L'expression « circonstances exceptionnelles » désigne toute perturbation grave de la vie sociale entraînant l'impossibilité pour les pouvoirs publics de respecter les prescriptions juridiques s'imposant normalement à eux.
Les hypothèses principales de circonstances exceptionnelles sont : la guerre en général, une grève générale des chemins de fer en 1938 (18 avril 1947, Jarrigion), certains actes de l'Occupant allemand de juin 1940 à juin 1944 (13 décembre 1957, Barrot et autres), la situation indochinoise en 1951 et 1952 (10 décembre 1954, Andréani), celles de Madagascar en 1947 (7 janvier 1955, Andriamiseza), de l'Algérie en 1960 (15 octobre 1965, Union fédérale des magistrats et Sieur Reliquet), de la France continentale le 18 juin 1968 (12 juillet 1969, Chambre de commerce de Saint-Etienne), de la Guadeloupe en 1976, par suite de la menace d'éruption du volcan de la Soufrière (18 mai 1983, Félix Rodes).
Cette théorie est dangereuse et peut ouvrir la voie à toutes sortes d'abus, le juge a construit une « légalité pour le temps de crise », dans une suite d'arrêts célèbres rendus à l'occasion de la guerre de 1914-1918 : 28 juin 1918, Heyriès (accroissement des pouvoirs du Président de la République en temps de guerre) et 28 février 1919, Dames Dol et Laurent (étendue des pouvoirs de police du préfet maritime de Toulon sur les prostituées) ; de la Seconde Guerre Mondiale : TC, 27 mars 1952, Dame de la Murette (absence de caractère de voie de fait d'une illégalité commise en temps de guerre) et de la guerre d'Algérie : 19 octobre 1962, Canal et autres (création d'une juridiction d'exception).
[...] Le Préfet avait alors pu prendre un certain nombre de mesures en principe attentatoires aux libertés publiques. Dans un arrêt du 18 mai 1983, Félix Rodes, le Conseil d'Etat avait estimé que la requête visant à contester ces dispositions n'était pas recevable, au motif que la menace d'éruption du volcan de la Soufrière constituait des circonstances exceptionnelles de temps et de lieu. Le cas qui nous est présenté ici est similaire à celui dont il est question dans l'arrêt Félix Rodes. [...]
[...] Et pouvaient-elles l'être sans qu'aucun texte n'ait été décrété en Conseil des Ministres ? En réalité, les mesures prises sont des mesures de police dont la responsabilité appartient au Premier ministre au niveau national, au Préfet et au Maire au niveau local. L'article L.2215-1 du Code général des collectivités territoriales dispose notamment que le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté, et de la tranquillité publiques. [...]
[...] Le requérant a donc raison, sur le fond, de souligner que les mesures prises ne correspondent à aucun des régimes applicables prévus par les textes en temps de crise, en particulier l'état d'urgence, puisque, si l'on peut effectivement parler de calamité publique la procédure suivie a été totalement différente de celle de l'état d'urgence, ayant été enclenchée uniquement au niveau local par le Préfet et le Maire. Cela pose la question de savoir sur quel fondement les mesures ont-elles été prises ? [...]
[...] Il s'en suit qu'un accident d'une telle importance se verra accorder le titre de circonstances exceptionnelles par le juge administratif. Les mesures prises correspondent-elles à l'un des régimes applicables en temps de crise prévu par les textes ? L'auteur de la requête réclame en effet l'annulation des mesures prises au motif qu'elles ne correspondent à aucun des régimes applicables en temps de crise. Si la notion de circonstances exceptionnelles a été dégagée par la jurisprudence, plusieurs textes sont venus établir, pour la plupart des différentes hypothèses concernées par cette qualification, des régimes applicables à divers temps de crise. [...]
[...] Dans le cas qui nous est présenté, il appartiendra donc au juge de déterminer si le requérant est intéressé à agir. Il a cependant toutes les chances de l'être s'il réside dans une commune faisant partie du périmètre géographique concerné par les mesures prises ou une commune immédiatement voisine. Sur le fond, la requête déposée devant le juge administratif pose quatre problèmes juridiques : le caractère exceptionnel des circonstances est- il avéré ? ; les mesures prises correspondent-elles à un régime applicable en temps de crise ? [...]
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