Si le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires a été édicté à l'époque révolutionnaire pour empêcher les juges de faire acte d'administrateur, il n'en fallait pas moins pour trancher les litiges entre l'administration et les administrés pouvoir se référer à des règles générales dans le silence de la loi.
Ayant écarté les règles du Code civil ne régissant que les litiges entre particuliers, le juge administratif se devait, en l'absence de texte, d'élaborer lui-même les règles dont il contrôlait le respect par l'administration. D'ailleurs et paradoxalement, le juge administratif se comporte alors comme un véritable administrateur « à l'instar des Parlements de l'Ancien Régime contre lesquels le principe de séparation a été adopté. »
On peut alors légitimement se demander quelles sont ces règles créées par le juge administratif dans le cadre de son pouvoir normatif, mais surtout quelle est la place de celles-ci dans les sources internes du droit administratif.
[...] Soit la solution du litige peut se déduire d'un texte de loi et donc le juge administratif se doit de l'interpréter : ici, il n'y a pas véritablement création d'une règle jurisprudentielle car l'autorité de son interprétation se confond avec celle du texte interprété. On peut néanmoins souligner que le juge administratif a souvent fait preuve d'une grande liberté dans son interprétation. Soit il n'y a pas de texte applicable au litige, le juge ne formule pas alors clairement la règle dont il s'inspire. Elle se dégagera à la longue du rapprochement des solutions données à des litiges semblables. [...]
[...] Enfin, ces règles sont marquées par un certain hermétisme, résultant de l'extrême concision de motivation du juge administratif. Les formules utilisées par les juridictions ne sont pas toujours intelligibles par elles- mêmes et il faut pour les comprendre se familiariser avec le langage du juge administratif, surtout lorsqu'il énonce une règle sans la rattacher au support écrit d'une loi. B. L'autorité des règles jurisprudentielles Du fait qu'aucun texte ne confère au juge le pouvoir de créer du droit, certains ont déduit que la jurisprudence n'était pas une véritable source du droit. [...]
[...] Afin de répondre au mieux à ces questions, il convient d'étudier tout d'abord les règles jurisprudentielles, puis dans un second temps, nous aborderons la question des principes généraux du droit, soulignant l'importance du pouvoir normatif du juge administratif. I. L'émanation des décisions du juge administratif : les règles jurisprudentielles Pas plus que le juge judiciaire, le juge administratif ne tient de la Constitution le pouvoir de poser des règles générales. Il doit se cantonner aux litiges qui lui sont soumis et dire quel est le droit applicable : sa décision ne statue que sur l'espèce qui la suscite Mais la décision suppose nécessairement une règle préexistante. [...]
[...] Cependant, pour atténuer ce caractère, il est fréquent que les grands arrêts du Conseil d'Etat énoncent un nouveau principe dans des espèces où les conditions ne sont pas réunies pour que son application pratique donne lieu à sanction. De plus, la deuxième caractéristique de ces règles est leur souplesse. Le juge administratif évite les formules rigides qui pourraient le lier de façon trop étroite pour l'avenir. Les revirements jurisprudentiels sont toujours possibles : le juge administratif n'est pas lié par l'autorité du précédent. Il se borne à définir des standards qui lui laissent une grande liberté d'appréciation de ces derniers aux cas concrets. [...]
[...] Le plus souvent, ces principes sont empruntés soit à la tradition libérale de 1789 (liberté de conscience, égalité des citoyens devant l'autorité publique, soit au préambule de la Constitution de 1946, soit aux impératifs de l'équité. (Principe d'enrichissement sans cause) Enfin, la création des PGD, ayant force obligatoire à l'égard de l'administration et ayant une autorité indépendante de tout élément forme, ne permet plus de remettre en cause le pouvoir normatif du juge administratif. Reste à savoir quelle est la place de ces normes un peu spéciales dans la hiérarchie des normes. [...]
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