Le caractère tardif et exclusif de cette procédure la fait apparaître aux yeux du contribuable comme un « joker procédural » au bénéfice de l'administration car n'oublions pas que cette possibilité ne va pas de soi. Dans la matière civile, rappelons les dispositions de l'article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile, « le juge ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique quand les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquelles elles entendent limiter le débat. » Dans le cadre d'application de cet article les règles du débat juridique sont donc intangibles et ne peuvent être modifiées par l'une d'entre elles au gré de sa volonté.
Cet article ne s'applique pas à l'outil administratif qu'est la substitution de base légale et on peut penser que cette non application est au seul bénéfice des services fiscaux. En effet le contribuable, partie à la procédure, n'a aucune contrepartie à cette prérogative sinon celle que la pratique ne peut être mise en œuvre que dans le cas où elle ne le prive pas des garanties qui lui sont offertes. Ces garanties sont celles de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui assure à chaque citoyen un procès équitable.
Cette préoccupation textuelle de la préservation par l'administration des droits du contribuable s'étend-t-elle à la pratique ou reste-t-elle très théorique? Cette possibilité propre à l'administration est-elle conforme au principe de l'égalité des armes développée à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ?
[...] La Cour Administrative d'Appel a écarté la demande de l'administration mais la décision de la CAA a été cassée par le Conseil d'Etat. "La cour administrative d'appel ne pouvait pas rejeter une demande de substitution de base légale présentée par l'administration au motif que le changement de base légale priverait le contribuable d'une garantie de procédure sans rechercher si, pour la substitution à la procédure de taxation d'office de revenus d'origine indéterminée de la procédure contradictoire, le contribuable n'a pas en fait bénéficié des garanties de la procédure contradictoire." Cette décision rappelle le rôle du juge en matière de substitution de base légale. [...]
[...] Si la substitution est faite dans le "prolongement" d'une procédure contradictoire les garanties du contribuable sont identiques. Si la substitution est faite dans le prolongement d'une procédure d'office, les protections du contribuable sont déjà réduites, donc il est peu probable que la substitution de base légale privera ce dernier de garanties. - Absence de condition quant au délai. La substitution de base légale peut-être demandée: - au stade de la réclamation préalable devant l'autorité d'administrative, - devant le tribunal administratif, - pour la première fois en appel. [...]
[...] Le juge ne peut pas soulever d'office la substitution de base légale. L'initiative de cette substitution appartient à l'administration (CAA Bordeaux décembre 1990, Réq. n°618). L'impossibilité pour le juge d'appliquer d'office la substitution de la base légale implique qu'il ne peut pas substituer au fondement de l'imposition contestée un autre fondement légal en l'absence de conclusions de l'administration en ce sens. L'administration peut cependant demander la substitution à titre subsidiaire (CE 3 octobre 1994, Sandrini). La demande de substitution formulée par l'administration doit être précise et non équivoque sur la position de l'administration et sur son intention (CAA Nancy octobre 1994). [...]
[...] C'est par un arrêt de 1936 que le CE[2] affirme pour l'administration ce droit d'invoquer à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, tous moyens de nature à faire reconnaître par les tribunaux le bien-fondé des impositions contestées devant eux. Les services fiscaux sont donc en droit de faire état d'une base légale autre que celle initialement retenue. A cette prérogative de l'administration, le contribuable n'a pas de contrepartie nette (cf. infra). Sa seule garantie lors d'une telle procédure est une tentative de rétablissement de l'équilibre pour préserver le respect des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes. [...]
[...] En effet, si l'administration ne constatait pas une erreur de sa part, il n'y aurait pas lieu de changer le fondement légal de ses réclamations. Pourquoi le particulier devrait-il être victime des conséquences d'une telle erreur ? La substitution de base légale n'est-elle pas entachée, peu importe ses conditions d'application, d'une irrégularité qu'on pourrait presque qualifier de congénitale par sa contradiction au principe de l'égalité des armes repris par l'article 6 de la CEDH, dans la mesure où le principe qu'elle affirme est une prérogative dont seule l'administration peut réellement bénéficier. [...]
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