L'article 55 de la Constitution s'insère dans le Titre VI, Des traités et accords internationaux, c'est-à-dire parmi les règles qui fixent l'insertion de la norme internationale en droit interne. Il dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Cet article montre que la Constitution du 4 octobre 1958 adopte une conception moniste du droit international, ce qui fait qu'en principe, les normes internationales seraient d'application immédiate et n'exigeraient aucune formalité pour être reçues et intégrées dans l'ordre interne. Avant de nous interroger sur le caractère effectif de cette disposition, voyons si la Constitution de 1958 apporte une nouveauté. En effet, les lois constitutionnelles de 1875 qui ont instauré la IIIe République ne prévoyaient pas de dispositions spécifiques concernant le droit international, on est alors dans un système dualiste, c'est-à-dire où les normes internationales ne sont pas automatiquement intégrées dans l'ordre juridique.
[...] L'exclusion de toute norme constitutionnelle pour l'application de l'article 55 et du contrôle de conventionalité semble désormais ancrée dans la jurisprudence, restée inchangée depuis les arrêts Sarran et Mlle Fraisse. [...]
[...] Nous avons montré dans cette première partie que c'est le refus du juge constitutionnel d'appliquer l'article 55 qui a permis au juge de droit commun d'en assurer la mise en œuvre directement au cours d'un procès, c'est-à-dire par voie d'exception, malgré une évolution plus lente du côté du juge administratif. Après avoir vu donc comment les juges ont réussi à intégrer la norme internationale en droit interne en appliquant l'article 55, nous devons déterminer quelle est la place de cette norme internationale dans l'ordre interne, et voir donc par ceci, si l'application de l'article 55 n'est pas limitée. [...]
[...] Dans l'ordre international et les relations internationales, la norme internationale prime sur le droit interne, y compris sur la norme constitutionnelle. Mais dans l'ordre interne français, la jurisprudence donne au droit international une valeur infra-constitutionnelle. Ainsi l'assemblée du contentieux l'a affirmé expressément, dans un arrêt du 30 octobre 1998, Sarran et Levacher et autres : la suprématie conférée par l'article 55 aux engagements internationaux ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle. Le Conseil d'Etat avait déjà reconnu implicitement ce principe dans l'arrêt Kone du 3 juillet 1996, où il avait décidé d'interpréter les stipulations d'un accord d'extradition conformément à un principe fondamental reconnu par les lois de la république selon lequel l'extradition est interdite lorsqu'elle est demandée dans un but politique. [...]
[...] La supériorité d'un engagement international sur une loi antérieure était, en effet, déjà admise depuis longtemps. On considérait pour cela que la volonté du législateur la plus récente primait, et donc par la ratification de l'engagement international, la loi antérieure contraire était tacitement abrogée. Le problème était donc de savoir ce qu'il advenait des traités antérieurs à une loi contraire, et par les deux décisions Vabre et Nicolo, dans lesquelles les juridictions administrative et judiciaire ont abandonné leur jurisprudence antérieure, on a estimé que le traité avait une valeur supérieure à la loi contraire, même si cette dernière était plus récente. [...]
[...] En effet, il apparaît dès lors que le Conseil constitutionnel refuse de procéder à un contrôle de conventionalité, que l'article 55 n'est pas effectif, puisque son application consiste à procéder au contrôle de conventionalité. Or, même si l'article 55 restait écrit dans la Constitution, si aucun juge ne souhaite procéder à ce contrôle, on ne peut pas dire que le système est moniste, il est nécessairement dualiste par l'ineffectivité de l'article 55. Certains ont parlé de vide juridictionnel pour qualifier cette situation juridique où aucun organe juridictionnel ne procède à ce contrôle. [...]
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