« Le recours pour excès de pouvoir est l'arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés » écrit Gaston Jèze en 1929 dans un article intitulé Les libertés individuelles. Le recours pour excès de pouvoir est en effet une caractéristique primordiale de l'Etat de droit puisqu'il permet, sous certaines conditions de recevabilité, d'obtenir l'annulation d'un acte administratif qui, selon la distinction établie par Edouard Laferrière dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, serait pris par une autorité incompétence en la matière, contiendrait un vice de forme, une violation de la loi ou un détournement de pouvoir.
Cependant, depuis 1929, la jurisprudence a donné naissance à un autre type de recours contre les actes administratifs. Le droit des recours est en effet essentiellement prétorien. Le recours étant l'action légale par laquelle l'on demande au juge de trancher un litige, c'est le juge lui-même qui a défini par sa jurisprudence le régime des recours. Le juge administratif s'est ainsi reconnu le pouvoir d'exercer un recours de plein contentieux lui permettant non plus seulement d'annuler mais également de reformer, de réécrire l'acte administratif lui-même aux vues du litige soulevé. Recours pour excès de pouvoir et recours de plein contentieux sont ainsi les deux voies d'actions contre les actes administratifs.
Dans ce cadre, la possibilité d'un recours contre tous les actes administratifs ne paraît pas aller de soi, puisque la souveraineté de l'Etat et le nécessaire maintien de moyens d'action efficaces entrent en balance avec la garantie d'un Etat de droit et la reconnaissance de libertés individuelles. Ainsi, tous les actes administratifs sont-ils susceptibles de recours ? Quels sont les champs où l'Etat a accepté de soumettre son action à une possibilité de demande d'annulation ou de réformation ?
[...] Le Conseil d'État a ainsi estimé que la gravité de la mesure créait un grief et donc une possibilité de recours. L'arrêt du 14 décembre 2007 Boussouar, Planchenault et Payet reconnaît, lui, qu'une décision de transfert de prisonnier est susceptible de recours si ce transfert entraîne un changement de régime juridique auquel le détenu est soumis. En ce qui concerne les mesures relevant du domaine militaire, l'arrêt Hardouin du 17 février va dans le même sens que les arrêts précédents puisqu'il énonce la possibilité de recours contre une décision de mise aux arrêts. [...]
[...] Guyomar, La justiciabilité des mesures pénitentiaires devant le juge administratif, AJDA p.273. P. Wachsmann, La recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des contrats, RFDA p.24. [...]
[...] Le Conseil d'État recherche maintenant à apprécier la nature et l'importance des actes pris dans le cadre des mesures d'ordre intérieur et à redéfinir leur champ en cherchant à déterminer des catégories d'actes susceptibles de recours et d'autres catégories insusceptibles de recours où des exceptions pourront être faites en cas de mise en cause des libertés ou droits fondamentaux. Par l'extension de son contrôle, le juge administratif devient donc un véritable garant des droits. Il s'est rapproché du rôle déjà assumé par le juge judiciaire et le juge constitutionnel de protecteur des libertés. L'évolution de la jurisprudence vers une plus grande garantie des droits marque un changement de l'approche du juge administratif. Ce changement se caractérise par l'adoption d'une approche plus subjective du contrôle de la légalité des actes administratifs. [...]
[...] Dans les deux cas, le but est cependant bien de reconnaître un droit de recours touchant un champ d'actes plus large en contournant l'immunité par l'isolation d'actes attaquables au sein d'un ensemble inattaquable. B. La restriction des cas d'immunité juridictionnelle par le juge administratif Au-delà de la théorie des actes détachables, le juge administratif a également tendu à renforcer son contrôle en limitant l'immunité de certains actes. Ainsi, certains actes auparavant considérés comme insusceptibles de recours se sont vus reconnaître une possibilité de recours par le juge administratif. C'est notamment le cas des contrats conclus par l'administration. [...]
[...] Les circulaires interprétatives étaient, elles, insusceptibles de recours. Une nouvelle distinction a été établie avec l'arrêt Mme Duvignères du 18 décembre 2002 : les circulaires impératives font grief et sont susceptibles de recours alors que les circulaires dénuées de caractère impératif n'en sont pas susceptibles. C'est donc l'effet des circulaires qui est maintenant considéré comme critère de distinction. Enfin, les directives, par lesquelles l'administration détermine les conditions d'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, ne sont également pas susceptibles de recours. Ainsi, malgré le principe proclamé par le Conseil d'État et repris par le Conseil Constitutionnel de droit au recours contre tout acte administratif, de nombreux domaines ont échappé à cette possibilité de contrôle. [...]
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