Le Conseil d'État a cherché à concilier la nécessité pour l'administration de conserver un pouvoir discrétionnaire pour maintenir le bon fonctionnement de ses services, et la garantie des libertés fondamentales de l'administré. Après une approche au cas par cas, le juge a retenu une règle plus générale au milieu des années 90. C'est par trois arrêts du 14 décembre 2007 que la haute juridiction administrative a entendu régler définitivement cette question, en mettant en place un raisonnement pragmatique et systématisé. Plus prévisible et libérale, cette nouvelle règle n'a pas manqué d'inquiéter l'administration qui a craint de perdre irrémédiablement ses prérogatives d'ordre intérieur.
Il est donc légitime de se demander si, en adoptant une approche catégorielle de la mesure d'ordre intérieur, le juge ne l'a pas supprimée définitivement.
[...] Ces réserves de la Cour ont pour conséquence d'empêcher les administrés de se prévaloir d'un droit au recours pour n'importe quelle décision. L'arrêt Rogier du Conseil d'État montre bien qu'une mesure sans effet sur les droits de l'administré, ou améliorant sa situation, ne saurait être contrôlé par le juge. Aussi, il ressort de ces réserves que les mesures d'ordre intérieur auront toujours lieu d'être dans tous les cas où leurs effets sont très limités. De plus, le juge aura à cœur de se montrer modéré lorsqu'il déterminera la recevabilité d'un recours contre une mesure. [...]
[...] Cette recevabilité garantie des recours semble néanmoins porter une grave atteinte au domaine des mesures d'ordre intérieur. Certains auteurs parlèrent même d' hécatombe Les desseins libéraux des décisions du 14 décembre 2007 s'inscrivent dans la continuité de la jurisprudence antérieure en accroissant l'emprise du juge sur l'action de l'administration. Mais le caractère irréfragable de la contrôlabilité de certaines mesures semble condamner l'indépendance, voir l'autonomie de l'administration. En effet, reprenant librement sa jurisprudence antérieure ou agissant sous la pression, voir la contrainte de la Cour de Strasbourg, le juge administratif a déterminé de nombreuses mesures dont le recours en annulation est recevable. [...]
[...] Suite la décision Campbell c/RU du 25 mars 1992 de la CEDH B.Belda avait affirmé que la personne privée de liberté doit en effet pouvoir jouir, à l'instar du citoyen libre, du droit à un recours effectif. Il s'agit donc pour la France de garantir aux administrés placés sous la responsabilité de l'administration, la possibilité d'un recours juridique, quitte à revenir sur la conception même de mesure d'ordre intérieur. Enfin, Le Conseil d'État doit reconnaître à l'administration le pouvoir discrétionnaire de prendre certaines mesures destinées à maintenir le bon fonctionnement de ses services. Aussi, le juge ne peut pas systématiquement déclarer un recours recevable. [...]
[...] Par la succession de cas d'espèce, le juge va dégager des catégories de règles contrôlables de manière irréfragable qui pourraient conduire à terme à la disparition des mesures d'ordre intérieur. À première vue, le système mis en place par les décisions du 14 décembre 2007 semble condamner de manière irréversible la catégorie des mesures d'ordre intérieur. Néanmoins, ces mesures relèvent d'une nécessité pratique pour l'administration de pouvoir agir discrétionnairement afin d'assurer la bonne marche de ses services. Aussi, le juge a su se montrer pragmatique autant que libéral. [...]
[...] Une évolution restrictive du domaine des mesures d'ordre intérieur La restriction du champ d'application des mesures d'ordre intérieur n'a rien d'inattendu. En effet, par une jurisprudence constante, mais qui avait le principal défaut d'être casuistique, le juge avait profondément altéré les pouvoirs discrétionnaires de l'administration Les décisions de 2007 marquent cependant un revirement quant au mode d'appréciation de ces mesures Une restriction annoncée Par la décision Marie, le Conseil d'État était revenu sur un contrôle au cas par cas de la recevabilité des mesures par le juge administratif. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture