Devant la hausse des agressions sexuelles, les juges ont trouvé nécessaire d'interpréter théologiquement certains textes pour que la répression de ces crimes s'applique plus largement.
Emmanuel C a commis entre janvier 2000 et juillet 2002 des atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise sur de très jeunes enfants âgés d'un an et demi à cinq ans.
Les juges de première instance ont condamné M C pour agressions sexuelles sur des mineurs de moins de quinze ans, et la Cour d'appel de Bordeaux a confirmé la décision en énonçant que l'état de contrainte ou de surprise résulte du très jeune âge des enfants, qui les rendait incapable de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés. Un pourvoi en cassation a été effectué.
Les juges peuvent-il utiliser une circonstance aggravante pour déduire un élément constitutif de l'infraction?
[...] L'assouplissement de la séparation des éléments constitutifs de l'infraction et des circonstances aggravantes. Avec cette décision, la Cour de cassation opère un rapprochement entre les deux notions contenues dans un texte d'incrimination d'un fait: la notion d'élément constitutif et celle de circonstance aggravante. En effet dans son arrêt du 7 décembre 2005, la chambre criminelle a déduit l'absence de consentement, qui est l'élément constitutif, grâce à la notion de très jeune âge qui est elle une circonstance aggravante donc en quelque sorte elle a instauré un nouvel élément constitutif du viol: le très jeune âge des victimes. [...]
[...] L'article 6-2 ne se désintéresse donc pas des présomptions de fait ou de droit qui se rencontrent dans les lois répressives. Il commande aux Etats de les enserrer dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense. Donc la Cour de Strasbourg ne condamne pas systématiquement les présomptions favorables à l'accusation, comme le serait le très jeune âge dès lors qu'elles sont enfermées dans des limites raisonnables et que la preuve contraire reste possible. Mais la preuve contraire est-elle vraiment possible en matière de viol? [...]
[...] La solution a pour elle la stricte rigueur d'un raisonnement cartésien: parce qu'une circonstance aggravante ne peut, par hypothèse, que se greffer sur ce qui est constitutif, il n'est pas possible de s'en servir pour se convaincre de l'existence d'une infraction sur laquelle elle s'adosse. C'est cette logique que suivait le pourvoi, mais que la Cour de cassation a elle réfuté et a finit par admettre que l'on puisse utiliser une circonstance aggravante pour déduire un élément constitutif de l'infraction. Elle a donc changé sa position sans pour autant faire un revirement, on peut plutôt parler d'une progression nécessaire à l'évolution de notre société et de notre temps. La question de la compatibilité de la décision avec les exigences européennes. [...]
[...] C'est avec l'arrêt Salabakiu contre France de la Cour européenne des droits de l'homme rendu le 7 octobre 1988, que cette nouvelle position pourrait être contrariante. En effet, l'arrêt énonce que tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de droit; la Convention n'y met évidemment pas obstacle en principe, mais en matière pénale elle oblige les Etats contractants à ne pas dépasser à cet égard un certain seuil. Si, comme semble le penser la Commission, le paragraphe 2 de l'article 6 se bornait à énoncer une garantie à respecter par les magistrats pendant le déroulement des instances judiciaires, ses exigences se confondraient en pratique, dans une large mesure, avec le devoir d'impartialité qu'impose le paragraphe 1. [...]
[...] On peut donc dire que la Cour de cassation accepte désormais que certaines circonstances aggravantes peuvent servir à déduire les éléments constitutifs de l'infraction. La notion de très jeune âge nouvelle notion pouvant servir à caractériser le viol. La Cour de cassation ne remet pas en cause la nécessité de constater les éléments constitutifs de l'infraction, mais elle permet de les déduire grâce aux circonstances aggravantes énoncées dans la loi. Le pouvoir des juges n'est pas énormément grandit et ne contrevient pas au principe de légalité, car les circonstances aggravantes ne sortent pas uniquement de la bouche des juges, elles ont tout de même une base légale. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture