« La conscience moderne exige que l'administration agisse au grand jour. On lui a, pendant très longtemps, toléré des décisions secrètes. Maintenant, on veut que toutes ses décisions et toutes ses actions soient publiques et l'on a le sentiment que ce qui n'a pas été fait publiquement n'est pas régulier ». Ce besoin et ces vertus prêtés à la transparence, dès le début du XXe siècle par Maurice Hauriou, sont révélateurs du décalage qui a régné, et continue toujours dans une certaine mesure de régner, entre une pratique administrative façonnée par le modèle bureaucratique, et des usagers en quête sinon de transparence absolue à des fins de contrôle attentif sur l'administration, du moins et plus modestement de plus d'écoute et d'un minimum de concertation sinon de participation. Or le secret, à savoir la rétention volontaire d'informations, fait obstacle aux revendications même les moins ambitieuses des usagers de l'administration, qui se vivent alors comme des assujettis dépendant d'un appareil administratif distant. Or cette tension, entre pratique du secret et idéal de transparence, n'est pas à minimiser. Certes à première vue, le but de l'administration est de réaliser concrètement et quotidiennement l'intérêt général ; c'est tout à la fois sa raison d'être et les raisons de ses prérogatives. Or cette fin attribuée à l'administration renvoie plutôt à l'idée d'efficacité administrative, notion qui implique de remplir une mission d'intérêt général avec un minimum de gaspillage et dans des délais acceptables. Mais précisément, pour contrôler l'action de l'administration, savoir si elle remplit bien les objectifs qui lui sont assignés et si elle agit conformément à sa mission, il est nécessaire que les informations essentielles des modalités de fonctionnement de l'administration, notamment de l'élaboration et de la prise des décisions, soient rendues publiques.
[...] En effet, M. Bruno Lasserre écrivait dans le 3e rapport de la CADA, en 1984 : Il existe, en France, une tentation trop répandue : celle de croire que le problème est réglé lorsqu'ont été adoptés la loi et ses textes d'application. Les Anglo-saxons ont une approche moins formelle : les moyens matériels, les conditions pratiques comptent autant que le cadre juridique. Il est grand temps, pour l'application de la loi du 17 juillet 1978, de se préoccuper de ces conditions matérielles S'agissant de l'implication de l'administration, le colloque secret et transparence organisé en 2003 à l'occasion du 25e anniversaire de la loi de 1978[8] a pu montré que son implication était quasi nulle dans la préparation de cette loi, même si des dispositifs sporadiques d'information par brochure ou au sein du gouvernement par des décrets sectoriels montraient la prise de conscience réticente de la contestation du secret par l'opinion publique. [...]
[...] Cette résignation n'est pas pour faciliter la communication des documents des refus de l'administration concerne des documents qui auraient pu sans problème être communiqués et 70% de ces refus sont implicites, ce qui témoigne du mépris de l'administration en ce domaine. Après la saisine de la CADA, le professeur Chevallier a montré, dans le colloque précité, que les administrations attendaient la décision avant de prendre quelque initiative que ce soit. Par ailleurs si le nombre de saisines de la commission est de plus en plus élevé - plus de 2000 demandes par an - c'est que certaines administrations attendent son intervention pour, ne serait-ce, que prendre en considération la demande. [...]
[...] Il n'en reste pas moins que les résistances administratives ainsi que l'organisation de l'administration elle-même sont autant de freins au recul effectif du secret. C'est donc à la fois un enjeu politique de préservation et de consolidation de la démocratie politique, participative et administrative, juridique d'encadrement du pouvoir discrétionnaire de l'administration et sociologique de changements des mentalités, habitudes et comportements que soulève la question du secret administratif, de sa prégnance, des tentatives pour l'enrayer et des résistances qui se font jour. [...]
[...] Néanmoins, ces abus, qui ont un écho certain quand ils sont connus, étaient bien plus fréquents avant la loi de 1978, époque à laquelle le fonctionnement administratif tout entier se basait sur cette culture du secret. À la veille de 1978, le droit était en accord avec la pratique du secret et le législateur encourageait même ces procédés. Ainsi, admise depuis la loi 63-1255 du 21 décembre 1963, l'objection de conscience permettait à quiconque invoque des motifs personnels - moraux ou religieux - d'accomplir un service alternatif au service militaire. [...]
[...] G. Dupuis, Secrets d'État, secrets de polichinelle Le Monde juin 1973 ; R.G. Schwarzenberg, Le droit de savoir Le Monde mai 1975 ; R.G. Schwarzenberg, Le secret du Roi Le Monde mars 1976 ; C. Lalumière, Les fonctionnaires et le service public Le Monde mars 1976 ; J. Ellul, Le secret et l'exception Le Monde août 1977 ; H. [...]
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