Selon Fabrice Melleray, l'histoire du juge administratif est riche de périodes d'activisme et d'innovation jurisprudentielle, à l'instar des années 1860, du début du XXe siècle ou encore au milieu des années cinquante. À l'inverse, le juge connaît également des périodes de pause et de stabilité. Depuis plus de quinze ans, le Conseil d'État a incontestablement renoué avec la création. Il n'y a d'ailleurs guère lieu de s'en étonner.
Le contexte a fortement évolué et le Conseil d'État se doit de faire face à ces changements s'il veut garder la place si singulière et importante qu'il occupe au sein des institutions françaises. La mission du juge est ainsi en mutation et à travers celle-ci, nous sommes en mesure de nous demander si le juge administratif est toujours maître de sa matière ou s'il ne perd pas une partie de sa souveraineté, au profit d'autres institutions.
[...] Un juge encore souverain? Nous avons pu constater dans une première partie la richesse des décisions rendues par le juge administratif, qui semblerait aller dans le sens d'un juge maître de son domaine. Néanmoins, cela serait occulter d'autres décisions et d'autres influences qui soulignent quant à elles le fait que le juge administratif n'est plus si autonome, notamment avec un droit qui se veut de plus en plus écrit et ce, dans un souci de simplification et d'intérêt du législateur. [...]
[...] Néanmoins, nous pouvons voir les conséquences de l'influence du droit écrit sur le travail du juge administratif. De cette façon, le juge administratif aura davantage de cadre, ce qui peut être bénéfique pour les citoyens qui auront une meilleure lisibilité, mais il faut bien voir que cette simplification apparente du droit administratif peut à terme leur porter préjudice. En effet, en admettant que le droit administratif devienne de plus en plus écrit, alors il n'obéira principalement qu'aux avancées que le législateur veut bien lui accorder. [...]
[...] Une des premières questions rencontrées par le juge a été relative aux directions communautaires. Avait été jugé en 1978 dans l'arrêt Cohn-Bendit que ces mesures ne peuvent pas être invoquées à l'appui d'un recours dirigé contre une décision administrative individuelle, mais l'arrêt Tête de 1998 a cependant conduit à une annulation de la part du Conseil d'Etat de délibération contraire à une directive, relativement à une décision ne respectant pas une directive prise avant l'entrée en vigueur du décret de transposition et après l'expiration du délai de transposition. [...]
[...] Le juge administratif a progressivement perfectionné sa sanction, c'est-à-dire les moyens mis à la disponibilité des administrés pour contrôler les actes administratifs. En cela apparaît dans notre régime administratif un facteur qui peut être qualifié de "libéralisme" pour Yves Gaudemet. Ce revirement avait déjà été observé en 1995 avec l'arrêt Hardouin et Marie, qui avait démontré que les mesures d'ordre intérieur n'étaient désormais plus une catégorie sans aucun contrôle de la part du juge, validé par l'arrêt du 30 juillet 2003, Remli. [...]
[...] Si cela n'est pas un phénomène nouveau, la jurisprudence est riche de tels exemples qui montrent un renforcement de cette tendance. Un arrêt pouvant être considéré comme un "grand arrêt" par les spécialistes est bien évidemment celui rendu en mai 2004, arrêt d'Assemblée : Association contre le chômage AC dans lequel est annoncé que le principe de rétroactivité peut attendre si l'intérêt général l'exige. Le juge accepte ainsi de différer dans le temps les effets d'une décision si le dommage causé au citoyen est trop important. [...]
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