contentieux contractuel, décision Tarn et Garonne, arrêt Tropic, relation contractuelle, haute juridiction, contrat administratif, arrêt Département de Tarn-et-Garonne, annulation d'un contrat, démembrement artificiel, recours d'un contribuable, rétroactivité de la jurisprudence, tiers non privilégié, Administration publique
Le contentieux des contrats administratifs a connu, depuis le début du XXIe siècle d'importantes transformations. Celles-ci concernent, au premier chef, les actions des parties au contrat ainsi que l'office du juge administratif à leur égard.
Les principes du contentieux contractuel ont également été profondément réformés s'agissant des recours des tiers. Et l'arrêt rendu par l'Assemblée du Contentieux le 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, vient parfaire cet ordre nouveau en ouvrant aux tiers la possibilité de former un recours de pleine juridiction contre le contrat administratif lui -même et, ce faisant, redessine très largement les principes du recours contre les actes détachables des contrats de l'Administration. Rappelons à cet égard qu'avec le célèbre arrêt Martin (CE, 4 août 1905 ), le Conseil d'Etat avait admis qu'un tiers au contrat, dès lors qu'il a une qualité lui donnant un intérêt à agir, pouvait former un recours en annulation devant le juge de l'excès de pouvoir à l'encontre des actes administratifs « détachables » du contrat, notion qui recouvre notamment les actes préalables à la conclusion de ce dernier comme la délibération de la collectivité autorisant l'organe exécutif à signer le contrat, ou encore la décision de signer elle-même, traduite dans la simple signature (CE, 9 novembre 1934, Chambre de commerce de Tamatave). Etant précisé que le tiers pouvait obtenir l'annulation de l'acte détachable en invoquant l'illégalité du contrat lui-même (CE, Sect. 6 décembre 1995, Département de l'Aveyron).
[...] Sur le plan théorique, d'autre part, le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables n'était pas intellectuellement satisfaisant, dans la mesure où les actes attaqués constituaient une véritable fiction juridique complexifiant inutilement le contentieux et introduisant un démembrement artificiel du contrat. En outre, le recours pour excès de pouvoir sciait mal à la matière, et ce, d'autant plus au regard de la modernité du contentieux contractuel. L'exclusion était, de surcroît, malmenée dans ses fondements mêmes. L'arrêt Tropic constituait à cet égard la preuve qu'aucune réelle justification ne légitimait la fermeture du recours direct. En définitive, ce détour forcé et superfétatoire contre un acte factice apparaissait comme anachronique, mais surtout « hypocrite ». Les critiques ont enfin été entendues. [...]
[...] Il serait en effet absurde d'admettre la recevabilité d'un requérant à qui l'on refuserait de soulever des moyens. En réalité, avec cette formulation, plus qu'ouvrir largement la contestation contre le contrat, le Conseil d'Etat paraît vouloir entreprendre l'évolution de l'ensemble du contentieux administratif vers une interprétation restrictive de l'intérêt à agir. Dans le même ordre d'idées, cette appréciation de la recevabilité pourrait être de nature à fermer le recours à certains concurrents évincés. On pense plus particulièrement au candidat manifestement insusceptible de remporter le contrat, car son offre était irrégulière ou mal classée. [...]
[...] Seuls les contrats signés postérieurement au 4 avril 2014 en sont donc justiciables. Le Conseil d'État ne se bornant pas à ouvrir le plein contentieux contractuel aux tiers qui en étaient précédemment exclus, l'arrêt offre également un nouveau recours pour le préfet et les candidats évincés. Il serait trop réducteur de considérer l'arrêt Département de Tarn-et-Garonne comme une simple extension du recours Tropic, car ce n'est pas uniquement la recevabilité du recours en contestation de la validité du contrat que les juges du Palais Royal ont bouleversé, mais bien l'entier office du juge du contrat saisi par un tiers. [...]
[...] Néanmoins, en ce qui concerne les manquements à la mise en concurrence, le vice d'une particulière gravité est défini restrictivement, car il suppose « des circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat » (CE déc. 2012). Cette nouvelle définition des pouvoirs du juge revient sur la jurisprudence actuellement majoritaire selon laquelle l'annulation du contrat est acquise dès lors que l'irrégularité a eu une influence sur le choix du titulaire. De fait, le taux d'annulation des contrats ne pourra que chuter. Ici encore, la redéfinition du recours des tiers témoigne de l'affaiblissement du principe de légalité au nom de la stabilité des relations contractuelles établies. [...]
[...] Les tiers ne pourront dès lors soulever que les illégalités qui ont eu un impact sur leur situation. En d'autres termes, les tiers ne pourront se prévaloir que des seules manifestations du contrat qui vont au-delà de l'effet relatif. Mais faut-il sacrifier le principe de légalité au nom de l'effet relatif du contrat ? Avec la limitation des moyens, c'est une multitude de règles qui se trouve dépourvue de protection. On pense en particulier aux mentions obligatoires des avis d'appel public à la concurrence. [...]
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