droit administratif des biens, DAB, principe d'intangibilité d'un ouvrage public, ouvrage public mal planté ne se détruit pas
Principe qui n'est inscrit dans aucun texte, il est de tradition de faire remonter l'intangibilité de l'ouvrage public, création jurisprudentielle, à l'arrêt du Conseil d'État de 1853, Robin de la Gimaudière plus connu sous l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas ».
Le Conseil d'État, interrogé lors de cette affaire quant à la juridiction compétente pour la remise en l'état d'une propriété privée suite à des travaux publics, s'était contenté de passer la question sous silence. Ce n'est qu'en 1956 que le Tribunal des conflits dans un arrêt du 6 février 1956, Consort Sauvy affirme qu'« Il n'appartient en aucun cas aux juridictions judiciaires de ne prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public ». Aujourd'hui considéré comme inhérent au régime des ouvrages publics, le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public a depuis été consacré avec beaucoup de force par les différentes juridictions.
[...] De même, bien que le principe d'intangibilité interdise au juge judiciaire d'imposer, même en cas de voie de fait, de modifier ou de détruire l'ouvrage public, des exceptions sont apparues dès le début du XXe siècle. En effet, déjà dans un arrêt de la chambre civile de 1924 lorsque les travaux étaient en cours, le juge judiciaire s'autorisait à les interrompre. Trois exceptions ponctuelles ont suivi dans les années 1950, avec le cas des travaux mixtes pour lesquels le juge judiciaire retrouve sa compétence pour porter atteinte à l'ouvrage public. [...]
[...] Plus nettement dans l'arrêt CE Dame Ripert du 11 mai 1979, le Conseil d'État affirme que le juge administratif n'a pas le droit d'autoriser un particulier à porter atteinte à un ouvrage public en vue d'y faire exécuter des travaux En l'espèce, la requérante se proposait d'effectuer elle-même des travaux pour éviter le ruissellement des eaux usagées d'un cours de tennis voisin de sa villa sur sa propriété ; demande qui cependant, été rejetée en vertu de l'intangibilité de l'ouvrage public. Cette interdiction d'ordonner la destruction ou la modification des ouvrages publics est, de même, régulièrement reprise par la Cour de cassation (Cass. civ juillet 1874, Cass. civ. 1er novembre 1984 Société de construction des 46-48, rue Victor à Pantin) et ce alors même que la construction de l'ouvrage public est constitutive d'une voie de fait. [...]
[...] Le Conseil d'État qui opère un bilan coût-avantage apparaît l'orienté vers le maintien de l'ouvrage et en précisant que la destruction de la cale qui n'est qu'« une simple rampe et qui n'a donc qu'un impact limité sur le paysage, la faune et la flore du site déclare que la démolition de la cale des Moulières porterait une atteinte excessive à l'intérêt général L'invocation de l'intérêt général prouve, bien qu'il soit traditionnellement envisagé sous l'angle de la démolition de l'ouvrage, que celui-ci conduire à justifier le maintien de l'ouvrage. Par suite, dès lors que l'intérêt général en cause apparaît comme majeur, l'ouvrage public sera systématiquement maintenu bien qu'irrégulièrement construit (CAA Lyon décembre 2003 Commune de Veurey-Voroize). Enfin, le Conseil d'état contrôlant sévèrement les atteintes souhaitées contre un ouvrage public semble trouver dans l'intérêt économique une justification suffisante au maintien de l'ouvrage. [...]
[...] En effet, face à une demande de destruction d'un ouvrage public, l'administration aura le choix de réparer pécuniairement les dommages consécutifs à l'ouvrage public, ou bien de les réparer en nature c'est-à-dire de mettre fin au mauvais fonctionnement de modifier l'ouvrage pour faire cesser le dommage. Il est ainsi possible à l'administrer qui conteste l'établissement irrégulier de l'ouvrage d'obtenir une contrepartie réparatrice de son dommage. C'est dans un contexte de progressive remise en question du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public que certaines nuances ont ainsi commencé à apparaître. Ces nuances peuvent se relever dans l'accord progressif de dommages et intérêts au propriétaire institué en 1905 puis confirmé par les juridictions administrative et judiciaire. [...]
[...] La réparation en nature qui conviendrait à la destruction ou à la démolition n'ayant été affirmé que plus tard (CE janvier 1978, commune de Margon où un dommage est causé par un abribus resté allumé toute la nuit. L'administration s'autorise à le déplacer dans un délai de 3 mois) le juge judiciaire s'est autorisé à allouer des dommages et intérêts (Cass. 1ere civ février 1965, Commune de Manosque confirmé par arrêt 1re chambre civile du 25 novembre 2009 M. Pot et autres). D'une intangibilité ferme, on passe ainsi à une possibilité de déplacer l'ouvrage. [...]
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