L'enjeu consiste à déterminer comment et dans quelle mesure le juge administratif peut, encore aujourd'hui, façonner le droit administratif. Pour cela, il s'agit avant tout de déterminer quels sont les outils dont le juge administratif dispose pour la réalisation de cette mission. Cet outil principal dont dispose le juge administratif est la jurisprudence.
Selon Bernard Pacteau, dans "La jurisprudence une chance du droit administratif ?", cette dernière se définit comme un terme qui : "ne vise plus seulement l'ensemble des décisions et arrêts des tribunaux, mais la part de règles et principes qu'on leur doit et que toutes les branches du droit leur doivent, plus ou moins, mais toujours au moins quelque peu, et très souvent beaucoup."
Mais le droit administratif lui "doit" tout particulièrement, car comme l'écrivait déjà Cormenin dans son "Droit administratif" de 1840 : "La jurisprudence est une seconde législation elle est même parfois toute la législation". En effet, la particularité de l'administration a voulu que, historiquement, son droit soit façonné par son juge, sans son action au XIXe siècle jamais le droit administratif ne serait devenu la discipline spécifique et structurée qu'il est aujourd'hui.
Dans une période qui semble remettre en cause cet état de fait historique, on peut se demander si le temps du tout jurisprudentiel n'est pas révolu, et si nous ne sommes pas passés dans une nouvelle ère du droit administratif, dans laquelle la jurisprudence qui a été nécessaire pour le fonder lui rendrait aujourd'hui service en s'effaçant.
[...] Ainsi dans un arrêt commun de Vannes, du 6juin 2001, le CE a retiré un arrêté d'un maire qui interdisait aux taxis non immatriculés dans sa commune de prendre des clients à la gare de Vannes, et ce au nom du non-respect du principe d'égalité, principe quasi ancestral du droit administratif. Mais parfois, le juge administratif est contraint de marcher dans le sillage du juge judiciaire. Le juge administratif participe de la privatisation du droit administratif Il s'agit pour le juge administratif de bâtir une juridiction compétitive afin de faire jeu égal avec les juridictions judiciaires. Pour cela, le juge a renoncé à son statut de juge de l'administration pour celui de juge protecteur du citoyen devant l'administration. [...]
[...] On peut donc légitimement se demander en quoi, sur cette dernière décennie, le juge administratif façonne encore le droit administratif. Dans notre étude, bien souvent le juge administratif correspondra au Conseil d'Etat puisqu'il est le juge administratif suprême, et que par conséquent c'est lui le plus souvent qui est responsable des grandes avancées dans la construction du droit administratif. Mais notre acception de ce juge administratif est en réalité complète et comprend les tribunaux administratifs qui, depuis la réforme de 1953, sont les juges de droit commun du contentieux administratif, mais également les Cours administratives d'appel qui depuis la loi du 31 décembre 1987 qui les crée, sont compétentes pour connaître en appel des jugements rendus par les tribunaux administratifs dans de nombreux domaines. [...]
[...] Dans une telle ambiance, la juridiction chargée du contentieux administratif peut être perçue comme un privilège inacceptable. Cette conception est à l'origine de la multiplication des sources du droit administratif, comme les Autorités administratives indépendantes (AAI) et d'un mouvement de rapprochement des formules du droit administratif de celles du droit privé opéré par le juge administratif, qu'il y soit contraint par le législateur ou qu'il le fasse de lui-même dans un souci de renforcer la protection des droits des administrés Les Autorités administratives indépendantes nouvelles sources d'un droit administratif mou Selon Laurent Cohen-Tanugi le juge administratif laisse aujourd'hui aux AAI l'initiative de la modernisation du droit administratif. [...]
[...] Les dernières exceptions de la soumission du juge administratif au droit communautaire Il existe encore des domaines où le juge administratif souhaite conserver l'ensemble de ses prérogatives pour dire et interpréter le droit administratif. Dans ces domaines, il n'estime pas légitime l'application de la primauté du droit communautaire, il réduit donc l'impact de ce dernier dans sa jurisprudence à des situations bien précises et continue d'appliquer et d'adapter le droit administratif de façon générale à ces situations. Il existe deux cadres où ce phénomène se produit et s'enrichit sur notre période d'étude: la Constitution et les PGD communautaires. [...]
[...] Avec le tout récent code de justice administrative, une nouvelle étape est franchie puisque de conception beaucoup plus générale, ce code est sans doute le premier à faciliter véritablement l'accès au droit administratif et à son juge. Toutefois, il faut noter que l'action codificatrice du législateur s'étend bien au-delà de la rédaction d'un code administratif, et s'insinue dans de nombreux domaines ou autrefois seul le juge administratif se prononçait sur les contours d'une notion. Pour illustrer ce propos nous pouvons nous appuyer sur l'exemple de la responsabilité hospitalière. [...]
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