Si les libertés fondamentales sont les prérogatives conférées à un individu en raison de sa seule qualité d'être humain, celles-ci doivent faire l'objet d'une protection spécifique. En effet, en dépit de leur caractère fondamental, car elles sont souvent constitutionnelles voire même supra-constitutionnelle, il est en pratique important de constater que ces libertés souffrent d'une protection moindre, en ce sens qu'elle est fragile, comme en témoignent les rapports entre particuliers ou encore les irrégularités commises par l'Administration dans son action.
L'Administration, qui n'est qu'en réalité que l'ensemble des autorités investies des prérogatives de puissances publiques en vue de satisfaire un but d'intérêt général, peut en effet être dans l'exercice de ses prérogatives exorbitantes de droit commun, à l'origine de troubles aux libertés fondamentales. C'est ce qu'illustre la théorie de la voie de fait. La voie de fait est un fait de l'Administration qui porte matériellement et illégalement une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété, et qui n'entre pas dans ses pouvoirs.
[...] Nous disons action arbitraire car l'Administration a ici en effet, outrepassé les limites de ses prérogatives. Ainsi, l'Administration a agi hors la Loi, soit parce que la voie de fait résulte de l'exercice forcé irrégulier d'une décision régulière, soit parce que la voie de fait résulte d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à l'application d'un texte législatif ou réglementaire, ou bien encore à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'Administration, soi parce qu'elle repose sur un motif radicalement différent de celui prévu par le texte. L'atteinte aux libertés fondamentales. [...]
[...] L'absence de régime de protection à part entière. Lorsqu'il est porté atteinte aux libertés fondamentales dans l'hypothèse d'une voie de fait commise par l'Administration, le juge judiciaire exerce de concert sa compétence de protection des libertés avec le juge administratif, en ce sens qu'il n'est pas du ressort de sa propre compétence de prononcer l'annulation de l'acte, celle-ci n'appartenant qu'à l'ordre de juridiction administrative, laissant transparaître ainsi la limite à une protection des libertés fondamentales dans l'hypothèse d'une voie de fait. [...]
[...] Le retrait de compétence de protection des libertés au juge administratif La dégradation de l'action administrative comme le résultat de son caractère dégradant Le caractère arbitraire de l'action administrative illustrée par la voie de fait est tel que l'Administration est déchue de sa dignité d'activité administrative et du privilège de juridiction qui s'y attache. La perte du privilège de juridiction du juge administratif. La dénaturation de l'activité administrative débouche sur la perte du caractère administratif des actes de l'Administration, et en particulier ceux en cause, c'est-à-dire ceux qui mettent en danger la protection des libertés fondamentales. [...]
[...] La théorie de la voie peut et doit être vue comme un système de protection original des libertés, car faisant intervenir le juge judiciaire dans les affaires de l'Administration pour faire cesser une voie de fait commise par cette dernière et la faire réparer. Le juge judiciaire apparaît donc comme le seul compétent pour connaître de l'irrégularité de l'acte en cause. Néanmoins, ce système de protection est limité, d'une part parce que la théorie de la voie de fait est une théorie essentiellement jurisprudentielle, et d'autre part parce qu'elle ne permet pas de caractériser un régime de protection à part entière des libertés. [...]
[...] C'est ainsi que le Tribunal des Conflits a affirmé cette solution et a consacré la théorie de la voie de fait par la même, aux termes de l'arrêt Action Française, rendu le 8 avril 1935. Mais cette théorie, théorie prétorienne, va-t-elle pour autant dans le sens d'une protection des libertés fondamentales ? Autrement dit, la théorie de la voie de fait est-elle compatible avec la protection des libertés fondamentales ? Cette question au cœur de notre sujet nous conduira à organiser notre raisonnement en deux temps. [...]
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