L'arrêt de rejet rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 21 décembre 2006 consacre le pouvoir modulateur du juge dans le cadre d'un revirement de jurisprudence.
Suite à la publication dans un journal d'un article intitulé « ils maltraitaient leur bébé »… « le couple tortionnaire écroué », une personne s'estimant mise en cause dans les conditions attentatoires à la présomption d'innocence a assigné la société éditrice du journal et le directeur de la publication en réparation de son préjudice devant le tribunal de grande instance. L'affaire est ensuite portée devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence qui condamne la société éditrice du journal et le directeur de la publication à payer à la personne concernée une certaine somme à titre de dommages et intérêts. Ces derniers se pourvoient en cassation. La 1re chambre civile renvoie l'affaire devant l'assemblée plénière. Les demandeurs font grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que l'action fondée sur l'atteinte à la présomption d'innocence n'était pas prescrite en décidant que l'article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 instaurait un délai de prescription trimestrielle interruptif et suspensif similaire au délai de droit commun et différent de celui prévu par l'article 65 de la même loi. Selon le pourvoi, l'article 65-1 instaure à l'instar de l'article 65 un délai de prescription interruptif mais non suspensif, dérogatoire aux règles de droit commun, de sorte qu'il impose au demandeur non seulement d'introduire l'instance dans les 3 mois de la publication des propos incriminés mais également d'accomplir tous les trois mois un acte de procédure manifestant à l'adversaire son intention de poursuivre l'instance. Comme la personne concernée n'avait fait aucun acte susceptible d'interrompre le cours de la prescription depuis sa déclaration d'appel le 17 mars 1998, son action était prescrite dès le 17 juin 1998. Le pourvoi reproche également à la Cour de cassation de n'avoir pas caractérisé l'atteinte à la présomption d'innocence de la personne concernée et de n'avoir pas dit en quoi l'article de presse tenait pour acquise la culpabilité, ni précisé à quel moment certains des faits ont été reconnus. Le troisième et dernier moyen reproche à l'arrêt attaqué de n'avoir pas caractérisé la mauvaise foi, et de se fonder sur une correspondance d'un journaliste, postérieure à l'article litigieux.
Le problème de droit posé à la Cour de cassation était celui de savoir s'il faudrait interpréter l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui prévoit le délai de prescription des actions fondées sur une atteinte à la présomption d'innocence selon les règles de prescription de droit commun ou selon les règles dérogatoires instaurées par l'article 65 de la même loi.
[...] - 2e arrêt : À l'occasion de la définition des nouvelles conditions de validité des clauses de non-concurrence, dégagées le 10 juillet 2002, qu'a donc été posée, pour la première fois, la question de l'application dans le temps du revirement par un justiciable devant la Chambre sociale de la Cour de cassation, les faits : Un employeur se plaignait de l'application de ces arrêts à une clause de non-concurrence valablement conclue à la fin de l'année 1992, date à laquelle la jurisprudence n'exigeait pas de contrepartie financière, et faisait valoir que le moyen relevé d'office tendant à l'application à la présente instance de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 relative à la nullité des clauses de non-concurrence qui ne comportent pas de contrepartie financière, porte atteinte au principe de sécurité juridique prescrit par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme L'argument balayé dans un arrêt rendu le 7 janvier 2003, qui a considéré que la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit L'assemblée plénière confirme donc la nouvelle solution dégagée par la 2e chambre civile en ce qui concerne la modulation dans le temps des effets de ses revirements. La chambre sociale dans un arrêt du 17 décembre 2004 semble s'aligner indirectement sur la position de la 2e chambre civile. [...]
[...] Belgique 13 juin 1979 : le principe de sécurité juridique, nécessairement inhérent au droit de la convention comme au droit communautaire, dispense l'État belge de remettre en cause les actes ou situations juridiques antérieurs au prononcé du présent arrêt Le conseil constitutionnel ayant cependant considéré le 16 décembre 1999 que l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi sont des objectifs à valeur constitutionnelle, la question se pose de savoir si l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi entendue au sens large du terme peuvent fonder la modulation dans le temps. En l'état actuel, il semblerait difficile de consacrer ce fondement. [...]
[...] La solution donnée par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation confirme le revirement de jurisprudence opéré par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 8 juillet 2004. Celui-ci a remis en cause la solution traditionnelle adoptée en matière de prescription des actions fondées sur une atteinte à la présomption d'innocence et initiée par un arrêt de cette même chambre le 4 décembre 1996 dans lequel celle-ci reconnaissait implicitement l'effet interruptif et suspensif de prescription du délai prévu à l'article 65-1. [...]
[...] La règle prétorienne comprend donc outre sa formulation, son application à l'espèce l'ayant provoquée. La dissociation entre la création prétorienne et le règlement du litige à l'occasion duquel cette création intervient, aboutit à consacrer au juge un pouvoir législatif c'est-à-dire un pouvoir d'édicter des règles générales applicables en dehors du cas qui lui est soumis. C'est la légisprudence Ceci est condamnable dans un système fondé sur la primauté de la loi et la séparation des pouvoirs, comme l'affirme M. Revet, il s'agit d'une contre-révolution (cf. [...]
[...] Malgré les incertitudes persistantes en ce qui concerne la portée de la décision, la consécration du pouvoir modulateur du juge constitue en elle- même une solution critiquable en ce qu'elle contribue à la promotion de la jurisprudence au rang de la loi. La promotion critiquable de la jurisprudence au rang de la loi A. la prohibition des arrêts de règlement battue en brèche La modulation dans le temps méconnaît l'article 5 du C.C. et la prohibition des arrêts de règlement. Cet article consacre la prohibition d'édicter des dispositions générales et réglementaires s'appliquant en dehors du litige qui leur est soumis. [...]
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