La précision de certaines exigences posées par les règles d'élaboration des décisions est parfois telle, qu'il est difficilement concevable que même en l'absence de leur respect, on puisse estimer que l'acte soit entièrement illégal, et que le fait que l'acte soit ainsi vicié au regard d'une règle tout à fait subsidiaire à l'égard de l'importance du fond de la décision doive entraîner nécessairement son annulation. Il faut alors s'interroger sur la nécessité de sanctionner de manière systématique les vices de légalité dont peuvent éventuellement être entachés les actes administratifs, mais aussi peut-être sur la nature de la sanction qui peut leur être opposée. Il s'agit de mettre en contrepoids les exigences de légalité, qui répondent aux caractères inhérents à l'état de droit, et la valeur profonde de l'action administrative qui peut, par son importance, parfois faire apparaître le respect de certaines exigences - procédurales notamment - comme tout à fait dérisoires. Est-il concevable que le juge accepte de neutraliser certains vices de légalité eu égard à la précision, excessive parfois, des exigences qui sont posées par la loi, ou la jurisprudence ? Comment, si l'on s'engage sur le terrain d'une réponse affirmative, justifier, notamment à l'égard des destinataires d'actes défavorables entachés de tels vices, ce type d'aveuglement volontaire de la part du juge quant à la violation de certaines exigences de légalité ?
Il s'agira ici de confronter aussi les objectifs de l'annulation à ce qui peut la causer, et ainsi de faire apparaître la contradiction des exigences de légalité avec ces objectifs, dont le juge prend compte en certaines hypothèses.
On constatera alors que si la structure du contentieux administratif, ou certaines règles imposées à l'administration rendent impossible ou inutile la sanction des vices de légalités (I), le juge s'accorde par ailleurs une certaine marge d'opportunité de la sanction, de l'annulation en présence d'un acte qui présente manifestement des aspects contribuant à son illégalité (II).
[...] La décision est globalement légale puisqu'un des éléments apportés à son fondement est légal, et suffit à la fonder, mais il est incontestable que l'administration n'est dans ce cas pas sanctionnée d'avoir invoqué des motifs illégaux au fondement de la décision Cette appréciation du juge revêt un caractère plus critiquable lorsqu'elle le conduit à substituer aux motifs illégaux un motif légal que l'auteur de la décision n'y avait pas inclus : ainsi la décision n'était pas légale, mais elle l'est rendue par l'intervention du juge : l'intéressé apprend, en cours de procédure, le motif qui fondait légalement la décision (B. Seiller, L'illégalité sans l'annulation) (CE 6 février 2004, Mme Hallal). [...]
[...] Ces principes fondamentaux érigés, régissant de manière globale l'action administrative, se sont vus prolongés par un encadrement de plus en plus étroit de cette action. Ainsi l'exigence de légalité pesant sur les autorités incarnant la puissance publique s'est alors renforcée, parfois à l'extrême, ouvrant à la possibilité d'un contrôle de plus en plus précis, voire minutieux, de la part du juge administratif sur les activités qui sont l'objet de sa compétence. La légalité d'un acte, dans la conception d'un contrôle juridictionnel minutieux, ne suppose plus seulement que, sur le fond, il repose sur une compétence dont dispose son auteur, et qu'il concrétise de manière satisfaisante l'application d'une règle de droit, mais tout autant sur le respect des règles de forme, de procédure auxquelles son élaboration a dû être sujette. [...]
[...] Il existe par ailleurs des vices de légalité qui sont réels, qui entachent les décisions de légalité, maos que le juge n'apprécie pas comme étant à même de motiver l'annulation des actes soumis à son contrôle. II/ Des libertés de l'action juridictionnelle trahissant l'excès des exigences de légalité Dans certaines hypothèses, le juge administratif examine la substantialité de la règle qui a été violée, en analysant si sa violation était à même de porter atteinte au destinataire de la décision ; il examine également différemment le respect de la légalité des actes qui ont été pris dans des circonstances exceptionnelles Ce déni de certaines exigences de légalité provoque nécessairement la réflexion sur la nécessité de certaines règles et sur le caractère excessif de certaines de ces exigences A. [...]
[...] Malgré cela, la limite de ce déséquilibre structurel des rapports entre l'administration et les particuliers est incarnée par la barrière du respect du principe de légalité, qui ne doit pas être franchie par la puissance publique. Il existe, en dépit de ce principe, des situations où la considération des circonstances qui ont commandé la prise de décision, ainsi que l'importance de son contenu, apparaissent réellement et fondamentalement primer sur la règle violée qui peut sembler complètement dérisoire, et qui peut même, en fait, (et non en droit) n'avoir causé aucun préjudice au destinataire de la décision. [...]
[...] On se place ici souvent dans les domaines de la procédure et de la forme, où il n'est pas évident, ni certain, de manière systématique, mécanique, que la violation d'une règle créé directement un préjudice à l'encontre du destinataire de la décision. Ainsi, le juge s'est accordé la liberté de ne pas toujours sanctionner les vices de légalité quant à ces règles. Il examine si la violation n'a pas eu d'influence déterminante sur la prise de la décision (quand par exemple les droits que la règle (de procédure, souvent) garantissait aux autorités consultées, aux administrés ont été compromis). [...]
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