La dénonciation récurrente du 'Gouvernement des juges' dans plusieurs pays d'Europe occidentale (France, Espagne, Italie pour l'essentiel), ou aux Etats-Unis, reflète l'intervention croissante du juge dans la vie politique de ces pays et l'inquiétude des pouvoirs législatif et exécutif face à la montée en puissance du juge. La montée en puissance des juges, détenteurs non-élus de pouvoirs accrus, est-elle un progrès ou problème pour la démocratie ?
[...] La montée en puissance du juge relève dès lors du changement dans la conception de la raison: celle-ci est plus délibérative, elle est moins décisive. Il existe une pluralité initiale des normes. La seconde raison est de nature anthropologique: les sociétés actuelles sont plus individualistes, et donc plus procédurales. Pour Antoine Garapon, le nombre croissant de procès vient d'une dépression sociale, une sorte de réaction face à un certain nombre d'effondrements. Le juge devient alors un repère, un guide, il se rapproche donc de la définition aristotélicienne de son rôle. [...]
[...] Cet état de fait rend donc indispensable une nouvelle réflexion sur la légitimité et la responsabilité du juge, afin d'éviter un mythique gouvernement des juges. La responsabilité du juge est une question essentielle au sein du débat sur la place et le pouvoir du juge dans la société puisqu'elle constitue la contrepartie indispensable de ce pouvoir. Or ce que l'on reproche beaucoup au statut juridique du juge, et ce qui inquiète à juste titre plus d'un citoyen, c'est la faiblesse de cette, ou plutôt de ces responsabilités. [...]
[...] La montée en puissance du juge, vérifiée dans la plupart des démocraties occidentales, répond à une demande sociale croissante. Ce phénomène se manifeste de deux manières: à la fois "quantitative" et "qualitative". Au niveau "quantitatif", on peut en effet noter le développement du contentieux, certains parlant même d'inflation du contentieux. Plus rien ne semble échapper au contrôle du juge. Les contentieux explosent et les juridictions se multiplient, se diversifient et s'affirment chaque jour un peu plus dans leur autorité. Le juge se manifeste dans un nombre croissant de secteurs de la vie sociale. [...]
[...] Dans le droit naturel ancien, le juge occupe une place centrale. Pour Aristote, il est celui qui découvre le juste: son but n'est pas seulement de mettre en œuvre la loi mais de poursuivre le bien. Ce rôle de "souverain juge" se retrouve également dans la tradition chrétienne où Dieu, c'est-à- dire le Verbe, est seul capable de dire le Bien et le mal. Le juge n'accomplit donc sa mission que par la grâce de l'Esprit saint: le jugement de Salomon, moment important de l'Ancien Testament, modèle d'équité, est d'inspiration divine. [...]
[...] Comment apprécier dès lors cette transformation ? Constitue-t-elle un progrès ou un problème pour la démocratie ? Après avoir montré que le pouvoir du juge, d'autant plus important qu'il est soumis à et donc cautionné par l'impératif moral de Justice, a été encadré par des dispositions normatives, il est nécessaire de voir en quoi la récente montée en puissance du juge, répondant à une demande sociale, rend indispensable une nouvelle réflexion sur la responsabilité et la légitimité du juge. I. [...]
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