Le Président de la République vous pose les questions suivantes : " Je voudrais supprimer l'institution de premier ministre. Qu'en pensez-vous ? Quelle procédure suivre ? Les parlementaires peuvent-ils m'imposer une réforme constitutionnelle ? "
Extrait :
"Sur l'utilité restreinte du premier ministre sous la Ve République, il me semble, Monsieur le Président, que vous commettez une erreur de jugement. Cette erreur est toute fois facile à comprendre. En effet, on assiste aujourd'hui (comme à beaucoup d'autres instants de la Ve République) à un effacement à la fois médiatique et politique du premier ministre.
Cet effacement s'explique de plusieurs façons. En premier lieu, je désignerais votre mode d'élection. Étant élu au suffrage universel direct votre légitimité est renforcée. De ce fait, lorsqu'en vertu de l'article 8 de la Constitution vous nommez le premier ministre, l'opinion publique semble voir en lui ce que N. Sarkozy appelle un « collaborateur ». Vous partagez la tâche de gouvernance avec lui, mais puisque vous avez le pouvoir de nomination, il est facile de penser que vous êtes hiérarchiquement au-dessus du premier ministre, que vous le dominez."
[...] Sarkozy appelle un collaborateur Vous partagez la tâche de gouvernance avec lui, mais puisque vous avez le pouvoir de nomination, il est facile de penser que vous êtes hiérarchiquement au-dessus du premier ministre, que vous le dominez. Dans ce cas, effectivement, l'utilité du premier ministre est toute relative. A ce raisonnement s'ajoute la pratique inconstitutionnelle de révocation du premier ministre par le Président de la République. Cet habitus fait croire à un régime dualiste où le premier ministre se doit de vous être soumis. D'autre part, j'ajouterais que le pouvoir de dissolution de l'Assemblée nationale que la Constitution vous attribue à son article 12 renforce l'effacement du premier ministre. [...]
[...] Je vous mets au défi de trouver un premier ministre prêt à affirmer que son poste ne sert pas à grand-chose. Mais supposons que vous trouviez un allié assez fort pour soutenir votre vision de la République et qui soit prêt à renoncer à son statut. Dans ce cas votre initiative pourra être portée par la proposition du premier ministre et vous pourrez passer à la deuxième étape. Celle-ci sera sans doute encore plus difficile à franchir, c'est le moment où le pouvoir législatif doit se prononcer. [...]
[...] La pratique de Pompidou en 1973, de V. Giscard d'Estaing en 1974 et de J. Chirac en 2000 sont inconstitutionnelles. Dans le texte de la Constitution, l'indicatif a valeur d'impératif. Ainsi, en cas d'une proposition de révision (davantage probable depuis la reforme de 1994 qui permet aux assemblées de fixer elles-mêmes leur ordre du jour) votée par la suite par les deux assemblées vous êtes dans l'obligation d'organiser un référendum. Alors certes, les parlementaires ne peuvent pas avoir une emprise totale sur la révision constitutionnelle car le peuple a un poids décisif dans la décision de réviser la constitution. [...]
[...] Monsieur le Président de la République, Suite aux problèmes que vous m'avez soumis je souhaite tout d'abord vous remercier de vous être adressé à moi pour des questions de cette importance. J'espère pouvoir éclairer vos décisions en y répondant au regard de la Constitution française et avec une totale honnêteté. Sur l'utilité restreinte du premier ministre sous la Vème République, il me semble, Monsieur le Président, que vous commettez une erreur de jugement. Cette erreur est toute fois facile à comprendre. En effet, on assiste aujourd'hui (comme à beaucoup d'autres instants de la Vème République) à un effacement à la fois médiatique et politique du premier ministre. [...]
[...] Cependant s'il s'accorde avec les parlementaires alors vous devrez vous soumettre à la révision constitutionnelle que vous y soyez ou non hostile, il n'existe aucun endroit de la procédure où vous puissiez constitutionnellement empêcher qu'une proposition de révision arrive à terme. J'espère, Monsieur le Président, vous avoir aidé dans la résolution de ces problèmes constitutionnels et que vous tiendrez compte de mes avis sur ces questions. Je me tiens à votre disposition pour toutes autres questions de cet ordre ou pour un complément d'analyse et d'information. Je vous prie d'agréer Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. [...]
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