Un régime d'irresponsabilité a longtemps été appliqué à la puissance publique. Il trouvait sa source dans l'adage " Le Roi ne peut mal faire ". Soustraite aux juridictions ordinaires, l'Administration était en fait délivrée de tout contrôle juridictionnel : les réclamations des administrés étaient jugés par l'Administration elle-même, qui se trouvait être en même temps juge et partie (théorie du ministre-juge). Bien que la Constitution de l'an VIII ait consacré la garantie des fonctionnaires dans son article 75 (un agent public ne pouvait être poursuivi pour des faits relatifs à sa fonction sans autorisation du Conseil d'Etat), la loi du 28 pluviôse an VIII avait simultanément créé les conseils de préfecture chargés, sous la présidence du préfet, de statuer sur certains litiges étroitement définis.
Pour autant, la responsabilité de l'Administration n'est pas née avec l'arrêt Blanco en 1873, mais sous les bons auspices de deux arrêts moins connus rendus par le Conseil d'Etat sur conflit, les arrêts Rotschild et Gloxin de 1855, dont les conclusions sont que " notamment en ce qui touche à la responsabilité de l'Etat, cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue, elle se modifie suivant la nature et les nécessités de chaque service ". Ainsi la politique jurisprudentielle en matière de responsabilité montre que la responsabilité administrative est sanctionnatrice, en ce qu'elle censure les actes illégaux et les actions fautives dommageables des personnes publiques. Elle est aussi restitutive, en ce qu'elle rétablit l'égalité devant les charges publiques, rompue au détriment d'un citoyen par un risque créé, un acte ou une action légale dommageable de l'Administration. En outre, les notions de dommage réparable et de lien de causalité entre ce dernier et le fait générateur de responsabilité sont appréhendées de façon suffisamment large pour aboutir, d'une part, à la généralisation de la responsabilité de la puissance publique et à la marginalisation des secteurs d'irresponsabilité, d'autre part, à l'admission d'un droit à réparation étendu.
Il est de plus remarquable que la crise qui a affecté le service public et plusieurs notions corollaires comme celles d'établissement public ou de contrat administratif n'ait pas perturbé cet ordonnancement. Pourtant, la responsabilité administrative est dominée par la théorie du service public, puisque le régime de droit commun de cette responsabilité est précisément la faute de service public. Or, le service public a servi de facteur à l'extension de cette responsabilité. Dès lors que le principe de la responsabilité de la puissance publique était admis et qu'il y avait de " la gestion dans la police ", selon le mot de Maurice Hauriou, la généralisation de la responsabilité de l'Etat pour les fautes de ses agents dans la gestion de tous les services publics, même ceux marqués par l'infaillibilité de la souveraineté, était empreinte d'une logique inéluctable.
Ainsi, en matière de responsabilité, la jurisprudence assure l'équilibre des intérêts en présence (I). Davantage, la volonté de renforcer les droits des administrés tend vers la généralisation de la responsabilité administrative (II).
[...] Le Conseil d'Etat, créateur de la politique jurisprudentielle en matière de responsabilité Le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire La persistance de menaces B. L'équilibre entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire Le cas où un texte impose la compétence judiciaire Le cas où un texte contredit la séparation des autorités judiciaire et administrative L'absence de texte C. L'équilibre entre l'Administration et les administrés Les avancées de la responsabilité sans faute . . compensent celles de la responsabilité pour faute Le cas particulier de la carence II]. LE RENFORCEMENT DES DROITS DES ADMINISTRES INCITE A LA GENERALISATION DE LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE A. [...]
[...] Le renforcement des droits des administrés incite à la généralisation de la responsabilité administrative A. Le développement de la responsabilité-assurance renforce les droits des administrés 1. Le droit à réparation des dommages exceptionnels - Les plus importantes avancées du droit sont opérées par le législateur qui apparaît alors comme une aiguillon pour le juge administratif dans l'admission du droit à réparation des dommages exceptionnels que la conscience juridique moderne n'admet pas de laisser à la charge des seules victimes. Une autre source de ce développement provient de l'activité des Cours Administratives d'Appel qui n'ont pas hésité à adopter des positions jurisprudentielles innovantes. [...]
[...] Le contentieux de la responsabilité assure l'équilibre des intérêts en présence A. Le Conseil d'Etat, créateur de la politique jurisprudentielle en matière de responsabilité 1. Le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire - Le Conseil d'Etat a dû défendre sa compétence contre la volonté des juridictions judiciaires de connaître des actions en responsabilité contre l'Etat, les communes et les départements, malgré les prescriptions autoritaires des lois de séparation. La règle de l'Etat débiteur, opposée par le Conseil d'Etat pour revendiquer sa compétence, ne pouvait pas jouer pour les actions dirigées contre les communes et les départements, puisqu'elle s'appuyait sur des lois réservant à l'autorité administrative la liquidation des dettes de l'Etat. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a récemment imposé de façon tacite une obligation d'information à l'administration hospitalière, lorsque le transfert d'un malade dans une unité de soins entraîne une augmentation très importante des soins devant rester à sa charge. A l'inverse, en cas de grève des agents du service public, le juge fera dépendre l'obligation d'assurer la continuité du service par le recours à la réquisition et exigera une " carence systématique " pour engager la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute. [...]
[...] Comme le confirme l'arrêt Ets Jean Diant et Cie du 10 février 1993, la responsabilité de la puissance publique pour faute a été engagée en vertu de cette loi, au motif que les ministres compétents ont refusé illégalement de constater l'état de catastrophe naturelle résultant de chutes de neige d'une intensité anormale. C'est l'arrêt Bianchi (artériographie vertébrale-embolie-tétraplégique) du 9 avril 1993 qui a déterminé ces limites. Il en tout état de cause, lézardé la construction jurisprudentielle du risque : pour la première fois, il bénéficie à un usager du service public, et non à un tiers. Le risque n'est pas supporté dans l'intérêt de la collectivité, mais dans le propre intérêt de la victime. [...]
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