Séparation des contentieux, rétention, liberté individuelle, Conseil constitutionnel, article 66 de la Constitution, article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, compétences juridictionnelles, rétention administrative, loi du 7 mars 2016, juge des libertés et de la détention, CESEDA Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
La liberté individuelle est une liberté indéfinie textuellement, ce qui a permis au Conseil constitutionnel de lui conférer des acceptions particulièrement diverses. Ainsi, ont notamment pu être considérés comme des composantes de la liberté individuelle, la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale ou encore le droit au respect de la vie privée. Cette notion a ensuite réduit comme peau de chagrin, découpée à grands coups de hache par les membres du Conseil constitutionnel.
Aujourd'hui, et pour l'instant, il ressort des décisions du Conseil constitutionnel que la liberté individuelle doit être comprise comme rempart à la détention arbitraire, à la privation totale de la liberté. Ainsi, la liberté individuelle peut être utilement invoquée en matière de garde à vue, d'hospitalisation d'office, de détention et surtout de rétention administrative d'étrangers. La qualification de liberté individuelle est décisive en tant qu'elle détermine le juge judiciaire comme juge exclusivement compétent, comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article 66 de la Constitution.
[...] La Cour de cassation admet donc bien qu'il existe un risque d'illégalité, même si le juge administratif a rejeté définitivement un recours en excès de pouvoir contre la décision administrative en cause. Alors, certes, l'affaire en cause ne concernait pas une question de droit des étrangers, mais pourquoi la logique devrait être différente en cette matière ? Il pourrait être argué que les délais sont trop courts en matière de rétention pour poser une question préjudicielle, mais cette justification parait juridiquement discutable, puisque lorsque la juridiction administrative compétente est saisie d'une question préjudicielle soulevée par une juridiction judiciaire, l'affaire est instruite et jugée comme une affaire « urgente » et les seuls délais les plus brefs sont donnés aux parties pour produire leurs observations. [...]
[...] Il faut rappeler que le juge judiciaire n'a pas la simple faculté, mais l'obligation de transmettre une question préjudicielle seulement lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative. L'argument de la bonne administration de la justice peut donc aussi être relativisé. À supposer qu'il soit réellement pertinent, le respect de la légalité, la protection de la liberté individuelle et de l'obligation de transmission question préjudicielle incombant au JLD doivent-ils être sacrifiés tous sur l'autel de ce seul objectif ? En tout cas, il est certain que l'impossibilité d'exciper de l'illégalité d'une mesure d'éloignement devant le JLD constitue une entrave manifeste au rétablissement de la légalité. [...]
[...] Cela étant, le juge judiciaire conserve une large sphère d'incompétence, affaiblissant la protection de la liberté individuelle. Un juge des libertés et de la détention aux ailes seulement partiellement déployées Si la loi du 7 mars 2016 confie au juge des libertés et de la détention le contrôle de la légalité externe et interne de la décision de placement en rétention, le juge administratif demeure compétent pour statuer sur la légalité de la mesure d'éloignement, qui fonde la décision de placement en rétention. [...]
[...] Une séparation des contentieux encore nécessaire En dépit des difficultés que pose la séparation des contentieux de l'éloignement et de la rétention, celle-ci demeure nécessaire en raison de la conception française de la séparation des pouvoirs En tout état de cause, unifier ces contentieux ne semble même pas opportun sur un plan pratique Une séparation nécessaire en raison du principe de séparation des pouvoirs à la française Se trouvant à la limite du contentieux administratif et du contentieux judiciaire, transférer l'intégralité du contentieux des étrangers à un seul des deux ordres de juridiction afin de le simplifier est une hypothèse qui n'est pas dénuée d'intérêt. Cependant, transférer l'intégralité du contentieux des étrangers tant au juge administratif qu'au juge judiciaire parait constitutionnellement difficile sans violer le principe de séparation des pouvoirs. [...]
[...] Ainsi, confier au juge administratif l'intégralité du contentieux de la rétention pour l'unifier avec le contentieux de l'éloignement parait impossible, et ce même si cela pourrait faciliter la défense de la liberté individuelle. Il parait en effet plus simple de s'adresser à un seul juge plutôt que deux. C'est pour cette raison qu'il faut désormais envisager un transfert de l'intégralité du contentieux des étrangers au juge judiciaire. L'impossible atteinte des exigences de la décision Conseil de la concurrence, obstacle au transfert de l'intégralité du contentieux de l'éloignement au juge judiciaire Dans sa fameuse décision Conseil de la concurrence, le Conseil constitutionnel a dégagé le principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des actes administratifs, tout en précisant que dans la mise en œuvre de ce principe, « lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ». [...]
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