« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Montesquieu, dans l'esprit des lois au XVIIIème siècle fait état des limites du pouvoir dans un état de droit, modèle auquel la France a choisit de se soumettre par la démocratie. Son administration doit donc être soumise au principe de la légalité, c'est-à-dire qu'elle doit se conformer à un ensemble de règles de droit. Cependant, l'exercice de son action nécessite en pratique une certaine liberté d'appréciation. Il ne s'agit pas uniquement pour l'agent public d'appliquer de façon automatique des règles préétablies. Il doit ainsi souvent bénéficier d'une certaine marge de manœuvre afin de mieux remplir sa mission d'intérêt général. C'est tout l'objet du pouvoir discrétionnaire dont la définition est d'ailleurs sujette à questionnement. Pour René Chapus il s'agit « du pouvoir de choisir entre deux décisions ou deux comportements (deux au moins) également conformes à la légalité ». Certains hésitent par ailleurs entre les termes compétence et pouvoir tandis que d'autres, embarrassées, classent le pouvoir discrétionnaire parmi les limites du principe de la légalité. Cependant tous s'accordent pour dire qu'il existe un pouvoir discrétionnaire de l'administration lorsqu'une autorité administrative a une certaine liberté d'appréciation dans l'exercice de sa compétence. En présence de circonstances données, elle n'est pas obligée de prendre une décision donnée, il lui appartient d'adopter la mesure qui lui semble opportune. Selon les possibilités qui lui sont offertes par la loi ou le juge, l'autorité pourra choisir de ne rien décider ou d'adopter un acte ; ou bien elle aura le choix entres plusieurs décisions. Un pouvoir est arbitraire lorsqu'il dépend de la seule volonté sans en référer vraiment aux règles et sans soucis particulier de justice ou d'équité. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire est arbitraire s'il n'y a pas de critère exprès ou tacite qui en régit l'exercice.
Un cas classique de pouvoir discrétionnaire qui a heureusement disparu était la lettre de cachet sous l'ancien Régime. Beaucoup d'hypothèses de pouvoir discrétionnaire peuvent aujourd'hui être trouvées dans des matières de caractère politique, diplomatique ou militaire. La théorie du pouvoir discrétionnaire est l'une des plus importante mais aussi des plus délicates du droit administratif, son fondement est justifié par les motifs ayant abouti à sa reconnaissance par l'administration. Sur le plan juridique, c'est l'École normativiste de Kelsen et de Merkl qui a proposé l'explication la plus satisfaisante du pouvoir discrétionnaire en se fondant sur l'idée que le droit se forme par degré. Chaque étape de formation du droit en partant de la règle fondamentale qu'est la Constitution pour aboutir aux règlements de police, entraîne un degré plus avancé de concrétisation et il s'ensuit nécessairement une marge de pouvoir discrétionnaire. C'est l'adaptation du droit aux faits. Sur un autre plan, mais qui aboutit à la même conclusion, le fondement du pouvoir discrétionnaire est essentiellement pratique. Il est conforme à la nature des choses que l'administration puisse agir librement en certaines circonstances. La loi ne peut pas et ne doit pas tout prévoir. Réglementer l'activité sociale dans ses moindres détails serait impossible et, à la limite, paralyserait celle-ci. Dans ce domaine de liberté, le droit ne peut pas pénétrer et le juge doit refuser d'intervenir. Il en est ainsi pour des raisons à la fois techniques et politiques.
Le pouvoir discrétionnaire est longtemps resté très peu soumis au contrôle du juge. En effet, antérieurement à l'Arrêt Lagrange de 1961, Le conseil d'Etat se refusait par principe tout contrôle d'appréciation sur l'administration lorsque celle-ci exerçait son pouvoir dans le cadre d'une compétence discrétionnaire. Mais, dès ce revirement de jurisprudence, il admet un droit de regard du juge administratif sur l'administration dans cette hypothèse.
