Voie, fait, protection, libertés, fondamentales, administrés
L'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 affirme un principe très ancien qui a émergé dès le début du XIXème siècle : l'autorité judiciaire est "gardienne de la liberté individuelle". Celui-ci se voit appliqué dans la théorie de la voie de fait qui est une construction jurisprudentielle apparue à la fin du XIXème siècle. En effet, pour qu'il y ait constitution d'une voie de fait, deux critères cumulatifs sont demandés : l'irrégularité d'une action de l'administration ainsi qu'une grave atteinte à une liberté fondamentale ou à la propriété privée. En réalité, les conditions d'application de cette théorie sont plus précises que cela : la simple illégalité d'un acte ne suffit pas à le transformer en voie de fait, encore faut-il qu'elle soit grossière, manifeste. A travers la jurisprudence, il apparaît que la notion de voie de fait résulte de l'appréciation souveraine des juges quant à la gravité de l'acte. Il faut préciser que si le juge relève des circonstances exceptionnelles, un acte qui en temps normal aurait constitué une voie de fait, est affecté d'une simple illégalité qui relève de la compétence du juge administratif. Elle ne peut être objective et donc, il n'a y pas une frontière fixe entre l'acte constitutif d'une voie de fait et l'acte simplement illégal. Pourtant, cette appréciation est très importante, car c'est elle qui détermine la compétence du juge, et en cas de voie de fait, la compétence du juge judiciaire est exclusive et pleine : on dit qu'il a plénitude de compétence. Ainsi, l'ordre juridictionnel judiciaire peut constater lui-même l'existence de la voie de fait, il peut adresser des injonctions à l'administration pour la faire cesser, et enfin il peut condamner cette dernière à des réparations pécuniaires. L'une des conditions d'applicabilité de la théorie de la voie de fait c'est l'atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale. Or, la jurisprudence ne propose pas de critère permettant de déceler parmi les droits et libertés ceux qui sont fondamentaux ; il n'est donc pas possible de dresser une liste exhaustive. Cependant, il est possible de signaler pour exemple que les tribunaux ont reconnu le caractère fondamental de la liberté d'aller et venir, du culte, de la presse, d'association, ou encore celle du mariage. Il n'est pas douteux que cette notion de liberté fondamentale a tendance à s'étendre au fil du temps, notamment sous l'action du droit international et plus particulièrement européen. Il faut préciser que le juge judiciaire a eu tendance à interpréter très largement sa compétence en matière d'atteinte à une liberté fondamentale dans la seconde moitié du XXème siècle : il a élargit la voie de fait.
La théorie de la voie de fait s'est forgée au début du XIXème siècle pour la simple raison qu'il n'existait pas de juge administratif véritablement indépendant de l'administration à l'époque et qu'en conséquence il n'offrait pas la même garantie des droits des administrés que les tribunaux judiciaires. En effet, jusqu'à une loi du 24 mai 1872 le Conseil d'Etat n'était qu'un conseiller du gouvernement, et non pas une juridiction comme à l'heure actuelle, et puis, jusqu'à deux décrets des 6 et 26 septembre 1926 les membres de l'ancêtre du tribunal administratif étaient des membres de l'administration : c'était le système de l'administrateur juge. De plus, les requérants recherchaient le juge de l'urgence en s'adressant aux tribunaux judiciaires, car il était certain qu'à l'époque ceux-ci intervenaient dans des délais beaucoup plus brefs que le juge administratif.
[...] Il n'est pas douteux que cette notion de liberté fondamentale ait tendance à s'étendre au fil du temps, notamment sous l'action du droit international et plus particulièrement européen. Il faut préciser que le juge judiciaire a eu tendance à interpréter très largement sa compétence en matière d'atteinte à une liberté fondamentale dans la seconde moitié du XXème siècle : il a élargi la voie de fait. La théorie de la voie de fait s'est forgée au début du XIXème siècle pour la simple raison qu'il n'existait pas de juge administratif véritablement indépendant de l'administration à l'époque et qu'en conséquence il n'offrait pas la même garantie des droits des administrés que les tribunaux judiciaires. [...]
[...] La voie de fait est jugée par la plus part des auteurs non indispensable. De plus, elle se trouve réduite par la politique menée par le tribunal des conflits et le Conseil d'Etat. Cette décision pourrait s'expliquer par la volonté de confier le contentieux sensible relatif à la rétention des étrangers arrivant en France par voie ferroviaire, maritime et aérienne à un juge supposé plus complaisant avec l'administration : beaucoup d'auteurs y ont vu, à l'époque, une remise en cause de la théorie de la voie de fait. [...]
[...] Il faut tout de même émettre des réserves : ce ne sera le cas que si la jurisprudence de tribunal des conflits évolue. En effet, pour l'instant il n'accorde pas au juge judiciaire la plénitude de juridiction que la notion de voie de fait lui confère à l'égard de l'administration. Il oblige le juge civil à renvoyer au juge administratif, à titre préjudiciel, les questions relatives à la légalité de décisions administratives dont la solution commanderait l'appréciation du caractère fautif de l'atteinte portée à la liberté individuelle. [...]
[...] En fait, la loi du 30 juin 2000 relatif au référé liberté a établi une ligne de séparation entre les compétences des autorités administratives et des autorités judiciaires en délimitant deux voies de droit possibles lorsque l'administration porte atteinte à une liberté ou au droit de propriété privée. Soit l'administration agit dans le cadre de ses pouvoirs et donc le référé liberté est possible devant le juge administratif. Soit il n'agit pas dans le cadre de ses pouvoirs, et alors il y a voie de fait de la compétence du juge judiciaire. Ainsi, et malgré les dires de certains auteurs, la voie de fait paraît bien être encore utile à la protection des libertés et de la propriété privée des administrés. [...]
[...] Dans cette affaire deux passagers clandestins dépourvus des documents exigés pour l'entrée sur le territoire français se sont vus notifier un refus d'entrée sur le territoire français ainsi qu'une interdiction de débarquement. Les intéressés ont contesté cette décision devant le juge des référés judiciaires, qui a alors retenu la voie de fait. Le tribunal des conflits a été saisi par le préfet. Cette juridiction a indiqué que l'autorité administrative tirait d'une source légale le pouvoir de procéder à l'exécution forcée des décisions de refus d'entrée. [...]
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