Le principe de la libre administration des collectivités territoriales apparaît dans la Constitution dès 1958. Mais c'est avec les lois de décentralisation de 1982 et la constitutionnalisation du droit des collectivités territoriales que l'importance de cette notion s'accroît. Toutefois, dans cette décision 2010-618 DC le Conseil constitutionnel marque clairement les limite de cette constitutionnalisation, interprétant strictement ces dispositions et lassant une grande marge de manoeuvre au législateur.
La Commission pour la libération de la croissance française, dite « commission Attali », propose dans un rapport rendu en janvier 2008 la suppression de l'échelon départemental dans les collectivités territoriales sous un délai de dix ans afin diminuer les dépenses publiques et de rationaliser les compétences. Cette proposition inspire le législateur dans la loi dite de réforme des collectivités territoriales adoptée le 17 novembre 2010, et dont une des mesures phares est la fusion des conseillers régionaux et généraux en un seul corps de conseillers territoriaux. La loi prévoit aussi les dispositions particulières liées à leur élection au scrutin uninominal à deux tours, notamment pour assurer la parité des candidats. Dans un but de rationalisation des compétences locales, la loi prévoit également la suppression ? du moins une forte limitation ? de la clause dite de compétence générale qui permettait aux collectivités d'agir dans les affaires relevant de leur échelon. Pour renforcer l'intercommunalité, la loi prévoit aussi la création des métropoles. La loi, d'abord déposée sur le bureau du Sénat, se voit amendée grandement des dispositions principales par le gouvernement en première lecture par l'Assemblée Nationale, alors que le gouvernement avait refusé tout amendement en première lecture par le Sénat.
Après le vote de la loi, soixante sénateurs et soixante députés saisissent le Conseil constitutionnel le 22 novembre 2010 dans des termes identiques afin de vérifier la constitutionnalité de la loi, conformément à l'article 61 de la Constitution depuis sa rédaction de 1974.
[...] Dans la décision du Conseil constitutionnel, les éléments procéduraux contrôlés sont de deux types, d'un côté la procédure législative suivie par la loi (A) et de l'autre les éléments de procédure au sens large mis en place par la loi (B). Par ces derniers on entendra tant la procédure du scrutin du conseiller territorial que la procédure d'habilitation pour adaptée la loi donnée au gouvernement. Le contrôle de ces éléments de procédure ne donne pas lieu à déclaration d'inconstitutionnalité, laissant une grande marge de manoeuvre au législateur.
[...] Deux points particuliers sont soulignés par le conseil constitutionnel dans sa décision : si la création des conseillers territoriaux n'est en aucun cas interdite pas la Constitution (1) le gouvernement commet une erreur manifeste dans la répartition des conseillers au sein de certains départements par rapport à la région où ils sont situés (2).
1. La création du conseiller territorial permise par la Constitution
Le Conseil constitutionnel valide la création du conseiller territorial, élu unique siégeant au conseil général et au conseil régional. D'abord le Conseil constitutionnel précise la création des conseillers territoriaux ne conduit pas à remettre en cause la distinction constitutionnelle de l'article 72 entre la région et le département. En effet, si les membres de l'organe délibérant seront en partie similaires, l'organe exécutif et les compétences exercées seront différentes. Et même au sein du sein de l'organe délibérant l'identité n'est que partielle, puisque les membres des deux assemblée ne sont pas strictement identiques. Conséquence importante de cet élément, en outre-mer la création du conseiller territorial ne nécessite pas le consentement des populations locales, qui est exigée par le dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution. (...)
[...] Toutefois le doute n'est permis que pour le département et indirectement la commune même ci cette dernière n'est pas ici en cause puisque la clause de compétence de la région datant de 1982 elle ne peut avec les critères actuels être qualifiée de PFRLR. Ce refus du Conseil constitutionnel est assez emblématique de la faible protection du droit relatif aux collectivités territoriales malgré la révision constitutionnelle de 2003. [...]
[...] Un autre élément allant dans ce même sens se retrouve dans le contrôle de l'habilitation du gouvernement par le Parlement pour adapter la loi En matière pénale, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen pose le principe de légalité des peines et délits, le Conseil exigeant pour celles-ci des termes suffisamment clairs et précis Le contrôle limité des modalités d'habilitation du gouvernement pour adapter la loi outre-mer L'article 87 de la loi déférée au Conseil constitutionnel pour contrôle prévoit une habilitation du gouvernement pour adapter les dispositions relatives aux conseillers territoriaux outre-mer par des ordonnances prévus à l'article 38 de la Constitution. Mais en l'espèce le contrôle de l'habilitation semble plus souple, ou en tout cas moins exigent qu'il ne pourrait l'être. En effet, l'article 38 pose plusieurs exigences que le Conseil ne contrôle pas réellement ici et qui pourraient justifier une déclaration d'inconstitutionnalité. D'abord, l'habilitation doit être limitée dans le temps. Ici la loi fixe clairement un délai de dix-huit mois après sa publication, remplissant parfaitement ce critère. Ensuite, le gouvernement demande ces habilitations pour la réalisation de son programme. [...]
[...] Cependant le changement majorité étant intervenue avant le vote de nouvelles mesures, il n'est pas certains que cet aspect de la loi soit appliqué. Pour reprendre une formule d'Hauriou dans une note sous l'arrêt Winkell du Conseil d'État de 1909 (cité par le professeur Dreyfus) C'est très joli, les lois ; mais il faut avoir le temps de les faire, et il s'agit de ne pas être mort avant qu'elles ne soient faites Un autre élément, validé par le Conseil constitutionnel et qui donc ne nécessitera pas de nouvelle législation, concerne la validité de la modification des compétences des collectivités territoriales par le législateur. [...]
[...] Dans ce cas, le fait qu'un même élu siège au sein de deux conseils peut se révéler problématique, notamment quand si l'intérêt d'une collectivité vas à l'encontre de l'intérêt de l'autre collectivité. C'est d'ailleurs le problème que pose le cumul des mandats, dont la seule différence est qu'en l'espèce c'est le même mandat qui permet de siéger dans les deux assemblées. Cette interprétation est toutefois écartée par le Conseil constitutionnel, qui dans un considérant bref se 9 borne à exposer l'absence d'interdiction expresse du fait qu'un élus désigné dans un seul scrutin siège dans deux assemblées. [...]
[...] L'objectif constitutionnel d'intelligibilité de la loi est invoqué contre la loi car la modulation du financement se fait au niveau régional sur la base de critères départementaux. Le principe de l'égalité des partis devant le suffrage est invoqué contre la loi en ce qu'elle se base sur le département de la région dans lequel l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou groupement, rapporté au nombre de ces candidats, est le plus élever Pour finir, c'est l'habilitation donnée au gouvernement pour adapter la loi outre-mer qui est contestée, en ce qu'elle méconnaîtrait l'article 38 de la Constitution en étant insuffisamment précise, et qu'en outre elle serait contraire à l'article 73 de la Constitution qui exige le consentement des populations pour la création d'une collectivité territoriale se substituant à une collectivité existante. [...]
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