La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 marque une nouvelle étape dans la décentralisation de l'Etat Français.
Pour rappel, la décentralisation consiste à transférer des compétences de l'État à des collectivités territoriales qui sont dotées de la personnalité juridique, d'autorités propres et de l'autonomie financière.
La réforme de 2003 modifie notamment l'Article 72 de la Constitution auquel nous allons nous intéresser. Il s'agira plus particulièrement d'étudier l'alinéa 5 relatif à l'articulation des compétences administratives locales.
Le texte comprend deux principes qui ne sont pas nouveaux mais qui n'étaient pas constitutionnalisés jusqu'alors.
Il s'agit de :
-l'interdiction de toute tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.
-la deuxième phrase de l'alinéa permet toutefois à la loi d'autoriser une collectivité territoriale ou un groupement à organiser les modalités de l'action commune de plusieurs collectivités territoriales. Il s'agit de la traduction juridique de la notion de collectivité « chef de file ».
Au regard de ces dispositions, il faut se demander, en dépit de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, si la notion de collectivité « chef de file » ne risque pas de conduire à des rapports de force et en définitive à la domination d'une collectivité territoriale sur les autres, c'est à dire à une tutelle sinon en droit du moins en fait.
Ainsi, il s'agit tout d'abord d'analyser cette interdiction constitutionnelle de la tutelle (I) puis de déterminer si la collectivité « chef de file » ne risque pas malgré tout d'exercer une tutelle sur les autres collectivités (II).
[...] Mais l'affirmation constitutionnelle rencontre vite ses limites. Parfois, elle est fausse. Ainsi par exemple, personne ne met en doute la réalité de la tutelle de fait des départements sur les communes petites ou moyennes, qui ne pourraient rien faire sans les subventions -le plus souvent discrétionnaires- du département. Dans certains cas, l'application trop stricte de l'interdiction de la tutelle peut s'avérer dangereuse pour le bon fonctionnement des collectivités territoriales. Une règle pouvant néanmoins s'avérer dangereuse La décentralisation par blocs, opérée depuis les années 1980, rend inévitables les enchevêtrements de compétences et les financements croisés. [...]
[...] La poursuite de la politique de décentralisation était devenue incontournable dans notre pays à tradition centralisatrice, l'élévation au rang constitutionnel du principe de l'interdiction de la tutelle était donc également incontournable. Ainsi la Constitution est très claire : aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. C'est juridiquement exact. C'est parfois la réalité : il n'y a pas de tutelle de la région sur les communes ou les départements, et les villes ou agglomérations importantes sont assez fortes pour échapper à toute tutelle. [...]
[...] Aussi, l'interdiction de la tutelle doit amener à interdire toute procédure qui consisterait à instituer un mécanisme de substitution pour la collectivité chef de file à l'égard des autorités territoriales qui ne mettraient pas en œuvre leurs compétences. L'article 72 donne aux compétences des collectivités territoriales, l'assise constitutionnelle qui leur manquait. Malgré une certaine ambiguïté concernant la rédaction de l'alinéa celui- ci permet un approfondissement de la décentralisation de l'Etat Français. Bibliographie -AJDA : Actualité juridique du droit administratif Mars 2003, pp 537- 539. [...]
[...] En même temps, l'adverbe cependant permettrait d'éviter d'éventuels recours de collectivités associées dans des actions communes qui contesteraient les décisions de la collectivité chef de file au nom du principe d'interdiction de toute tutelle. Ainsi, l'introduction de ce mot de liaison entre deux phrases qui pourraient paraître contradictoires, était nécessaire. Inscrire la notion de chef de file ainsi définie, dans la Constitution ne peut avoir pour effet que de renforcer ce principe et de lui donner le pouvoir de remettre en cause l'interdiction d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre et d'introduire la tutelle des groupements sur les communes. [...]
[...] La libre administration profite à chaque collectivité et l'organisation décentralisée de la République exclut toute tutelle, celle de l'Etat, bien sur, mais aussi, à fortiori, celle d'une autre collectivité. Si la structure des pouvoirs publics est optiquement pyramidale, elle ne l'est pas juridiquement, une commune n'étant pas plus subordonnée à son département qu'un département ne l'est à sa région. Cette interdiction de la tutelle était déjà légalisée depuis le 7 janvier 1983 dans la loi Deferre relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat (Art puis l'interdiction fut inscrite dans le code général des collectivités territoriales (Art L1111-3). [...]
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