Depuis Aristote, Locke et Montesquieu jusqu'à nos jours, l'idée de la séparation des pouvoirs (SP) n'a cessé d'occuper une place privilégiée dans la méditation de tous ceux qui se proposent de trouver la pierre philosophale en matière d'organisation de l'Etat. La SP semble se manifester comme une réponse adéquate à la contradiction entre l'indispensable pouvoir et la précieuse liberté publique. Après avoir vu comment le pouvoir judiciaire s'inscrit dans la SP, nous porterons notre attention sur le rôle social sans cesse accru du juge
[...] Pour autant, l'idée d'un gouvernement des juges est absurde car si les juges jouent un rôle normatif et social indéniable, ils ne peuvent jamais s'immiscer dans l'exercice politique des autres pouvoirs en empêchant le législateur de voter les lois ou le gouvernement d'administrer le pays. A l'inverse, les gouvernants n'ont pas à peser sur le contenu des décisions de justice. En ce sens, il faut un pouvoir judiciaire qui arrête les autres, non dans leur fonctionnement quotidien mais aux portes du palais de justice. [...]
[...] Volonté d'avoir un coupable aux dommages des victimes, autre que l'Etat, notion abstraite, anonyme. Jamais la justice n'a pris autant de place. Le modèle d'une SP bien ordonnée, chère à Montesquieu, est impuissant à rendre compte de la guérilla que semblent se livrer aujourd'hui l'Exécutif et le judiciaire, par médias interposés. En témoigne l'exemple tout récent du bref mais intense bras de fer auquel se sont livrés le juge Halphen et Jacques Chirac. Cette situation nouvelle porte en germe de graves dangers pour l'avenir des systèmes politiques libéraux car elle est à même de miner la confiance des citoyens dans leurs institutions. [...]
[...] Inventer de nouvelles sanctions politiques. B. L'émergence d'un tiers-pouvoir coordinateur d'une société polycentrique Avec la survenance d'affaires politico-médiatiques et une demande judiciaire accrue du citoyen, le pouvoir judiciaire finit, somme toute, par jouer un rôle particulier dans la vie de la République. Pour reprendre une expression d'Antoine Garapon, le droit est devenu le langage de la démocratie et les anciens greffiers du pouvoir se sont reconvertis en grammairiens des rapports sociaux. En effet, la société démocratique a éloigné ses habitants les uns des autres et a affaibli le pouvoir central incarné dans l'Etat qui, autrefois relais nécessaire, est devenu aujourd'hui un obstacle. [...]
[...] Et plus encore qu'un contre-pouvoir, la justice apparaît comme un pouvoir neutre dont la promotion résulte de la structuration même de la démocratie. Actuellement, la cohabitation ne fait que brouiller davantage le jeu politique en rendant le rôle d'opposition introuvable. Il n'y a plus d'espace pour l'affrontement, ce qui ne peut qu'exciter le recours au juge, dont une des principales vertus est de se tenir à l'écart de toute espèce de combinaisons politiques La fondation de la démocratie sur la rationalisation de la partialité a engendré le besoin d'une impartialité vraie, au travers de pouvoirs constitutionnellement neutres. [...]
[...] L'individu délaisse sa panoplie de citoyen pour revêtir celle de plaideur. Le droit et l'autorité judiciaire incarnent alors cet idéal de régulation spontanée privilégiant, comme le dit toujours le même auteur, la fonction arbitrale du juge par rapport à l'intervention transformatrice du législateur Dans ce contexte, on est donc passé d'une légitimité majestueuse à une légitimité qui tire sa force de sa fragilité, de son incomplétude. L'absence de légitimité politique directe de la part des juges s'avère être paradoxalement une de leurs garanties démocratiques : cela les oblige à se justifier de manière constante. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture