La responsabilité de l'administration pour les dommages causés par son activité n'a été reconnue que dans la deuxième moitié du XIXè siècle. Les régimes de cette responsabilité ont été élaborés, dans ses principes, par le Conseil d'Etat.
Le droit de la responsabilité administrative est donc éminemment jurisprudentiel puisque même si la loi a souvent organisé des régimes spéciaux de responsabilité, les règles et principes généraux du régime sont l'œuvre du Conseil d'Etat. Il a notamment posé une distinction fondamentale entre la faute personnelle de la faute de service. Il importe de les distinguer pour deux raisons : tout d'abord, la faute personnelle engage la responsabilité de l'agent et la faute de service celle de l'administration, de plus, selon qu'il y a faute personnelle ou faute de service, l'action doit être portée devant le juge judiciaire ou devant le juge administratif comme l'a énoncé l'arrêt Pelletier du Tribunal des Conflits rendu le 30 juillet 1873.
Cela dit, la faute personnelle comme la faute de service sont commises par un agent public. La question se pose donc de savoir comment les distinguer ?
En réalité, il n'existe pas de critères précis permettant d'établir la distinction entre faute de service et faute personnelle. La faute de service est imputable à la fonction et la faute personnelle au fonctionnaire, dans cette seconde hypothèse, l'acte commis par le fonctionnaire perd son caractère administratif. La faute personnelle se caractérise à la fois par sa gravité et par le fait que l'agent a agit hors du but de sa fonction autrement dit elle est considérée comme étant sans lien avec le service. Pourtant, la jurisprudence a admis qu'une faute pouvait être personnelle sans pour autant être dépourvue de tout lien avec le service ou même avec l'exercice des fonctions. Dans l'arrêt Moine rendu par le Conseil d'Etat le 17 décembre 1999, le Conseil d'Etat s'est interrogé sur la nature de la faute commise par un agent de police. En l'espèce, suite au décès en 1987 d'un appelé du contingent placé sous les ordres du lieutenant Moine, le ministre de la défense avait émis le 6 mai 1988 un titre exécutoire à l'encontre de celui-ci pour obtenir le remboursement des sommes versées par l'Etat aux parents de la victime. Le Conseil d'Etat statuant au contentieux, avait annulé ce titre exécutoire par une décision rendue le 3 octobre au motif qu'il n'indiquait pas les bases de sa liquidation. Le ministre de la défense avait alors émis le 26 janvier 1998 un nouveau titre de perception comportant l'indication des bases de liquidation de la dette mise à la charge du lieutenant. Ce dernier a donc sollicité l'annulation de ce nouveau titre exécutoire. Pour cela il se prévalait de trois moyens : d'une part il estimait que le 1er titre exécutoire était encore en vigueur à l'époque de l'émission du second titre alors que pourtant le Conseil d'Etat l'avait annulé, de plus il invoquait différents arguments de procédure : la non déclaration de sa créance par la personne publique, l'indépendance du redressement judiciaire par rapport à sa créance et l'impossibilité d'évoquer la forclusion et enfin, il prétendait que sa radiation des cadres de l'armée pour faute grave dans le service faisait obstacle à la possibilité qu'avait le ministre de la défense d'engager une action récursoire à son encontre pour faute personnelle.
La question qui se pose en l'espèce est de savoir si la responsabilité personnelle de l'agent peut être engagée alors que celui-ci a commis une faute dans l'exercice de ses fonctions.
Pour y répondre, la qualification de la faute à l'origine du préjudice est essentielle (I) puis il faut déterminer quelles sont les parts de responsabilité de l'administration et de l'agent dans la réalisation de ce dommage (II).
[...] Le Conseil d'Etat souligne en outre que l'agent a également commis une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, cette faute personnelle consistant à tuer, involontairement, son collègue. Le Conseil d'Etat reconnaît donc ici l'existence d'une faute personnelle qui s'est déroulée pendant l'exercice de ses fonctions avec l'arme de service mais qui est une faute détachable du service étant donné que le lieutenant Moine ne disposait d'aucune autorisation pour pratiquer ce type d'exercice à balles réelles. En l'espèce le Conseil d'Etat a ainsi jugé que la radiation des cadres de l'armée pour faute grave dans le service ne faisait pas obstacle à la possibilité qu'avait le ministre de la défense d'engager une action récursoire à son encontre pour faute personnelle. [...]
[...] En effet, il parait légitime que la faute entraînant la mort d'un militaire au cours d'un exercice non autorisé puisse être qualifiée de faute d'une extrême gravité. De cette appréciation de la gravité de la faute, le Conseil d'Etat en déduit la personne responsable. La responsabilité de l'agent publique a été reconnue par le Conseil d'Etat parce que l'agent a commis une violation manifestement délibérée d'un obligation à la fois de prudence et de sécurité puisqu'il aurait dû prendre des précautions suffisantes dans l'exercice de tir. [...]
[...] Ce dernier a donc sollicité l'annulation de ce nouveau titre exécutoire. Pour cela il se prévalait de trois moyens : d'une part il estimait que le 1er titre exécutoire était encore en vigueur à l'époque de l'émission du second titre alors que pourtant le Conseil d'Etat l'avait annulé, de plus il invoquait différents arguments de procédure : la non déclaration de sa créance par la personne publique, l'indépendance du redressement judiciaire par rapport à sa créance et l'impossibilité d'évoquer la forclusion et enfin, il prétendait que sa radiation des cadres de l'armée pour faute grave dans le service faisait obstacle à la possibilité qu'avait le ministre de la défense d'engager une action récursoire à son encontre pour faute personnelle. [...]
[...] Ce n'est pas toujours le cas. Dans un autre arrêt du 26 octobre 1973, Sadoudi, un gardien de la paix avait tué accidentellement son collègue en manipulant son pistolet de service alors qu'ils ne se trouvaient pas sur leur lieu de travail. Le gardien de la paix n'était pas en service au moment de l'accident mais d'après les règles régissant l'organisation des gardiens de la paix de Paris, ces derniers doivent conserver leur arme à feu à leur domicile. Le Conseil d'Etat avait jugé que, compte tenu des dangers qui résultent pour les tiers de l'obligation faite aux gardiens de la paix de conserver leur arme en dehors du service, l'accident ne pouvait être dépourvu de tout lien avec le service et avait donc estimé que la responsabilité de la collectivité publique peut être engagée en l'espèce. [...]
[...] Elle est alors considérée comme une faute personnelle engageant la responsabilité de l'agent devant les tribunaux judiciaires. A l'occasion de l'arrêt Pelletier, du Tribunal des Conflits le 30 juillet 1873, à propos de l'action en responsabilité engagée par le sieur Pelletier devant le tribunal civil et tendant à la condamnation personnelle des autorités publiques qui avaient ordonné la saisie d'un journal, le Tribunal des conflits, faisant application du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, a décidé qu'un agent public ne pouvait être poursuivi devant les tribunaux judiciaires que pour faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions. [...]
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