Les lois ne peuvent mal faire, cependant cela n'empêche pas qu'il y ait réparation par l'Etat du préjudice causé par la loi.
Le 9 mai 2012, le Conseil d'Etat a été amené à statuer dans un litige concernant la responsabilité sans faute de l'Etat du fait d'une loi.
Dans cette affaire, la société Godet Frères exploitait depuis 1782 deux chais à La Rochelle pour la production de cognac appartenant à la société Charentaise d'entrepôts. Suite à la modification de la nomenclature des installations classées en 1999, les deux installations exploitées par la société Godet Frères ont été soumises à ce régime et ont bénéficié de l'antériorité prévue par le Code de l'environnement. Sur le fondement de l'article L514-7 du Code de l'environnement, le 21 octobre 2004 un décret est pris et ordonne la fermeture des deux installations de stockage d'alcool de la société Godet Frères. Les sociétés exploitantes et propriétaires des installations ont recherché la responsabilité de l'Etat du fait du préjudice causé par cette fermeture.
En première instance, le 31 mai 2007, le tribunal administratif de Poitiers retient la responsabilité sans faute de l'Etat et le condamne à verser 676 748,35 euros en réparation du préjudice subi par la fermeture des installations à la société Godet Frères. Puis, le 16 novembre 2009, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement de première instance. Ainsi les sociétés Godet Frères et Charentaise d'entrepôts forment un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Les deux sociétés demandent l'annulation de l'arrêt d'appel et du jugement de première instance en condamnant l'Etat à payer le montant des indemnités sollicitées, cela en réglant l'affaire sur le fond.
Dans le cadre de la responsabilité sans faute de l'administration du fait des lois, comment le juge doit-il déterminer le préjudice indemnisable ?
Le Conseil d'Etat estime que le silence de la loi n'écarte pas l'indemnisation du préjudice causé par celle-ci. Le préjudice doit cependant excéder l'aléa inhérent à l'exploitation de l'installation et donc présenter un caractère grave et spécial. Ainsi le Conseil d'Etat admet la responsabilité sans faute de l'Etat mais ne reconnaît comme préjudice indemnisable seulement 30% du préjudice invoqué.
L'intérêt est ici, au travers de la responsabilité sans faute de l'Etat, de s'intéresser au préjudice et à son indemnisation. En effet le Conseil d'Etat se livre à un examen de ce qui relève ou non de l'aléa inhérent à l'exploitation des installations. C'est donc ici le caractère grave, aussi appelé anormal, qui est analysé (...)
[...] Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mai 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision. Article 4 : Le surplus du pourvoi de la SOCIETE GODET FRERES et de la SOCIETE CHARENTAISE d'ENTREPOTS est rejeté. Article 5 : Le surplus du recours du ministre de l'écologie et du développement durable devant la cour administrative d'appel et le surplus de la requête présentée par la SOCIETE GODET FRERES devant le tribunal administratif sont rejetés. [...]
[...] Au vue de la date depuis laquelle l'installation était exploitée, l'importance du préjudice était compréhensible, ainsi le rapporteur public, Matthias Guyomar avait estimé une répartition de 70% du préjudice à la charge de l'Etat et de 30% à la charge de la société Ax'ion. Cela semblait correct et réaliste, pour preuve le Conseil d'Etat avait suivi ces recommandations. Mais il est alors incompréhensible de voir la répartition du préjudice dans l'arrêt Société Godet Frères se faire en tous points de façon inverse. [...]
[...] Globalement cet arrêt vient préciser le domaine de la responsabilité sans faute de l'Etat. Ainsi nous verrons dans une première partie l'indemnisation en l'absence de faute de l'Etat puis dans une seconde partie nous traiterons de de l'arrêt comme étant marqué par la sévérité du juge venant préciser le mécanisme de la responsabilité sans faute de l'Etat (II). I. L'indemnisation en l'absence de faute On peut diviser ici la démarche du Conseil d'Etat en deux temps : il reconnaît d'abord la responsabilité sans faute de l'Etat puis fixe l'indemnisation du préjudice A. [...]
[...] Dans le cadre de la responsabilité sans faute de l'administration du fait des lois, comment le juge doit-il déterminer le préjudice indemnisable ? Le Conseil d'Etat estime que le silence de la loi n'écarte pas l'indemnisation du préjudice causé par celle-ci. Le préjudice doit cependant excéder l'aléa inhérent à l'exploitation de l'installation et donc présenter un caractère grave et spécial. Ainsi le Conseil d'Etat admet la responsabilité sans faute de l'Etat mais ne reconnaît comme préjudice indemnisable seulement 30% du préjudice invoqué. [...]
[...] Un arrêt précisant le mécanisme de la responsabilité sans faute de l'Etat Il faut ici noter que l'on se trouve dans le domaine de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des lois, en effet malgré qu'il soit question d'un décret, celui-ci est pris en application directe de la loi : il trouve son fondement dans des articles du Code de l'environnement. La base dans ce domaine est l'arrêt Société des produits laitiers La Fleurette du 14 Janvier 1938 qui pose les conditions d'indemnisation du préjudice à l'occasion de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des lois. Des arrêts récents, des années 2000, sont venus y apporter des précisions. [...]
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