Si l'adage « de minimis non curat praetor » suffisait jusqu'à lors à justifier l'immunité juridictionnelle des mesures d'ordre intérieur, il semble que l'arrêt Marie opère un revirement en la matière, en remettant sérieusement en cause la justification de ce fondement. En effet, bien que la jurisprudence antérieure se refuse à contrôler les mesures d'ordre intérieur, visant à assurer un certain ordre au sein d'un service public en réglementant son fonctionnement et son organisation, les juges du conseil d'Etat en ce 17 février 1995 ne semblent pas avoir eu le souhait d'assurer la constance de ce mouvement jurisprudentiel.
Ainsi, en vue de dénoncer le mauvais fonctionnement du service médical de la maison d'arrêt de Fleury Mérogis où il est incarcéré, Monsieur Marie écrit une lettre datée du 4 juin 1987 au chef du service de l'inspection générale des affaires sociales. Suite à cette plainte, le directeur de la maison d'arrêt lui inflige le 29 juin 1987, la sanction de mise en cellule de punition pour une durée de 8 jours avec sursis. Monsieur Marie introduit dans un premier temps un recours hiérarchique, rejeté par le directeur régional des services pénitentiaires puis saisit dans un second temps le tribunal administratif de Versailles en demande d'annulation de la décision de mise en cellule de punition. Le 29 février 1988, sa demande se trouve rejetée, la juridiction la considérant comme « non recevable. »Face à ces deux rejets Monsieur Marie saisit le conseil d'État qui décide le 17 février 1995 quant à lui qu'« eu égard à la nature et à la gravité de la punition », celle-ci « constitue une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. »
Le problème qui se posait dès lors au juge était de savoir si la sanction de mise en cellule de punition constituait ou non une mesure d'ordre intérieur, susceptible de recours devant les juridictions administratives.
[...] En refusant de qualifier la sanction de mise en cellule de punition de mesure d'ordre intérieur, sanction pouvant par conséquent faire l'objet de recours, le conseil d'État réduit l'étendue de la catégorie de ces mesures et s'adonne à l'exclusion d'une sanction disciplinaire de la catégorie des mesures d'ordre intérieur» Le principe d'immunité juridictionnelle des mesures d'ordre intérieur Les mesures d'ordre intérieur ne peuvent en principe faire l'objet de recours pour excès de pouvoir. La première justification donnée à cela tient à la nature même des actes en question. [...]
[...] II) Un revirement jurisprudentiel nécessaire aux conséquences non négligeables La gravité et la nature de la mesure contestée par monsieur Marie est-elle la seule justification permettant d'expliciter un tel revirement ? L'on peut en douter eu égard des obligations qui résultent de certains engagements internationaux pris par la France, ainsi que de l'évolution jurisprudentielle générale entamée par le pays bien avant 1995, visant à réduire le domaine des mesures d'ordre intérieur. C'est donc également par un incontournable souci de conformité aux exigences actuelles que les juges ont statué en faveur de la solution rendue. [...]
[...] Quels ont été les impacts et effets de la jurisprudence Marie ? Un incontournable souci de conformité aux exigences actuelles En son article la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 dispose que "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ( . ) Par un tribunal indépendant et impartial ( . ) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". [...]
[...] Il aurait en effet été difficilement compréhensible que ce mouvement ne s'applique pas à tous les domaines au sein desquels l'on peut trouver des mesures d'ordre intérieur. C'est donc dans ce souci d'unification de la jurisprudence que les juges du conseil d'Etat ont décidé de faire de la sanction de cellule de punition une décision pouvant faire grief, exclue de la catégorie des mesures d'ordre intérieur. L'arrêt Marie a constitué une étape qui s'avérait plus que nécessaire eu égard des exigences que posait le droit européen ainsi que la jurisprudence française. [...]
[...] En effet, en vertu d'une jurisprudence antérieure, le Conseil d'État considérait que les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des détenus constituaient des mesures d'ordre intérieur qui ne pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, soit d'un recours en annulation d'un acte pour son illégalité. La recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir est soumise à plusieurs conditions parmi lesquelles figure l'exigence que l'acte attaqué soit d'une certaine nature, à savoir un acte administratif unilatéral revêtant un caractère décisoire. [...]
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