Le problème de l'indemnisation des victimes d'un aléa thérapeutique (ou médical) est né à partir des années 1980 ; en effet, il ne s'agissait plus seulement d'indemniser la victime d'une faute ou d'une erreur médicale mais d'indemniser les accidents souvent graves qui ne seraient pas imputables à une faute médicale, c'est-à-dire d'indemniser les accidents au delà des règles de la responsabilité médicale telles qu'elles étaient alors reconnues.
Avant d'envisager l'évolution du concept d'aléa thérapeutique en droit public, il faut s'efforcer de définir la notion d'aléa, ce qui peut paraître complexe puisque celle-ci est évolutive à tout moment et peut se confondre avec le risque médical.
L'aléa thérapeutique, c'est-à-dire les conséquences du pur hasard dans la pratique médicale, n'est en réalité que la réalisation d'un dommage dont la possibilité de survenue est reconnue par la communauté médicale à l'instant de la pratique de l'acte incriminé.
La conception de l'aléa médical en droit public a changé au cours du temps : jusqu'en 1993, le juge administratif ne le méconnaissait pas mais le cantonnait à des hypothèses définies soit réglementairement soit jurisprudentiellement (cela reposait sur la définition précise des circonstances de survenue de l'aléa). ( I ).
Ce n'est qu'en 1993 que le Conseil d'Etat a admis l'aléa thérapeutique sur l'existence d'un dommage objectif anormal. ( II ).
La loi du 4 mars 2002, enfin, a mis un terme aux inégalités de traitement des victimes d'aléa thérapeutique selon qu'elles se trouvaient jugées devant les juridictions administratives ou judiciaires en instituant un droit d'indemnisation des accidents médicaux graves sans faute. ( III ).
[...] Bianchi répondent à ces conditions. L'arrêt Bianchi ouvre la voie de la reconnaissance de l'aléa thérapeutique dont l'appréciation s'effectue sur les caractéristiques propres du dommage, mais celles-ci sont en réalité très restrictives. Tout d'abord, le risque encouru doit être exceptionnel, c'est-à-dire se détacher du risque que comporte tout traitement efficace. Ensuite le risque doit être reconnu ; l'aléa étant par essence le fruit du hasard et méconnu, cette condition s'écarte de celui-ci. Puis le risque doit être spécial (ce qui le rapproche du caractère exceptionnel de l'arrêt Gomez ; des préjudices simplement sérieux ne peuvent donc pas être retenus. [...]
[...] En effet, depuis cet arrêt, les juridictions administratives admettent que la victime puisse, à condition que le préjudice soit exceptionnellement grave, être indemnisée de la fraction inacceptable du risque thérapeutique (selon les termes du commissaire du gouvernement). De plus, l'amélioration de l'indemnisation des victimes de l'alea médical reste très mineure, car l'exigence de dommages exceptionnels et d'une extrême gravité n'est satisfaite que dans une minorité de situations, méconnaissant les dommages sérieux plus fréquents et tout aussi douloureux. On peut également se demander si l'indemnisation doit alors trouver sa cause dans l'anormalité d'un acte ou dans la seule gravité du préjudice. [...]
[...] L'arrêt Gomez de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 décembre 1990, introduit un premier bouleversement en admettant une responsabilité pour risque, si la mise en œuvre d'une thérapeutique nouvelle, dont les suites possibles n'étaient pas entièrement connues, entraîne un dommage exceptionnel et anormalement grave Considérant ( ) que lorsque le recours à une thérapeutique nouvelle ne s'impose pas pour des raisons vitales, les complications exceptionnelles et anormalement graves, qui en sont la conséquence directe, engagent même en l'absence de faute la responsabilité du service public hospitalier Pourtant, les techniques de présomption de faute utilisées par les juridictions administratives, lorsque le dommage et le lien de causalité sont certains, mais en l'absence de faute prouvée, sont révélatrices de la volonté du juge d'indemniser les victimes sur le fondement de l'équité ; ce que réalise le Conseil d'État en La jurisprudence bianchi de 1993 Le 9 avril 1993, dans l'arrêt Bianchi l'assemblée plénière du Conseil d'Etat élargit son point de vue et reconnaît l'aléa thérapeutique non pas sur l'existence d'un dommage et des conditions particulières de survenue, mais sur les caractéristiques propres du dommage (en l'occurrence un dommage exceptionnel et d'une extrême gravité). Il ouvre ainsi la voie à la reconnaissance de l'accident médical. En l'espèce, des rapports d'expertise démontrent qu'à la suite d'une artériographie, M. Bianchi est atteint d'une tétraplégie. Pour le Conseil d'État, aucune faute ne peut être relevée dans l'exécution de l'artériographie subie par M. [...]
[...] Les conditions de mise en jeu de la responsabilité sur le fondement de l'aléa thérapeutique sont énumérées de façon plus souple dans la loi du 4 mars 2002. Elle s'appuie essentiellement sur deux conditions : - l'anormalité des conséquences : l'article L.1142-1 du code de la santé publique dispose que pour qu'il y ait réparation, les actes doivent avoir eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé, comme de l'évolution prévisible de celui-ci. La loi ne donne aucune définition concrète de l'anormalité et ce critère ne pourra être apprécié qu'au cas par cas, en fonction de la maladie soignée, du traitement pratiqué et de l'état antérieur du malade. [...]
[...] Les dommages liés à l'aléa thérapeutique seront indemnisés au titre de la solidarité nationale. En définitive, la loi du 4 mars 2002 vient mettre un terme aux inégalités de traitement des victimes d'aléa thérapeutique selon qu'elles se trouvaient jugées devant les juridictions administratives ou judiciaires en instituant un droit d'indemnisation des accidents médicaux graves sans faute. Elle vise les dommages qui ne sont pas dus à une faute (ou à un défaut dans l'organisation du service ou à l'utilisation d'un produit de santé défectueux) et qui ne sont pas non plus un simple développement de la maladie antérieure du patient, mais qui sont causés directement par les soins ayant un caractère anormal, eu égard à l'état antérieur de la personne ou à l'évolution prévisible de cet état. [...]
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