Arrêt du 28 avril 1998, produit défectueux, obligation de résultat, indemnisation d'un préjudice, assurance indemnitaire, condamnation in solidum, double indemnisation, Code des assurances
En juin 1986, une société s'est trouvée créancière à l'égard d'une autre société, devenue débitrice d'une obligation de résultat. Cette dernière, en installant un système d'alarme défaillant, s'est rendue responsable du préjudice subi par sa cocontractante à la suite d'un cambriolage. La société créancière et son assureur sollicitent donc la condamnation de la société débitrice ainsi que de son assureur, en qualité de débiteur subrogé, à la réparation du préjudice.
La Cour d'appel fait droit à leur demande, et condamne in solidum les défendeurs à indemniser la victime, tout en les astreignant au paiement d'intérêts au taux légal calculés à compter de la date de l'assignation. Ces intérêts, qualifiés de "moratoires" par la juridiction, ont porté le montant total de la condamnation au-delà du plafond de garantie stipulé dans le contrat d'assurance. Contestant cette qualification et son incidence sur le plafonnement des garanties, l'assureur du responsable a formé un pourvoi en cassation.
[...] Toutefois, cet arrêt innove en introduisant une rétroactivité des intérêts moratoires. Ainsi, bien que l'assureur ne puisse pas encore déterminer le montant exact de sa dette, il se voit néanmoins tenu de régler les intérêts. Cette évolution apparaît ainsi défavorable à l'assureur et engendre une insécurité juridique pour ce dernier, car, à l'origine, les intérêts moratoires ne pouvaient être exigés de lui qu'à partir de la condamnation judiciaire de l'assuré (Cass. 1re civ janv no 94-17.947), lesdits intérêts étant alors considérés comme une indemnisation supplémentaire (Civ. [...]
[...] 1re janv. 1989: Bull. civ. no 32; RTD civ obs. Jourdain). Le consensus sur cette rétroactivité s'explique par le fait que la dette était indiscutable dès la survenance du fait générateur. En choisissant de faire courir les intérêts à cette date, le juge réprouve l'attitude du débiteur, qui aurait dû reconnaître sa dette sans attendre la décision judiciaire. Une telle approche est guidée, selon le professeur Revet, par des considérations d'équité et de justice, se voulant ainsi favorable aux victimes. [...]
[...] La Cour marque ainsi un revirement significatif dans l'appréciation de ce caractère. B. Une qualification prenant le contre-pied de la jurisprudence Traditionnellement, les intérêts courant avant la date du jugement étaient considérés comme « compensatoires » (Civ. 2e janv. 1983), et à ce titre, ils devaient être inclus dans le plafond de garantie de l'assureur. Seuls les intérêts prenant effet à partir de la date de la décision pouvaient être qualifiés de « moratoires » et ainsi s'ajouter au plafond de garantie (Civ. 1re mai 1994). [...]
[...] Cour de cassation, chambre civile avril 1998, n° 96-14.762 - Les intérêts auxquels a été condamné un assureur de responsabilité en application de l'article 1153-1 du Code des assurances pour une période antérieure au jugement doivent-ils revêtir un caractère nécessairement moratoire ? Dans un arrêt de rejet en date du 28 avril 1998, publié au Bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur la qualification juridique des intérêts légaux alloués pour une période antérieure à la date de la décision fixant l'indemnité. [...]
[...] Il en découle que la Cour de cassation n'exerce plus aucun contrôle sur ce point, libérant ainsi les juges du fond de l'obligation de motiver leur décision. Ce pouvoir discrétionnaire constitue ainsi une prérogative exceptionnelle, car, en principe, toute décision faisant grief devrait être motivée pour justifier son bien-fondé. Ce caractère discrétionnaire avait déjà été affirmé par l'Assemblée plénière dans son arrêt du 3 juillet 1992 (no Bull. civ.), mettant fin aux divergences entre les différentes chambres de la Cour de cassation quant à l'obligation de motiver les décisions avançant le point de départ des intérêts. [...]
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