La voie de fait et l'emprise irrégulière sont deux notions jurisprudentielles dont le contentieux relève de la juridiction judiciaire, gardienne de la propriété privée et des libertés fondamentales. En effet, l'emprise irrégulière se caractérise par la dépossession, sans titre régulier, d'un droit réel immobilier au profit de l'administration, la voie de fait par l'atteinte portée par une décision administrative grossièrement illégale à la propriété privée ou à une liberté fondamentale. Dans ces deux cas, c'est donc le juge judiciaire qui statuera sur la réparation du préjudice causé par l'administration. A l'origine, ce transfert de compétence, qui fait exception au principe de séparation des ordres juridictionnels, était fondé sur la forte garantie qu'offrait l'autorité judiciaire par rapport au juge administratif, moins enclin à mettre en cause la responsabilité de l'administration et moins généreux quant aux réparations. Toutefois, le caractère jurisprudentiel de ces théories, leur statut d'exception ainsi que la légèreté avec laquelle le juge judiciaire les utilisait quelquefois, particulièrement dans le cas de la voie de fait qui lui conférait une plénitude de juridiction, en ont fait des notions fortement critiquées et dont la disparition a régulièrement été demandée au Tribunal des conflits sans que celui-ci ait à ce jour accédé à cette demande. Il convient donc de voir d'abord le fondement et l'étendue de la compétence judiciaire en ces matières, puis d'examiner quelles sont les conditions auxquelles la responsabilité de l'administration peut être engagée pour voie de fait ou emprise irrégulière.
[...] 2.Etendue de la compétence en matière de voie de fait : Dans ce cas, les tribunaux judiciaires sont investis, y compris en référé, d'une plénitude de juridiction, c'est-à-dire que non seulement, comme pour l'emprise irrégulière, ils sont compétents pour assurer la réparation de l'ensemble des préjudices qui découlent de la voie de fait, mais aussi qu'ils disposent du pouvoir d'adresser à l'administration des injonctions afin de faire cesser les comportements constitutifs de voie de fait ou de prévenir la commission de la voie de fait en cas de menace précise d'exécution à jour fixe (Cf. par ex. TC décembre 1947, Hilaire ; 26 février 1948, Veuve Puget), et ce éventuellement sous astreinte (référé préventif). De plus cette compétence s'étend à l'appréciation de la légalité comme à l'interprétation des décisions administratives à l'origine de la voie de fait. II. [...]
[...] La dernière différence notable entre les ordres, qui tenait à la rapidité de l'intervention judiciaire grâce au référé, étant tombée avec la loi du 30 juin 2000 sur le référé administratif, certains ont espéré au moins la disparition définitive de la voie de fait, tant elle était souvent mobilisée par les juridictions judiciaires de manière trop souvent inadaptée, tant aussi la notion semblait résulter de l'appariement de deux conditions différentes, la dénaturation due à une illégalité grossière d'une part, l'atteinte aux libertés fondamentales ou à la propriété d'autre part. Un arrêt du Tribunal des conflits, en date du 23 octobre 2000, M.Boussadar c/Ministre des Affaires étrangères est néanmoins venu décevoir ces vœux. Bibliographie René Chapus, Droit administratif général, tome Montchrestien §1075 à 1098. Jacques Arrighi de Casanova, conclusions sur TC,12 mai 1997, Préfet de police de Paris c/TGI de Paris, RFDA mai-juin 1997. Damien Thierry, La jurisprudence Eucat, dix ans après RFDA, id. Alain Bockel, La voie de fait, mort et résurrection d'une notion discutable Dalloz 1970,chr.,p.29. [...]
[...] Ainsi en est-il de l'exécution, en l'absence d'urgence, d'un arrêté ordonnant la fermeture d'un local, en en faisant murer la porte 11mars 1998, Mme Auger). Conclusion Si l'emprise irrégulière fait moins parler d'elle, il n'en demeure pas moins que le principe d'un transfert de compétence au bénéfice du juge judiciaire en cas d'atteinte portée par l'administration à la propriété privée et aux libertés fondamentales, dont l'emprise irrégulière comme la voie de fait sont des exemples, est aujourd'hui vigoureusement contesté. Il apparaît en effet que la juridiction administrative n'a plus à rougir aujourd'hui de la comparaison avec l'ordre judiciaire en matière de protection des citoyens. [...]
[...] 1.Atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale : S'il s'agit d'une atteinte à une propriété immobilière, elle doit avoir le caractère d'une emprise. S'il s'agit d'une atteinte à une propriété mobilière ou à une liberté fondamentale, elle doit être équivalente à la dépossession d'une telle propriété ou liberté. La difficulté dans le dernier cas est de savoir ce qui est liberté fondamentale. La jurisprudence a noté logiquement qu'une activité devant faire l'objet d'une autorisation n'était pas une liberté. [...]
[...] TC octobre 2000, M. Boussadar c/Ministre des Affaires étrangères, AJDA p.143 (20/02/2001). [...]
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