation du bloc de constitutionnalité(I)conduit à examiner ses fondements afin de déterminer si elle est issue d'une argumentation incontestable du Conseil Constitutionnel(II).
[...] Il convient de s'interroger sur les fondements de cette solution jurisprudentielle. II / Une argumentation circonstancielle du Conseil Constitutionnel En effet, à propos de la décision étudiée, Guy Carcassonne affirme, sans détour, que ce n'est pas une argumentation juridique solide qui a conduit à refuser le contrôle de conventionalité, c'est le refus du contrôle de conventionalité qui avait forcé à le justifier par une argumentation juridique fragile. Face à cette critique, il convient d'étudier le renvoi contesté du contrôle de conventionalité par le Conseil Constitutionnel afin d'entrevoir si une réappropriation de ce contrôle par le Conseil Constitutionnel s'avère possible dans l'avenir A / Le renvoi contesté du contrôle de conventionalité du Conseil Constitutionnel En effet, le Conseil considère que la procédure établie par l'article 61 est distincte, par nature, d'un contrôle de conventionalité. [...]
[...] Or, le Conseil Constitutionnel écarte cet argument promptement sans développement. En second lieu, le Conseil s'attache à examiner une éventuelle contradiction entre les normes constitutionnelles et la violation supposée du droit à la vie effectuée par cette loi. En cette circonstance, le Conseil note que l'avortement, étant dans le premier article de la loi déférée, encadré selon les conditions et limitations qu'elle définit ne porte pas atteinte au principe de respect de l'être humain. A noter que le Conseil Constitutionnel se garde bien de définir le commencement de la vie et le moment à partir duquel l'être humain bénéficie de la protection de ce droit au respect. [...]
[...] Toutefois, certains auteurs ont pu légitimement s'interroger quant à l'impact de la décision du 16 juillet 1971 sur celle étudiée. En effet, compte tenu de la hardiesse de la première décision citée, n'est-il pas risqué d'agrandir encore le bloc de constitutionnalité et de s'exposer ainsi à des critiques davantage virulentes du Parlement dont la production législative serait soumise à pareil contrôle ? B / L'exclusion des traités du bloc de constitutionnalité En effet, le Conseil Constitutionnel pose comme considérant de principe le fait qu' une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution Cette formule indique donc que les traités ne figurent pas parmi les normes du bloc de constitutionnalité dont le Conseil Constitutionnel est chargé de veiller à leur respect par les lois, ou du moins, à ce qu'elles ne soient pas remises en cause. [...]
[...] Commentaire de la décision du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975 En 1997, l'actuel Président du Conseil Constitutionnel Pierre Mazeaud, alors député, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle portant révision de l'article 55 de la Constitution et tendant à ce que les traités ou accords internationaux n'aient plus une autorité supérieure que par rapport aux lois qui lui sont antérieures. Cette tentative ayant échoué, l'article 55 de la norme constitutionnelle continue, depuis 1958, à disposer que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. [...]
[...] Aussi, cette décision, en écartant les traités du bloc de constitutionnalité, est-elle uniquement le produit d'une construction juridique incontestable ? Ainsi, l'étude des effets de la décision à savoir une nouvelle délimitation du bloc de constitutionnalité conduit à examiner ses fondements afin de déterminer si elle est issue d'une argumentation incontestable du Conseil Constitutionnel (II). I / Une nouvelle délimitation du Bloc de Constitutionnalité En janvier 1975, le Ainsi, le Conseil Constitutionnel marque encore les esprits des constitutionnalistes par sa décision fondatrice du 16 juillet 1971 qui l'avait promu protecteur des droits fondamentaux en reconnaissant la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution. [...]
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