Arrêt Benjamin, pouvoir de contrôle, juge administratif, police administrative, ordre public, libertés publiques, Conseil d'Etat, soumission de l'administration au droit, principes prétoriens, contrôle de proportionnalité, commentaire d'arrêt, arrêt Baldy, arrêt Epoux Leroy, arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, arrêt Ministre de l'Intérieur contre M. Dieudonné M'Bala M'Bala, loi du 30 juin 1881, loi du 28 mars 1907, ordonnance du 9 janvier 2014
Avant de rendre sa décision du 19 mai 1933, Benjamin (n 17413 et n 17520), le Conseil d'État, lorsqu'il était saisi d'un recours visant à apprécier la légalité d'une mesure de police administrative, faisait prévaloir le nécessaire maintien de l'ordre public au détriment de la protection des libertés publiques. Or dans le courant du vingtième siècle, le juge administratif suprême se montrera de plus en plus protecteur de la défense de ces mêmes libertés ; cette conception protectrice de son office s'est en vérité inscrite dans le cadre de l'approfondissement de l'État libéral.
[...] Un contrôle de proportionnalité inopérant Les circonstances du moment impactent le contrôle effectué par le juge administratif dans le cadre des mesures de police administrative ; plus précisément, c'est le contrôle de proportionnalité qui est amoindri dans ces circonstances. Il est effectivement apparu que certaines consécrations relatives au respect de certaines libertés publiques et individuelles ont pu mettre en cause l'efficacité de ce contrôle. C'est assurément le cas du respect nécessaire de la dignité de la personne humaine. En vérité, ce respect constitue un objectif de l'ensemble des autorités de police administrative générale et découle de la décision du Conseil d'État, Commune de Morsang- sur-Orge, du 27 octobre 1995, n° 136727. [...]
[...] Cette décision fut par la suite consolidée et réellement actée. En effet, le Conseil d'État a validé des interdictions de spectacles de Dieudonné, fondées sur les propos antisémites dont il a été l'auteur. Dans son ordonnance du 9 janvier 2014, Ministre de l'Intérieur c/M. Dieudonné M'Bala M'Bala, n° 374508, le juge administratif suprême a effectivement reconnu que les restrictions apportées à la liberté d'expression sont justifiées au regard de l'atteinte à la dignité humaine. Or ici, le contrôle de proportionnalité est inopérant dans la mesure où dès qu'il est porté atteint à la dignité humaine, l'activité en question sera nécessairement interdite. [...]
[...] Il procédera de ce fait à la nécessaire vérification de la coïncidence entre la mesure concernée et le trouble effectivement apporté à l'ordre public, trouble face auquel la mesure contestée aura été édictée. Il le fait dans le cadre des libertés elles-mêmes définies par la loi et protégées par cette dernière (il peut s'agir de la liberté de la presse ou encore la liberté d'association). Dans le cas de l'espèce, il s'agissait de la liberté de réunion qui, depuis les lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907, n'est plus soumise à autorisation ou déclaration préalable. [...]
[...] Malgré une certaine atténuation des principes contenus au sein de la décision Benjamin celle-ci n'en demeure pas moins une illustration de la volonté du juge administratif suprême de procéder à un réel contrôle des mesures de police administrative attentatoires aux libertés publiques pourtant protégées I. L'adaptation nécessaire des mesures de police administrative aux exigences de l'ordre public Par cette décision libérale, le Conseil d'État invite les autorités investies du pouvoir de police administrative, lorsqu'elles prennent de telles décisions, attentatoires aux libertés publiques, à adapter leur mesure par rapport au risque apporté contre l'ordre public Ces mesures, pour être légales, doivent tout d'abord être nécessaires A. [...]
[...] La validité ou non d'une telle mesure est fonction de la possibilité ou non de pouvoir recourir, pour l'autorité administrative compétente, à une mesure moins rigoureuse. En d'autres termes, si le trouble apporté à l'ordre public ne peut être prévenu par une autre mesure moins rigoureuse, alors cette mesure sera valable légalement (par exemple, Conseil d'Etat, Époux Leroy mars 1968, n° 72053 ; dans le cas inverse, par exemple, Conseil d'Etat, M. Guez mai 1984, n° 49153). Force est de constater que cette décision Benjamin fut le point de départ réel d'une jurisprudence qui a connu de multiples affermissements au gré des affaires dont le Conseil d'État eut à connaître au regard des décisions de police administrative. [...]
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