La jurisprudence Blanco rendue par le Tribunal des conflits le 8 février 1873 constitue une décision fondatrice du droit administratif. En effet, en même temps qu'elle marque l'avènement du principe de responsabilité de la puissance publique, elle met l'accent sur son caractère spécifique par rapport à la responsabilité de droit commun régie par les dispositions du Code civil et jugée par les tribunaux judiciaires. Ainsi le juge des conflits énonce que la responsabilité qui peut incomber à l'Etat du fait de ses services publics « n'est ni générale, ni absolue ; qu'elle a ses règles spéciales qui varient selon les besoin du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés ».
Ce principe d'autonomie du droit administratif a pour effet de soustraire à la compétence des juridictions judiciaires appliquant le droit privé les actions tendant à la réparation des dommages causés par les personnes publiques. Le contentieux de la responsabilité administrative est attribué à un juge spécifique, le juge administratif, qui applique des règles dérogatoires au droit commun. Cependant cette autonomie n'est pas totale : la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique est conditionnée par des éléments communs à la responsabilité de droit privé (fait générateur, préjudice, lien de causalité), ce qui a favorisé un mouvement de rapprochement, voire d'alignement, du régime respectif des deux responsabilités. Pour autant, l'indépendance de l'administration demeure bien présente lorsqu'il s'agit, en matière de responsabilité administrative pour faute -la faute pouvant se définir comme un « manquement à une obligation préexistante » (Planiol)- de déterminer la personne responsable du dommage. En effet, non seulement il faut rechercher quelle est la personne publique fautive, mais aussi préciser, au sein de cette personne, sur qui doit peser l'imputabilité de la faute : l'administration, personne morale, ou les agents représentant cette administration ? C'est de fait le propre de la responsabilité administrative d'être nécessairement et exclusivement une responsabilité du fait d'autrui, car en tant que personne morale, l'administration ne peut commettre de faute que par l'intermédiaire des personnes physiques qui agissent en son nom.
Ainsi est ouverte la question de la responsabilité des agents publics et de ses rapports avec celle de la puissance publique. Or si cette question de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés se retrouve en droit privé, la jurisprudence administrative a su au fil du temps lui apporter une réponse spécifique sur la base d'une distinction entre la faute personnelle et la faute de service. Nous verrons donc comment la jurisprudence administrative a progressivement redéfini la notion de responsabilité pour faute, dans un souci de meilleure protection des individus. C'est dans cette optique qu'elle a élargi le champ de la responsabilité de l'administration et de ses agents (I) tout en multipliant les possibilités de recours pour faute contre l'administration (II).
[...] Par ailleurs, il faut savoir comment répartir la charge de responsabilité entre la puissance publique et son agent. Nous verrons comment la jurisprudence a élargi le champ de la responsabilité de l'administration et de ses agents en permettant le cumul des responsabilités. A. Distinction entre faute personnelle et faute de service Faute : Une faute est une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement normal du service public. Elle peut résulter d'une opération matérielle, d'un agissement sur le terrain ou d'un acte juridique (décision réglementaire ou individuelle). [...]
[...] Cette jurisprudence semble marquer la limite extrême au-delà de laquelle on imagine mal que le juge puisse encore s'avancer quant à la responsabilisation de l'administration au profit de l'individu. Le législateur a fait siennes ces évolutions jurisprudentielles en les intégrant à la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations de fonctionnaires. Cependant, pour éviter les dérives et rééquilibrer responsabilité de l'administration et responsabilité de ses agents, le principe d'action récursoire a été retenu par la jurisprudence à partir des arrêts Delville et Laruelle de 1951. [...]
[...] Le contentieux de la responsabilité administrative est attribué à un juge spécifique, le juge administratif, qui applique des règles dérogatoires au droit commun. Cependant, cette autonomie n'est pas totale : la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique est conditionnée par des éléments communs à la responsabilité de droit privé (fait générateur, préjudice, lien de causalité), ce qui a favorisé un mouvement de rapprochement, voire d'alignement, du régime respectif des deux responsabilités. Pour autant, l'indépendance de l'administration demeure bien présente lorsqu'il s'agit, en matière de responsabilité administrative pour faute -la faute pouvant se définir comme un manquement à une obligation préexistante (Planiol)- de déterminer la personne responsable du dommage. [...]
[...] * Par ailleurs, la faute lourde persiste dans les domaines régaliens tels que les activités de police administrative et la justice. Dans son arrêt CE mars 1925, Clef, le Conseil d'Etat distingue les opérations juridiques de police générale, mesures prises depuis les bureaux ne présentant pas de difficultés particulières pour lesquelles une faute simple suffit et les opérations matérielles en vue du maintien de l'ordre qui exigent une faute lourde lorsqu'elles rencontrent des complications. Dans cet arrêt le Conseil d'Etat a répondu à la préoccupation du commissaire du gouvernement Rivet qui souhaitait que l'action de la police ne soit pas énervée par des menaces permanentes de complications contentieuses Cependant, le juge a de plus en plus tendance à ne retenir que la faute simple. [...]
[...] Par ailleurs, lorsqu'il y a usage d'arme à feu, la responsabilité est sans faute. Dans son arrêt CE Ass décembre 1978, Darmont, le CE retient l'exigence d'une faute lourde en ce qui concerne le fonctionnement des juridictions administratives. Mais avec la décision CE juin 2002, Magiera, une évolution se dessine en faveur d'une faute simple en cas de dommage résultant de la durée non raisonnable d'une procédure. * La faute lourde est également exigée quand l'autorité n'a qu'une activité de contrôle (notamment pour les Autorités administratives indépendantes) ou de tutelle. [...]
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