Conseil Constitutionnel, 21 janvier 2011, article 168
L'article 168 du code général des impôts (CGI) permet à l'administration fiscale, en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, de les substituer par une évaluation forfaitaire réalisée d'après certains éléments de ce train de vie dont la liste et les modalités d'évaluation sont fixées par un barème annexé à cet article.
Après l'arrêt de 2009 du Conseil d'État qui avait déjà estimé que la base forfaitaire d'imposition décidée par le fisc devait être réduite à hauteur des preuves de financement rapportées par le contribuable, aujourd'hui c'est au tour du Conseil Constitutionnel par son arrêt du 21 janvier 2011 de donner un nouveau coup de boutoir à la pratique.
En l'espèce, Madame Danièle B avait été assujettie par l'administration fiscale et sur la base des dispositions de l'article 168 du Code Général des Impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2005, 2006 et 2007.
Contestant cette imposition, Madame Danièle B. porta l'affaire au contentieux devant le tribunal administratif de Paris. Dans son mémoire du 30 juin 2010, elle soulevait une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution de l'article 168 du CGI, et soutenait que cet article méconnaissait les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques.
Jugeant cette requête recevable, le tribunal administratif de Paris la transmit au Conseil d'Etat qui par une décision du 22 octobre 2010, décida de renvoyer la question devant le Conseil Constitutionnel.
Dans son arrêt du 21 janvier 2011, le Conseil juge conforme à la Constitution le principe de l'évaluation forfaitaire des revenus d'après les éléments du train de vie, mais formule toutefois une réserve en précisant que le contribuable doit avoir le droit de contester le nouveau calcul de son imposition réalisé sur la base de ses éléments de patrimoine.
Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel déclare non conforme la règle particulière imposant une majoration de 50 % à cette évaluation forfaitaire lorsque le contribuable dispose de plus de 6 éléments de train de vie figurant au barème.
En l'espèce, deux questions essentielles se posaient au Conseil.
La première consistait à déterminer si l'article 168 du CGI pouvait imposer une différence de traitement envers certains contribuables sans déroger au principe d'égalité devant la loi.
La seconde était de savoir si ce même article pouvait faire peser sur une catégorie de contribuables, une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
Concernant la première question, le Conseil Constitutionnel y répond dans la droite ligne d'une jurisprudence désormais bien établie selon laquelle « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni ne déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que […] la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ».
En l'espèce, le Conseil en déduit alors logiquement que le législateur ayant entendu mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, la différence de traitement imposée par l'article 168 est « en rapport direct avec l'objet de la loi », et coupe ainsi court à toute discussion relative aux moyens soulevés par la requérante.
[...] Ainsi, le Conseil décide que les dispositions du 3 de l'article 168 ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être mis à même de prouver que le financement des éléments de patrimoine qu'il détient n'implique pas la possession des revenus définis forfaitairement En d'autres termes, le Conseil estime que le contribuable soumis à l'article 168 du CGI a le droit de prouver que son train de vie réel est bien inférieur à celui déterminé par les services fiscaux sur la base des signes extérieurs de richesse qu'il détient. Tel pourrait être notamment le cas d'un contribuable ayant reçu de nombreux biens en héritage (château délabré, bateau de plaisance ou encore voiture de sport) qu'il ne peut utiliser faute d'avoir les revenus suffisants pour les entretenir convenablement et/ou les assurer. Cette décision apparaît donc comme d'importante car elle prive l'article 168 de son aspect le plus injuste. [...]
[...] Jusqu'à récemment, les services fiscaux appliquaient de manière stricte cette disposition en refusant de déduire de la base forfaitaire, les ressources justifiées par le contribuable et couvrant seulement partiellement la disproportion entre la base forfaitaire et les revenus déclarés. Cette interprétation a été remise en cause par un arrêt du Conseil d'état du 27 octobre 2008 qui a considéré que la disposition devait être appliquée moins sévèrement par l'administration fiscale en réduisant la base d'imposition à hauteur des sommes justifiées même si ces dernières n'assuraient que le financement d'une partie de son train de vie. [...]
[...] Un coefficient est appliqué à chacun de ces éléments, dont l'addition permet d'obtenir la base d'imposition forfaitaire à soumettre à l'impôt sur le revenu. Le Conseil Constitutionnel considère qu'en retenant chacun des éléments du train de vie, visés au 1 de l'article 168, susceptibles d'être pris en compte pour déterminer la base d'imposition et en attribuant à chacun de ces éléments une valeur forfaitaire, le législateur a entendu lutter contre la fraude fiscale dans les seuls cas où une disproportion marquée entre le train de vie et les revenus déclarés est établie ; qu'ainsi il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il s'est assignés Cette appréciation souveraine des sages valide un mode d'imposition désuète et qui en pratique, n'est plus guère utilisée par les services fiscaux, ces derniers lui préférant désormais des méthodes plus en adéquation avec l'époque actuelle. [...]
[...] Quant à la seconde question qui fait l'objet en l'espèce d'un examen plus approfondi, le Conseil Constitutionnel rappelle tout d'abord au législateur son obligation de fonder l'appréciation des facultés contributives des contribuables sur des critères objectifs et rationnels puis précise que le contribuable doit avoir la possibilité de contester cette appréciation (II). I. La nécessité de fonder l'appréciation des facultés contributives sur des critères objectifs et rationnels Le Conseil Constitutionnel considère que le principe de taxation de l'article 168 attribuant une valeur forfaitaire à des éléments du train de vie est bien fondé sur un critère objectif et rationnel mais, il estime toutefois que la majoration de applicable dès lors qu'un certain nombre des éléments de train de vie utilisés pour définir l'assiette est dépassé, n'est pas fondée sur un tel critère A. [...]
[...] Après l'arrêt de 2009 du Conseil d'État qui avait déjà estimé que la base forfaitaire d'imposition décidée par le fisc devait être réduite à hauteur des preuves de financement rapportées par le contribuable, aujourd'hui c'est au tour du Conseil Constitutionnel par son arrêt du 21 janvier 2011 de donner un nouveau coup de boutoir à la pratique. En l'espèce, Madame Danièle B avait été assujetti par l'administration fiscale et sur la base des dispositions de l'article 168 du Code Général des Impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années et 2007. Contestant cette imposition, Madame Danièle B. [...]
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