« La sécurité juridique qui suppose le caractère prévisible, lisible et accessible des lois et réglementations, n'est pas garantie en droit français. ». C'est du moins ce que proclamaient les députés par la proposition de loi constitutionnelle portant reconnaissance du principe de sécurité juridique dans la Constitution en date du 15 mars 2000. Toutefois, avant même de s'interroger sur l'effectivité du principe de sécurité juridique en droit français, et plus particulièrement en matière d'actes administratifs, il convient de définir les notions clés permettant d'appréhender le sujet. L'acte administratif, c'est-à-dire le moyen juridique d'action de l'administration, recouvre deux procédés principaux : l'acte administratif unilatéral et le contrat administratif. Nous n'étudierons ici que les actes administratifs unilatéraux dans la mesure où c'est à leur propos que se pose le problème de la sécurité juridique. L'acte administratif unilatéral est l'acte destiné à régir des personnes étrangères à son édiction et qui leur impose des droits et des obligations.
Cette faculté d'édicter unilatéralement des droits et obligations, assortie du privilège du préalable est souvent présentée comme la première des prérogatives de puissance publique. Dès lors, on comprend pourquoi la question du respect du principe de sécurité juridique en matière d'actes administratifs est récurrente.
En effet, si la définition de l'Etat de droit renvoie à une organisation de l'Etat dans laquelle, les autorités détentrices du pouvoir d'édicter des normes sont elles-mêmes soumises au respect du droit, il n'empêche que, pour que soit assurée la sécurité juridique, il importe que les règles de droit soient connues ou du moins portées à la connaissance de tous. La sécurité juridique se résume d'ailleurs à trois mots : stabilité, visibilité et prévisibilité.
Toutefois, le principe de sécurité juridique n'est pas conceptualisé en droit administratif. Cela parait d'autant plus surprenant que la Cour de Justice des Communautés Européenne (CJCE), a érigé le principe de sécurité publique en principe général du droit communautaire. Or, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel est très claire sur ce point: à l'image des juges communautaires, les juges constitutionnels imposent le respect des principes généraux du droit communautaire. Est-ce à dire que le principe de sécurité publique consacré en droit communautaire assure le respect du principe de sécurité juridique en droit interne ? En effet, ces deux notions sont très proches et un respect sans faille du principe de sécurité publique assurerait par conséquent le respect de la sécurité juridique en droit français en général mais surtout, parce que c'est ce qui nous intéresse ici, en matière d'actes administratifs. Pourquoi dans ce cas les députés ont-ils jugé nécessaire en 2000 de proposer une loi constitutionnelle portant reconnaissance du principe de sécurité juridique dans la Constitution ? Par cette loi, ils entendaient insérer deux alinéas avant le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution, lesquels devaient disposer :
« La loi doit être certaine et son application prévisible par les citoyens.
La loi ne dispose que pour l'avenir. Elle ne peut avoir d'effets rétroactifs que lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l'exige, et lorsque la confiance légitime des citoyens est dûment respectée. » Les dispositions de cette loi tentent de remédier à l'insécurité juridique en matière d'actes administratifs. Faut-il y voir la sonnette d'alarme tendant à dénoncer les abus de l'Etat en matière de restriction des droits des administrés ou cette loi n'est-elle qu'un exemple parmi tant d'autres de l'inflation législative ?
Dans quelles mesures le respect du principe de sécurité juridique est-il assuré concernant les actes administratifs ?
A priori le respect du principe de sécurité juridique semble poser de nombreux problèmes en matière d'actes administratifs unilatéraux (I). Pourtant, l'étude du retrait de vigueur de ces actes démontre la volonté du juge et du législateur de faire respecter ce principe alors que c'est sur ce point que la sécurité juridique semble la plus difficile à mettre en œuvre (II).
[...] Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression Aussi nobles que soient les principes énoncés par l'article 2 de la DDHC, force est de constater qu'ils n'ont aucun lien avec le principe de sécurité et les actes administratifs. De plus, le Conseil Constitutionnel s'est montré très prudent quant à l'utilisation de la notion de sécurité juridique : il ne l'a utilisé qu'une seule fois, et ceci au sujet de la délibération d'une assemblée locale (CC 9 avril 1996). [...]
[...] La reconnaissance par le droit communautaire du principe de sécurité juridique ne devrait, a priori, avoir que des effets positifs, surtout pour les administrés. Il faut cependant garder à l'esprit que si le Conseil Constitutionnel a refusé depuis bientôt un demi-siècle de reconnaître ce principe, c'est que celui-ci peut avoir des conséquences fâcheuses, comme la paralysie du processus législatif. Ainsi, c'est avec précaution que le juge et le législateur devront appliquer le principe de sécurité juridique. [...]
[...] En effet, dans son arrêt Ternon du 26 octobre 2001, le Conseil d'Etat a non seulement abandonné sa position de 1966, mais il est surtout revenu en parti sur sa jurisprudence Cachet : sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délais de quatre mois suivant la prise de décision Le principe de sécurité juridique apparaît plus comme un idéal de clarté et de prévisibilité que devraient atteindre les actes administratifs. Il ne se s'agit pas d'un principe dont la violation entacherait l'acte de nullité. Toutefois, l'étude de la sortie de vigueur des actes administratifs montre que le juge et le législateur ne perdent pas de vue cet objectif de sécurité juridique et les principes qui en découlent. [...]
[...] Un principe lacunaire posé par la jurisprudence Dans son célèbre arrêt Dame Cachet du 3 novembre 1922, le conseil d'Etat a posé la règle suivante en matière de retrait de décisions irrégulières : celui-ci est possible dans les deux mois qui suivent sa publication ou sa notification, c'est-à-dire dans le délais de recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir. Si le juge a été saisi en recours pour excès de pouvoir contre l'acte en question, alors l'administration pourra opérer son retrait tant que le juge n'aura pas statué. Cette règle semble largement justifiée. Comme le soulignent P. Delvolvé et G. Vedel : En principe, dans l'intérêt de la sécurité juridique, on doit tenir pour définitifs les actes ayant conféré des droits. [...]
[...] C'est du moins ce qui ressort de l'étude de la sortie de vigueur des actes administratifs. C'est pourtant sur ce point que le respect du principe de sécurité semble le plus délicat. Sécurité juridique et sortie de vigueur des actes administratifs unilatéraux La sortie de vigueur des actes administratifs peut être rétroactive (c'est le retrait) ou non rétroactive (c'est l'abrogation). Nous ne traiterons ici que du retrait dans la mesure l'abrogation ne pose pas de problèmes fondamentaux : en effet, les actes réglementaires peuvent toujours être abrogés alors qu'en matière d'actes non réglementaires, la règle est celle de l'interdiction d'abroger dès lors que ces actes sont créateurs de droits. [...]
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