L'intégration européenne s'est conçue depuis le Traité de Rome comme un moyen de réaliser un marché intérieur unique. La Communauté s'est fixé l'objectif de libéraliser les économies européennes. Or, les services qui engagent l'intérêt général des sociétés européennes souvent publiques comme en France et prenant fréquemment la forme de monopoles constituent un obstacle évident à cet objectif de libéralisation. De là découle la crainte, répandue en particulier dans l'opinion publique française, de la notion de « démantèlement des services publics ».
Le sujet que nous allons aborder concerne donc la conciliation entre le service d'intérêt général et le droit de la concurrence, entre le droit interne et le droit communautaire.
Les services d'intérêt général désignent les activités de service marchand ou non marchand, considérées d'intérêt général par les autorités publiques et de plus soumises à des obligations spécifiques de service public. Les services d'intérêt général regroupent les activités de service non économique, par exemple le système de scolarité obligatoire ou la protection sociale, et les fonctions dites « régaliennes » comme la sécurité ou la justice. Les services d'intérêt économique général (SIEG) désignent parmi les services d'intérêt général ceux qui relèvent du secteur marchand comme les services en réseau de transport, d'énergie, de communication. L'article 3 du Traité de Rome de 1957 précise que l'idée primordiale du Traité est de favoriser les échanges entre pays membres, d'entrelacer les marchés pour tisser un marché européen régi par le libre-échange. Le service répond à d'autres buts et utilise pour les atteindre d'autres moyens afin de pérenniser les principes auxquels il répond, c'est-à-dire la continuité, l'égalité et la mutabilité.
[...] Il y a une remise en cause généralisée de l'état dans la sphère économique. Finalement, on voit bien que ce ne sont pas les monopoles publics qui sont remis en cause, mais la présence matérielle ou financière de la personne publique dans la gestion des services publics. C'est là où on touche davantage à la notion de service public, car c'est finalement le critère organique qui est remis en cause par la commission. L'approche libérale de la commission ne va pas aider à la valorisation des politiques communautaires en la matière dans un vieux pays étatiste comme la France. [...]
[...] Les autorités communautaires prenant acte des réserves françaises sur la notion de service public vont adopter une lecture moins libérale de cet article 86. La Cour va entreprendre sur le plan institutionnel d'assigner des limites à l'activisme de la commission à cet égard et on va voir aussi réapparaître dans sa jurisprudence des contraintes liées à la cohésion sociale, à l'aménagement du territoire à côté des seules exigences de la libre concurrence. L'arrêt célèbre qui marque cette volonté, c'est l'arrêt Paul Corbeau en 1993. [...]
[...] La réforme des services publics a été largement souhaitée par la France. Ce sont des facteurs politiques qui ont avant tout engendré ces réformes. Au moment où la commission se montrait active dans les années 80, le gouvernement français avait adopté une ordonnance qui allait dans le même sens (ordonnance de 86 sur la concurrence codifiée à l'article L420-1 codes de commerce), cette ordonnance dispose que les règles qu'elle définit s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services y compris celles qui sont le fait de personnes publiques notamment dans le cadre de délégation de service public Il est certain qu'on a à partir des années 80 changées d'approche sur l'organisation, le fonctionnement des services publics, il est certain que le droit communautaire a accompagné parfois encouragé ces mutations, de fait elles se sont opérées souvent dans un cadre défini par le droit communautaire. [...]
[...] La CJCE n'a pas été la seule institution à avoir connu cet infléchissement, c'est le cas aussi du parlement européen, du conseil et surtout de la commission. La communication de la commission du 11 septembre 1996 traduit ce net infléchissement relativement à l'application des règles de concurrence aux services publics. La communication dit en effet que loin d'être incompatibles, les SIG, le marché intérieur et la politique de la concurrence de la communauté sont au contraire complémentaires pour la poursuite des objectifs fondamentaux du traité On peut également souligner l'adoption d'un nouvel article 16 par le traité d'Amsterdam qui reconnaissait le rôle des SIG dans la promotion de la promotion sociale et territoriale de l'Union. [...]
[...] Il n'existe pas de définition commune du service public entre tous les états membres et cela a sans doute fait obstacle à l'impulsion d'une politique volontariste et cohérente des institutions communautaires à l'égard de ces activités. Au sein de l'Union européenne existent des traditions antagonistes à l'égard des activités d'intérêt général. Pour certains États dont la France, le service public est une notion qui non seulement produit des effets juridiques, mais a des valeurs sociales et politiques fondamentales liées au fondement de l'État et à son rôle. [...]
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