Le Conseil d'Etat, dans un arrêt Commune de Morsang sur Orge du 27 octobre 1995, décide que « le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public ». Le surgissement de la notion de dignité humaine n'est pas novateur. Compte tenu du fait que le Conseil Constitutionnel, la Cour européenne des Droits de l'homme et la Cour de justice des communautés européennes utilisent la notion de dignité humaine, le Conseil d'Etat ne fait en réalité que consacrer un principe déjà reconnu par ailleurs et cherche à harmoniser sa jurisprudence avec celle des autres juridictions suprêmes. Le Conseil constitutionnel l'a déjà utilisée dans sa jurisprudence (DC, 27 juillet 1994, loi sur la bioéthique et DC, 19 janvier 1995, loi sur la diversité de l'habitat). Seulement, la notion prend un relief particulier avec son introduction dans le domaine de la police administrative.
Même envisagé sous le seul prisme du Droit administratif, l'ordre public est une notion évanescente. L'ordre public est évidemment perçu différemment par l'autorité de police préoccupée par le maintien du bon ordre, par l'individu soucieux du respect de ses libertés, et par le juge, chargé en cas de contestation de déterminer le juste équilibre entre ces deux équilibres. Il couvre une conception de l'homme, que la société doit respecter et que les pouvoirs publics doivent faire respecter.
Dès lors, étant donné qu'en droit administratif, l'ordre public est le fondement de l'action de l'autorité de police administrative, cette extension de la notion d'ordre public invite à s'interroger sur les conséquences induites par l'incorporation du principe de dignité humaine au regard de la particularité du principe.
[...] F.Borella soutient cette interprétation, compte tenu du fait que le principe de dignité est une donnée non construite. Ainsi le concept de dignité n'est pas posé ou fondé par le droit positif mais ne peut être que reconnu par lui. Il ne s'agit pas en réalité d'un concept juridique. La doctrine administrative considère le principe de dignité comme une notion axiologique, comme une valeur plus que comme un principe juridique de droit commun. Il joue en effet le rôle de révélateur d'une réactivation des modes de pensée jusnaturalistes dans la doctrine juridique française dès lors que la référence à la valeur regagne du terrain. [...]
[...] Seulement, la notion prend un relief particulier avec son introduction dans le domaine de la police administrative En effet, selon Kant, la dignité humaine est une valeur inaliénable : la dignité est le simple fait qu'un homme existe en tant qu'être raisonnable. La dignité est une valeur proprement humaine. Elle s'oppose à tout ce qui peut dégrader la personne humaine, l'humilier. La notion de dignité entre donc en conflit avec les autres composantes de l'ordre public, lesquelles forment un ordre conçu comme matériel et intérieur ou moral. [...]
[...] Chapus considère que le respect de la dignité de la personne humaine traduit une exigence morale et constitue lui-même l'une des composantes de la moralité publique D'autres estiment que la dignité de la personne humaine et la moralité publique constituent des éléments distincts. En effet, contrairement à la moralité publique, le principe de dignité humaine doit être respecté même en l'absence de circonstances locales particulières Enfin, l'incorporation du principe de dignité conduit à une suprématie de celui-ci sur les autres éléments de l'ordre public. [...]
[...] Or, cette large appréciation offerte au juge porte des risques. D'une part, l'intégration de la dignité à la notion d'ordre public et donc l'érection de la sauvegarde de la dignité en tant que finalité des activités de police administrative, pourrait entraîner une interprétation extensive et donc un risque de multiplication des interdictions. D'autre part, le juge administratif pourrait imposer ses propres conceptions morales à la société. Certains considèrent même que c'est une porte ouverte à la dictature sur les esprits Comme le souligne Chapus à propos de la dignité, s'il est bien que les juges fassent de la morale, c'est à condition qu'ils en fassent le moins possible Ainsi, le juge se devrait d'être restrictif et d'éviter de multiplier les recours à la notion de dignité humaine. [...]
[...] En effet, se trouve remis en cause le lien fort qui existait en matière municipale entre l'ordre public et les circonstances locales particulières. B. Les modalités d'application spécifiques du respect de la dignité humaine L'ordre public est normalement fonction des circonstances locales, lesquelles, à un moment donné, peuvent déclencher des risques de troubles. Toutefois, le Conseil d'Etat considère que l'autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte à la dignité. [...]
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