Dans le cadre d'un pouvoir discrétionnaire il appartient à l'administration d'apprécier l'opportunité de sa décision, de décider si les faits sont de nature à justifier l'acte qu'elle veut prendre et le juge de l'excès des pouvoirs n'exerce qu'un contrôle minimum sur les actes sont-il est saisi et ne contrôle pas l'appréciation de l'auteur de l'acte. En revanche dans le cadre d'une compétence liée, l'administration ne dispose d'aucune liberté d'appréciation ou de choix en ce qui concerne l'opportunité de prendre ou non une décision. L'administrateur doit suivre une conduite strictement déterminée par une règle de droit. Cette opposition entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée renforce le caractère parfois arbitraire que l'on peut conférer au pouvoir discrétionnaire. Il convient dès lors de se demander si le pouvoir discrétionnaire dont l'exercice peut laisser supposer qu'il est arbitraire est contrôlé et soumis au principe inhérent à un état de droit à savoir le principe de légalité?
Si le pouvoir discrétionnaire conféré à l'administration est parfois ressenti comme étant un pouvoir arbitraire il doit cependant respecter le principe de légalité (I), dès lors ce pouvoir fait l'objet d'un contrôle grandissant (II).
[...] Selon les possibilités qui lui sont offertes par la loi ou le juge, l'autorité pourra choisir de ne rien décider ou d'adopter un acte ; ou bien elle aura le choix entre plusieurs décisions. Un pouvoir est arbitraire lorsqu'il dépend de la seule volonté sans en référer vraiment aux règles et sans soucis particuliers de justice ou d'équité. Autrement dit, le pouvoir discrétionnaire est arbitraire s'il n'y a pas de critère exprès ou tacite qui en régit l'exercice. Un cas classique de pouvoir discrétionnaire qui a heureusement disparu était la lettre de cachet sous l'ancien Régime. [...]
[...] Son introduction dans le contentieux administratif répond donc à la volonté du juge de mieux contrôler le pouvoir discrétionnaire tout en respectant le choix fait par l'administration. Dès lors, le juge administratif, par un revirement de jurisprudence, a admis, dès 1960 dans l'arrêt Denizet et plus encore en 1961, dans l'arrêt Lagrange, un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. Si un pouvoir du juge de contrôler l'administration dans l'édiction de ses normes a été reconnu, celui-ci reste limité. Dans l'arrêt Ministre de l'Agriculture VS Bruant du 15 février 1961, l'erreur manifeste d'appréciation est apparue en matière de remembrement rural. [...]
[...] Elle doit en général, agir à partir d'une certaine situation de fait. Encore faut-il qu'elle ne commette pas d'erreur dans la connaissance de cette situation. Dans cette mesure les faits font partie de la légalité. L'administration peut faire une erreur dans l'application du droit et commettre ainsi une erreur de droit, ou prendre sa décision pour un motif erroné en droit. Un exemple classique est celui fourni par l'arrêt Barel du 18 mai 1954. L'administration disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour arrêter la liste des candidats au concours d'entrée à l'ENA, mais elle a commis une erreur de droit en utilisant ce pouvoir discrétionnaire dans des conditions qui méconnaissaient la liberté d'opinion (candidats appartenant au parti communiste français) et le principe d'égalité d'accès à la fonction publique. [...]
[...] C'est pourquoi, le juge, en se refusant tout contrôle sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration voulait dans un premier temps, préserver cette liberté d'agir, dans un but d'intérêt général. Aussi, l'absence du contrôle du juge pouvait se justifier par le fait que même si l'administration n'était pas contrôlée, elle était néanmoins soumise au principe de légalité. La soumission du pouvoir discrétionnaire au principe de légalité : un contrôle restreint Ce principe impose en effet à l'administration un choix qui doit être légal : elle doit toujours prendre une décision en conformité avec les normes supérieures. [...]
[...] D'autres parts, il faut noter que c'est la possibilité pour les requérants, d'une part d'invoquer à l'appui de leurs recours, les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme particulièrement protecteurs des droits des individus, d'autre part de saisir directement la cour européenne des droits de l'homme qui a obligé et oblige en quelque sorte le conseil d'Etat à s'aligner dans le sens d'un approfondissement de son contrôle. Ce renforcement du contrôle du pouvoir discrétionnaire de l'administration peut apparaître comme étant une conséquence de la discréditation politique dont les pouvoirs publics font l'objet. L'Etat a dû s'adapter pour mieux répartir la puissance publique, il a alors créé les AAI dont l'indépendance apparaît comme étant un gage de qualité. [...]
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