Théorie, accessoire, critère, alternatif, affectation
L'un des grands reproches contemporains fait à l'Etat français est sa méconnaissance de son patrimoine exact. C'est là tout le problème de la domanialité publique. Il faut savoir que le patrimoine des personnes publiques est composé de l'ensemble des biens meubles et immeubles, artificiels et naturels leur appartenant qui sont destinés à leur permettre de remplir leurs missions. Deux ensembles sont distingués au sein du « grand domaine » d'une personne publique : le domaine privé et le domaine public. Cette distinction est essentielle, car chacun de ces domaines bénéficie d'un régime juridique différent, différence qui est une conséquence directe des lois des 16 et 24 août 1790 ayant instauré la séparation des autorités judiciaires et administratives. L'idée c'est que l'administration doit être soumise à des règles spéciales, car son activité est dictée par l'intérêt général, au contraire des particuliers, qui n'agissent que dans leur intérêt personnel. Cette explication emporte d'ailleurs des exceptions : dès lors qu'une personne publique n'agit pas dans un but d'intérêt général, elle sera, en principe, soumise au droit commun. Sur ce modèle, certains biens publics, c'est-à-dire appartenant à une personne publique, sont soumis au droit commun parce qu'ils ne servent pas l'intérêt général, ils forment le domaine privé de la personne publique propriétaire ; tandis que d'autres sont soumis au droit administratif, et ce parce qu'ils sont affectés plus ou moins directement à l'intérêt de tous, ils forment son domaine public. Ainsi, il apparaît indispensable de bien distinguer la consistance du domaine public.
La jurisprudence s'est chargée de dégager progressivement les critères de l'indentification du domaine public. Le législateur, lui, n'est intervenu que très récemment, et s'est contenté de consacrer les critères jurisprudentiels et de tenter de les encadrer et d'enrayer certains abus. Pour des raisons pratiques, cette étude ne mentionnera que les critères d'identification du domaine public de certaines personnes publiques ; celles visées à l'article L 1 du Code général de la propriété des personnes publiques, code qui n'a été institué que très récemment, par une ordonnance du 21 avril 2006. Les personnes qui y sont mentionnées sont l'Etat, les collectivités territoriales et les Etablissements publics. En effet, le domaine public des autres personnes publiques, c'est-à-dire des personnes suis generis, est soumis à des règles spéciales fixées dans les textes qui les régissent selon l'article L 2 du Code précité. La jurisprudence a mis en lumière deux séries de deux critères permettant de rattacher un bien au domaine public : il s'agit d'abord d'une théorie que l'on pourrait qualifier de classique qui se rattache à l'affectation du bien, puis d'une autre théorie construite, elle, autour de l'idée essentielle de la situation d'accessoire du domaine public.
[...] Le Conseil d'Etat, lui, ne l'a reconnu que le 19 octobre 1956, par sa décision société le Béton. En 1956, il y a donc eu une certaine première extension du domaine public. Toutefois, très vite, dès la décision SNCF contre Epoux Giraud du 21 décembre 1956, l'admission de cette forme d'affectation à l'utilité publique fût assortie d'une condition supplémentaire : il faut que le bien fasse l'objet d'aménagements spéciaux. La jurisprudence a contourné cet obstacle à l'admission de l'appartenance d'un bien au domaine public par une appréciation très souple de l'aménagement spécial. [...]
[...] PARTIE 2 / Des dérives à l'essoufflement de la théorie de l'accessoire La nécessité d'une application du régime de la domanialité publique aux seuls biens à l'usage de tous ou à ceux présentant un lien effectif et étroit avec le service public s'est fait ressentir Le passage à cette conception restrictive de la règle de l'accessoire s'est opéré sous l'impulsion de la doctrine par le législateur et la jurisprudence A / La dérive de la théorie de l'accessoire et ses conséquences La jurisprudence moderne a eu tendance à utiliser excessivement la théorie de l'accessoire, et ainsi à étendre le régime de la domanialité publique à des éléments naturels ou artificiels qui ne présentaient pas de lien fonctionnel avec ce domaine ou qui n'étaient pas toujours nécessaires à l'usage du domaine public. Les arrêts rendus à propos d'une même affaire dits Commune d'Avignon du Tribunal administratif de Marseille rendu le 10 juillet 1968, et consorts Philip-Bingisser du Conseil d'Etat rendu le 28 janvier 1970 en sont clairement une illustration. En l'espèce, un canal d'assainissement situé à Avignon fait partie du domaine public de cette ville. Une voûte le recouvre ; elle est perçue comme étant l'accessoire du domaine public par application du critère de situation. [...]
[...] La règle de l'accessoire est donc pleinement utilisée comme critère alternatif à l'affectation. C'est un moyen d'étendre le domaine public en dehors de toute notion d'affectation, qui a parfois été utilisé sans limites par les juridictions administratives Le phénomène d'extension du domaine public dont une des causes est la théorie de l'accessoire n'est pas satisfaisant, et ce pour diverses raisons. D'abord, il conduit à étendre un peu plus l'application de règles juridiques spécifiques liées au régime de la domanialité publique, telle que l'inaliénabilité du bien litigieux, règle qui se justifie par une volonté de protection du patrimoine commun. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a affirmé que le contrat liant les exploitants du café construit sur cette dalle comportait occupation du domaine public : le café est donc perçu, en quelque sorte, comme l'accessoire indirect l'accessoire de l'accessoire du canal d'assainissement, alors même que celui-ci n'est utilisé qu'à des fins privées. Cet arrêt semble bien étendre déraisonnablement la notion de contrat comportant occupation du domaine public, et par là même, la théorie de l'accessoire, et cela, sans limite. S'en amusant, et pour montrer l'absurdité de la situation, le juriste A. [...]
[...] L'ajout de l'adjectif nécessaire est ici le signe de l'approche plus restrictive que par le passé de la notion d'accessoire. La haute juridiction administrative va plus loin dans un arrêt du 28 décembre 2009, dit SARL Brasserie du Théâtre. Dans cette espèce, le maire de la ville de Reims avait consenti un bail à la SARL Brasserie du théâtre relativement à des locaux situés dans l'enceinte du théâtre municipal. Le bail arrivant à expiration, la société avait demandé son renouvellement se fondant sur la législation relative aux baux commerciaux. [...]
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