Maurice Hauriou restreint le champ d'application de cette notion d'ordre public en ce qu'il pose qu'elle recoupe simplement l'ordre public extérieur, celui auquel on assiste dans la rue de façon quotidienne. On parle aussi de sûreté, salubrité et tranquillité publique comme le triptyque composant l'ordre public. Par exemple, le maire peut réglementer de façon plus stricte la circulation routière autour d'une école –sécurité- ; interdire la consommation d'eau au sein de sa commune en cas de pollution –salubrité- ; ou encore interdire l'usage de la tondeuse à gazon le dimanche –tranquillité-.
Le régime administratif est donc obligé d'établir une distinction entre les idées et les faits. En principe, la police d'État prévient l'exécution d'actes dangereux ou nuisibles et non de propagation d'idées. Mais il se peut pourtant parfois que des mesures de police soient prises en vue de préserver l'ordre moral.
On s'aperçoit très vite que les contours de l'ordre public et des troubles qu'il faut prévenir sont très larges. Ils dépendent bien de l'évolution des risques, de la connaissance que l'on en a, de l'état des mœurs et de contingences de temps et de lieu. Ainsi l'administration est-elle notamment amenée à tenir compte de la sensibilité variable de l'opinion. Doit-on pour autant considérer que la moralité publique est une composante à part entière de l'ordre public ?
[...] Prétendre que l'administration cherche à installer un ordre moral aux dépens d'une atteinte à la liberté de conscience ou de pensée serait occulter le fait qu'elle a avant tout pour but de préserver l'intérêt général. Or celui-ci est évolutif et dépend des contingences sociales –rejoint en ce sens la moralité publique-, et du contenu que veut bien lui accorder le pouvoir politique. Par exemple, on peut penser qu'il en va de l'intérêt de la société que d'interdire l'exploitation, même consentie, d'un handicap physique aux dépens de la liberté professionnelle, car ce serait attiser dans l'opinion publique des pensées malsaines et soutenir un comportement pervers et dégradant pour la personne humaine. [...]
[...] En d'autres termes, l'examen de la moralité du film, se fait à la vue du public concerné : ce film est-il immoral pour cette population donnée ? Mais ici, l'arrêt est laconique en ce qu'il ne précise pas les circonstances locales en cause qui ont pu expliquer que soit prise une telle mesure quand bien même la diffusion du film était permise sur le reste du territoire. C'est la jurisprudence ultérieure qui délimite le champ de la notion et par onze arrêts d'Assemblée du 19/04/1963 souligne que les circonstances locales peuvent être la composition particulière de la population les protestations émanant de milieux locaux divers ou l'attitude prise par diverses personnalités représentant ces milieux Ainsi, si aucune circonstance de cette nature n'est relevée, la volonté de prévenir une atteinte à la moralité publique ne peut être retenue. [...]
[...] Définir l'ordre public par ses trois seules composantes traditionnelles apparaît aujourd'hui désuet en ce que la jurisprudence a non seulement élargi leur champ d'application, mais est aussi venue y ajouter une quatrième Cependant, alors que la jurisprudence semble très nettement s'appuyer parfois sur des considérations morales, elle refuse de fonder ses appréciations sur la notion de respect de la moralité publique, à tel point que celle-ci doit être distinguée de l'ordre public L'elargissement du champ d'application de la notion d'ordre public a des considerations d'ordre moral Si le Conseil d'Etat a d'abord considéré que le respect de moralité publique pouvait être invoqué au soutien de circonstances particulières justifiant une mesure de police administrative il a par la suite dégagé une autre composante de l'ordre public, composante de coloration essentiellement morale Moralité publique et circonstances locales particulières : une conjonction justificative de mesures de police générale Dans son arrêt Société Les films Lutétia du 18/12/1959, le Conseil d'Etat rappelle, sur le fondement de la loi municipale de 1884, qu'un maire, en tant que responsable du maintien de l'ordre dans sa commune peut interdire la diffusion d'un film dont la projection est susceptible d'entrainer des troubles sérieux ou d'être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public En outre, il ajoute que l'ordonnance du 03/07/1945 ayant notamment pour objet de permettre que soit interdite la projection de films contraires aux bonnes mœurs ou de nature à avoir une influence pernicieuse sur la moralité publique n'a pas retiré cette compétence au maire d'interdire la projection d'un film même si celle-ci a été autorisée par visa à l'échelle nationale. Ainsi, le Conseil d'Etat pose que l'interdiction du maire peut être justifiée soit par le risque de troubles sérieux soit par le caractère immoral dudit film si celui-ci est accompagné de circonstances locales particulières. Le premier motif est classique et très souvent invoqué en jurisprudence. [...]
[...] En effet, celle-ci reste attachée au gouvernement et au pouvoir exécutif qui selon la Constitution ne sont pas habilités à fixer les droits civiques et garanties fondamentales des citoyens pour l'exercice de leur liberté publique (article 34C°). C'est le rôle du législateur, représentant de la volonté générale que de poser des normes en ce sens. Dire que la police poursuit l'ordre moral revient à porter atteinte aux libertés individuelles, une atteinte qu'un Etat de droit doit pourtant sanctionner et non autoriser auquel cas il en devient oppressant et non plus défenseur des libertés individuelles. C'est probablement pour cette raison que le Conseil d'Etat refuse de se voir reconnaître la qualité de gardien de l'ordre moral. [...]
[...] Or, la police administrative générale reste le droit commun de sorte qu'elle peut intervenir contre tout ce qui menace l'ordre public, sans qu'un texte ait prévu cette intervention. Donc le champ d'application de la notion d'ordre public est certainement être aussi large et varié que les comportements humains. Toutefois, la police ne doit pas pour autant poursuivre un objectif moral en se chargeant de maintenir l'ordre dans les idées et les sentiments. En effet, ce serait là porter atteinte à la liberté des individus et notamment à la liberté de conscience et de pensée. [...]
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