Rousseau préconisait qu'« il est de l'essence d'une puissance souveraine de ne pouvoir être limitée ; elle peut tout ou elle n'est rien ». Cette conception imposait la souveraineté comme une puissance absolue s'exerçant sur le territoire ou la population. Pourtant, cette idée d'un pouvoir auquel ne s'impose aucune règle fut progressivement contestée, et la conception de l'Etat de droit affirmée. Dès lors, les institutions exerçant la souveraineté s'adaptèrent à cette vision nouvelle, l'administration n'apparaît plus légitimement toute puissante et ne peut agir de manière arbitraire. Ainsi, les actes émanant de toutes les autorités compétentes se soumirent à ce principe accepté par la doctrine comme la jurisprudence, et malgré le pouvoir discrétionnaire dont l'administration peut disposer, son action reste limitée puisque celle-ci doit respecter le principe de légalité. Et si, par conséquent, aucun d'entre eux ne devrait, par principe, échapper à cette soumission, sans manquer à la conception nouvellement affirmée, on constate que les actes de gouvernement, ou encore les mesures d'ordre intérieur dérogent fréquemment à ce principe. Mais pour ne pas nier ce dernier à valeur constitutionnelle, la doctrine et les juges expliquèrent ce fait par divers motifs tels que la théorie des mobiles politiques.
Mis à part, donc, ces actes qui justifient leur exclusion du domaine de contrôle, il paraît logique que les juridictions administratives soient compétentes pour contrôler le pouvoir exécutif lorsque des actes émanent de celui-ci, et a fortiori de sanctionner ceux empreints de vices de légalité par une annulation. Ainsi les actes administratifs contraires à une norme supérieure peuvent être déférés au juge administratif afin qu'ils soient déclarés illégaux et le cas échéant annulés.
Néanmoins, la jurisprudence classique comme contemporaine ne cesse d'affirmer l'existence d'actes entachés de vices d'illégalité sans pour autant que ceux-ci soient sanctionnés, annulés, permettant le déploiement de leurs effets à l'égard des administrés. En dehors de l'exception, a priori justifiée, de l'hypothèse dans laquelle l'administration peut ne pas appliquer des normes de valeur supérieure sans encourir de sanction du juge administratif lorsqu'il s'agit des quelques actes insusceptibles de tout recours, leur acception de la pérennité d'actes entachés de vices d'illégalité peut apparaître comme un abandon du principe de la légalité. Mais on comprend aisément que si une telle acceptation subsiste, c'est qu'elle est nécessaire à une administration qui, comme la notre, n'agit que pour satisfaire l'intérêt général.
Ainsi, la question se pose de savoir comment se justifie et s'articule, dans un Etat de droit positif sur lequel se fonde le principe de légalité, le maintien de règles illégales s'imposant unilatéralement aux administrés, sans que cette absence de sanction n'aboutisse à un abandon du principe de la légalité.
Alors que progressivement les limites du principe de la légalité apparurent du fait de situations particulières, les juges administratifs refusèrent de sanctionner certaines décisions administratives illégales afin de pallier la paralysie néfaste que celles-ci engendraient (I), et naquirent alors des procédés visant à rétablir un aspect légal à celles, pour que ne soit pas manifestement abandonné le contrôle fondamental de légalité du juge (II).
[...] Ainsi, il apparaît que compte tenu des circonstances de l'espèce le manquement à la règle procédurale est insusceptibles d'avoir une influence sur la décision prise (CE juillet 1952, Decharme). Le vice de procédure n'est pas non plus considéré si le respect de la règle était en l'espèce impossible (CE sect octobre 1956, Baillet), ou inutile (CE Ass novembre 1948, Razungles-Bassou). Mais ces limites au contrôle de légalité du juge, afin qu'elles n'entravent pas le principe constitutionnellement reconnu, sont palliées par un artifice de contournement. [...]
[...] Ainsi, contrôle réduit et moyen de contournement de l'illégalité par le juge pour éviter un abandon du principe de légalité semblent constituer un équilibre avec la nécessaire action de l'administration. La jurisprudence témoigne donc d'actes entachés d'illégalité qu'elle ne sanctionnera pas mais dont l'irrégularité n'entravera pas les principes établis pour protéger la situation des administrés. Pourtant, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble apporter une autre catégorie de décisions échappant au contrôle normal du juge par l'affirmation d'une théorie de circonstances exceptionnelles étendue à celle de crise générale. Mais là encore, le juge garant de la légalité assurera une limitation importante aux dérogations marginales. [...]
[...] ou de ses motifs, avec l'erreur de droit, une erreur quant à la base légale de la décision, ou une erreur de fait (CE 14 janvier 1916 Camino), ou encore une erreur dans la qualification juridique des faits (CE 4 avril 1914 Gomel). L'illégalité interne peut enfin être reprochée en cas de détournement de pouvoir. Il advint pourtant que l'administration entache ses actes de vices d'illégalité, et le juge administratif considéra que, bien que l'erreur soit réelle, elle ne l'était que pour satisfaire les usagers. La motivation principale de l'administration est la satisfaction de l'intérêt général. [...]
[...] Ainsi en pratique, lorsque l'administration a pris une décision en se fondant sur un texte qui ne lui donne pas ce pouvoir mais qu'il existe réellement une autre disposition qui aurait fondé validement ce pouvoir, le juge substituera, parfois même d'office (CE décembre, El bahi), la bonne base légale à celle invoquée par erreur. Par exemple, dans les affaires Rozé et Arnaud, le Conseil d'Etat valide la décision entachée d'une erreur de droit en affirmant d'une part que la première décision aurait pu être prise en vertu de la loi des pleins pouvoirs, d'autre part que la seconde du maire aurait pu fonder son refus dur le règlement national d'urbanisme. Comme l'erreur relative à la base légale, l'erreur dans la qualification juridique n'est pas inéluctablement une cause d'illégalité. [...]
[...] Ainsi, les actes émanant de toutes les autorités compétentes se soumirent à ce principe accepté par la doctrine comme la jurisprudence, et malgré le pouvoir discrétionnaire dont l'administration peut disposer, son action reste limitée puisque celle-ci doit respecter le principe de légalité. Et si, par conséquent, aucun d'entre eux ne devrait, par principe, échapper à cette soumission, sans manquer à la conception nouvellement affirmée, on constate que les actes de gouvernement, ou encore les mesures d'ordre intérieur dérogent fréquemment à ce principe. [...]
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