Un recul de la faute lourde a été irrémédiablement opéré par la jurisprudence en matière de responsabilité administrative ce qui s'inscrit au final dans une mutation globale du droit en cette matière (I). Cependant, si le déclin de la faute lourde est bien une réalité, elle continue d'exister à travers certains domaines et son influence demeure encore importante (II).
[...] La faute, selon Marcel Paniol, se définit comme un manquement à une obligation préexistante mais, contrairement au juge judiciaire, le juge administratif n'estime pas que toute faute ouvre droit à réparation par un engagement de la responsabilité administrative. La jurisprudence a ainsi fixé des limites à cette responsabilité en exigeant de la part de la victime, la preuve que le service public ait commis une faute caractérisée (Rivet, conclusion sur l'arrêt Clef 13 mars 1935). La jurisprudence a ainsi subordonné l'engagement de la responsabilité administrative à la commission d'une faute lourde, et ce pour deux motifs à mettre en exergue. [...]
[...] Le recul de la faute lourde Au cours du XIXème siècle, la possibilité d'imposer à la puissance publique l'obligation de réparer les dommages causés soit par son action ou son inaction était exceptionnelle. En effet, le principe prévalent était celui de l'irresponsabilité de l'administration, liée à l'idée exprimée par Laferrière que le propre de la souveraineté est de s'imposer à tous, sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune compensation L'arrêt Blanco opère alors un véritable revirement jurisprudentiel. Le 8 février 1873, le Tribunal des Conflits, dans la décision Blanco, affirme que la responsabilité qui peut incomber à l'Etat-puissance publique pour les dommages causés aux particuliers n'est ni générale ni absolue. [...]
[...] Si la faute simple s'inscrit dans un objectif de victimisation du procès administratif, il ne faudrait pas nier l'importance qu'a pu également avoir dans cette matière la faute lourde. En effet, si la preuve d'une faute lourde est généralement plus difficile à apporter, elle entraîne souvent une meilleure indemnisation, d'une part, car la faute en elle-même suppose des faits d'une gravité honorable, d'autre part car l'administration peut plus difficilement s'exonérer de sa responsabilité en cas de faute prouvée. La faute lourde peut paraître d'emblée discriminatoire vis-à-vis des administrés et usagers, et restrictive dans ses possibilités d'indemnisation, or, paradoxalement, une fois démontrée, la responsabilité pour faute lourde peut entraîner une indemnisation tout aussi protectrice pour la victime qu'en cas de faute simple, et souvent moins aléatoire. [...]
[...] C'est un recul indéniable de la faute lourde. De la même façon, en matière de responsabilité fiscale, alors que le Conseil d'Etat exigeait une faute lourde (CE décembre 1962, Dme Husson- Chiffre), tel n'est plus le cas pour certaines opérations simples comme la saisie informatique de la déclaration du contribuable (CE Sect juillet 1990, Bourgeois) ou l'appréciation de sa situation lors de cette déclaration (CE septembre 1997, Commune d'Arcueil) lorsque que celle-ci ne présente pas de difficultés particulières. Pareillement, l'activité de contrôle opérée par l'administration était en principe soumise à un responsabilité pour faute lourde (CE mars 1945, Caisse départementale d'assurances sociales de Meurthe-et- Moselle), il semble qu'une simple faute puisse désormais engager une responsabilité administrative dans le contrôle de la surveillance des forêts (CE mars 1994, Commune de Kintzheim), la tutelle sur les centres de transfusion sanguine (CE Ass avril 1993, D.) ou plus récemment quant à la responsabilité que l'Etat peut encourir en matière de contrôle technique des navires (CE Sect mars 1998, Améon). [...]
[...] Par conséquence, la faute simple poursuit et finalement amplifie une action débutée par l'apparition de la notion de la faute lourde. Il serait alors bon de se demander si l'apparition de la faute simple à grande échelle par le recul notoire de la faute lourde, n'a pas entraîné une certaine remise en cause de la distinction entre ces deux notions ? Ainsi, en matière médicale particulièrement, le commissaire du gouvernement Legal, en demandant l'abandon de l'appellation faute lourde dans le fameux arrêt Epoux V. de 1992, visait au final plus le terme que le contenu. [...]
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