Dans sa décision n°98-408 DC du 22 janvier 1999, « Traité portant statut de la Cour Pénale Internationale », le juge constitutionnel se voit contraint d'examiner la conformité de l'article 27 du statut de Rome, concernant les immunités dont pourraient bénéficier les responsables politiques, avec la Constitution de la Vème République. Il se prononce alors sur le statut pénal du chef de l'Etat : « Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article »
Le 21 novembre 2000, un contribuable nommé Michel Breisacher saisit les juges d'instruction afin qu'ils entendent le Président de la République, Jacques Chirac, en tant que témoin, dans l'affaire des marchés publics passés par la Société d'Economie Mixte parisienne de prestations en vue d'une éventuelle mise en examen. Une information avait en effet été ouverte contre X concernant cette entreprise dissoute en 1996 pour favoritisme, détournement de fonds publics, abus de biens sociaux, prise ou conservation illégale d'intérêts, complicité et recel. Elle appartenait en partie à la Ville de Paris, Jacques Chirac étant le Maire de cette dernière au moment des faits.
[...] Si elle la prolonge, la procédure ne concerne que les cas de haute trahison, notion assez vague qui peut être comprise comme un manquement grave aux devoirs de la charge présidentielle et au respect de la Constitution ou encore une atteinte aux intérêts supérieurs du pays (www.conseilconstitutionnel.fr). Rien n'est alors dit sur les actes commis en dehors des fonctions du Chef de l'Etat. En revanche, si elle est autonome, elle soumet à la Haute Cour de Justice l'ensemble des actes pouvant être commis par le Chef de l'Etat, que ce soit dans le cadre de ses fonctions ou en-dehors. [...]
[...] Il faut prendre en compte le respect du principe de la séparation des pouvoirs qui rend difficile la comparution du chef de l'exécutif devant le pouvoir judiciaire. Enfin, le Président est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire (article 64) et il préside le Conseil Supérieur de la Magistrature : sa mise en cause pourrait par conséquent entraîner certains conflits d'intérêt. C'est donc l'analyse générale des institutions qui permet à l'ensemble de ces acteurs d'interpréter l'article 68. L'affirmation capitale de la suspension de la prescription On doit cependant souligner que si l'intérêt général et la continuité de l'Etat semblent ici justifier une certaine limitation du principe d'égalité devant la justice, la Cour de Cassation ne garantit pas l'impunité du Président. [...]
[...] D'après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et notamment sa décision n°89-258 DC du 8 juillet 1989, on peut invoquer l'autorité de la chose jugée lorsque les dispositions d'une loi bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions contraires à la Constitution. Les sages semblent donc avoir opté pour une conception large, qui aurait pu ou peut-être dû plus lier le juge pénal. Les divergences sur la fonction de la Haute Cour de Justice Après avoir refusé de se contenter de la décision du Conseil Constitutionnel pour rendre son jugement, la Cour de Cassation s'en est donc directement référée à l'article 68 de la Constitution pour l'interpréter à sa manière. Cette dernière interprétation semble diverger de celle du juge constitutionnel. [...]
[...] Il n'existe en effet aucune disposition concrète, aucun contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, qui puisse contraindre la Cour de Cassation à être en conformité avec les décisions des neuf Sages. On a déjà tenté de créer cette exception d'inconstitutionnalité par le biais de la réforme proposée par Robert Badinter en 1989 mais le Sénat a fait échouer ce projet dès l'année suivante. En ce qui concerne ne statut pénal du chef de l'Etat, de nombreux débats ont entouré les décisions des Cours, et ces débats ont entraîné différentes propositions de réformes constitutionnelles pour clarifier définitivement l'article 68. [...]
[...] Le CC n'a en effet qu'un pouvoir de contrôle et ne peut édicter des arrêts de règlements (article 5 du Code Civil). La Cour de Cassation s'est donc jugée compétente pour se prononcer sur le statut pénal du chef de l'Etat en concluant qu'il appartenait aux juridictions de l'ordre judiciaire de déterminer si le Président de la République pouvait être entendu en qualité de témoin, ou être poursuivi devant elles pour y répondre de toute autre infraction commise en dehors de l'exercice de ses fonctions. La question de l'autorité du juge constitutionnel sur le juge pénal est ici posée. [...]
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