Définitivement adoptée par le Parlement le 22 mai 2008 et objet de vifs débats, la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) a conduit le Conseil constitutionnel à rendre une décision très attendue et relativement riche. Saisi par des députés et des sénateurs, le juge devait tout d'abord se prononcer sur la constitutionnalité de la procédure d'adoption de la loi. Un examen des griefs avancés allait le conduire à appliquer des solutions classiques pour conclure à la régularité de la procédure législative.
En effet, la loi a été adoptée en termes identiques par les deux assemblées après le vote d'une question préalable par l'Assemblée nationale et la réunion d'une commission mixte paritaire provoquée par le Premier ministre. Les requérants soutenaient que l'adoption de la question préalable interrompait l'examen du texte et qu'il avait été porté atteinte à leur droit d'amendement en commission mixte paritaire. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il ressort de l'article 45 de la Constitution que le rejet d'un projet de loi par l'une ou l'autre des deux assemblées n'interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l'adoption d'un texte définitif. Il a également constaté que les conditions de réunion d'une commission étaient réunies et que celle-ci s'était prononcée sur tous les articles de la loi (...)
[...] Comme le reconnaissait le professeur Di Manno, vouloir enfermer le juge constitutionnel dans l'alternative du rejet et de la censure, c'est le considérer [ . ] comme un automate constitutionnel On remarquera que l'évolution du contentieux constitutionnel est à rapprocher des solutions retenues au sein du contentieux administratif qui fait office d'avant- garde. Une autre interrogation peut également se poser. La censure différée ne représenterait-elle pas, dans certaines situations, une menace pour la sécurité juridique qui impose notamment que les normes ne doivent pas être soumises, dans le temps, à des variations imprévisibles. [...]
[...] Bien qu'elle n'ait plus d'intérêt pratique, la date retenue (le 1er janvier 2009) est un autre signe de la démarche précautionneuse du Conseil constitutionnel. Délicat, le choix de la date à laquelle la censure sera effective doit être effectué avec le plus grand soin. Il en va, là encore, de la légitimité du juge, mais également de l'effectivité de la censure différée. Une échéance trop lointaine pourrait être perçue comme une marque prononcée de bienveillance à l'égard du législateur. A l'inverse, spécialement dans le cas des vices internes, l'octroi d'une courte période de régularisation empêcherait une réaction des autorités et, le cas échéant, nuirait à la qualité des débats parlementaires. [...]
[...] Un usage faisant preuve de prudence Le juge constitutionnel a cherché à limiter la portée de sa décision à des cas très particuliers mais cette prudence n'a pas permis de faire taire les critiques formulées par la doctrine Une innovation ayant une portée limitée La censure différée des alinéas 9 et 13 est une solution inédite mais également exceptionnelle, justifiée par les conséquences manifestement excessives qu'une censure traditionnelle aurait entraîné. Ces précisions données par le considérant 58 révèlent la volonté du Conseil constitutionnel de recourir à la censure lorsque le recours aux techniques traditionnelles n'aboutirait pas à une solution rationnelle. C'est très certainement dans un souci de préserver l'efficacité de son contrôle que le juge constitutionnel a souhaité limiter la portée de son audacieuse innovation. [...]
[...] C'est ce que le Conseil constitutionnel rappelle à deux reprises dans la décision de 2008 (considérants 18 et 49) : l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement a valeur constitutionnelle. Le Conseil avait en l'espèce à se prononcer sur l'article 5 qui est rédigé de manière très précise et ne comporte pas de renvoi à la loi, et sur l'article 7 qui est rédigé de manière plus générale et renvoi à la loi le soin de définir les conditions et les limites son exercice. [...]
[...] Le juge a décidé de différer les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité, ceux-ci ayant été reportés au 1er janvier 2009. Le législateur a donc la possibilité de procéder à la régularisation des dispositions irrégulières, ce qu'il a entrepris dans le cadre de l'examen de la loi relative à la responsabilité environnementale. Cette décision, qui peut être rapprochée de la jurisprudence du Conseil d'Etat et des pratiques contentieuses de certains juges constitutionnels étrangers, mérite d'être étudiée. Il convient donc de se demander quel sont les effets de cette décision sur le droit de l'environnement et dans quelle mesure elle constitue une solution innovante. [...]
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