Depuis la fin du 19e siècle, de nombreux textes législatifs et réglementaires ont fait référence au domaine public ; pourtant, la question essentielle de la détermination du critère de la domanialité publique est restée longtemps sans autre réponse que celle progressivement élaborée au rythme des recours contentieux par le Conseil d'Etat (CE). Dès 1935, le commissaire du gouvernement R. Latournerie avait invité le CE à prendre nettement parti sur la définition du domaine public dans ses conclusions sur l'affaire Mougamadousadagnetoullah, dit Marécar (CE Sect. 1935, Marécar) mais c'est avec l'arrêt CE Sect. 1956, Société Le Béton, que la Haute juridiction admet de façon plus explicite que le domaine public comprend des biens affectés à un SP sous réserve d'aménagement spécial.
Ignorant l'article L. 2 du Code du domaine de l'Etat de 1962 en raison de l'imprécision de la référence à la destination donnée au bien, d'ailleurs critiquée par la doctrine unanime, le CE a retenu un critère du domaine public trouvant son origine dans la proposition faite en 1947 par la Commission de réforme du Code civil. Sauf dispositions contraires à la loi, les biens des collectivités administratives et des établissements publics ne sont compris dans le domaine public qu'à la condition :
- soit d'être mis ou laissés à la disposition directe du public usager ;
- soit d'être affectés à un SP pourvu qu'en ce cas ils soient par nature ou par des aménagements particuliers adaptés exclusivement ou essentiellement au but particulier de ce service.
[...] En outre, la recherche de critères réducteurs du domaine public a abouti à un résultat inverse. Dès lors, L'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) est intervenue de façon à simplifier et à unifier les règles du domaine public, apportant en particulier une nouvelle clarification sur la notion. C'est au regard de cette nouvelle partie du CGPPP qu'il convient d'analyser désormais les critères constitutifs du domaine public. [...]
[...] La notion de domaine public s'en est trouvée remaniée, mais plusieurs zones d'ombres subsistent. Il convient alors d'attendre l'interprétation de ces nouvelles dispositions par le juge administratif, qui, s'il est soumis au respect desdites dispositions de nature législative, ne demeure pas moins le seul maître de la casuistique. De plus, en matière d'aménagement indispensable, il semble disposer d'une marge de manœuvre non négligeable dans la fixation des limites qu'il entend donner à la domanialité publique. A. de Laubadère, Domanialité publique, propriété administrative et affectation, RDP F. [...]
[...] Pour autant, la question s'est posée de savoir si toutes les personnes publiques pouvaient être propriétaires d'un domaine public. Le CE s'est en effet longtemps écarté de la proposition émise par la Commission de réforme du Code civil (1947) à propos de la détermination des personnes publiques titulaires du domaine public. Le fondement de la réticence du juge administratif, qui n'était pas toujours explicitée avec clarté, a été interprété comme reposant sur l'idée que les établissements publics n'avaient pas d'assise territoriale et ne disposaient pas d'un pouvoir de police. [...]
[...] Dès lors, se dégage au fil de la jurisprudence une conception extensive de cet aménagement, alors que cela devait être un facteur de limitation de la domanialité publique destiné à corriger le critère trop large de l'affectation au SP. En outre, la dilution de la notion d'aménagement spécial s'accentue encore lorsque le juge relève qu'une plage affectée à l'usage du public fait partie du domaine public dans la mesure où elle fait l'objet d'un entretien dans des conditions telles qu'elle doit être rejugée comme bénéficiant d'un aménagement spécial (CE Dame Gozzoli). [...]
[...] Le caractère indispensable désormais requis doit être considéré comme plus exigeant que son prédécesseur malgré les doutes que l'on peut émettre sur la pertinence du choix des qualificatifs pour atteindre l'objectif recherché. Comme le montre le Pr E. Fatôme, une interprétation rigoureuse de l'aménagement spécial est plus réductrice que la notion de domaine public que le recours à la notion d'aménagement indispensable à l'exécution d'un SP(4). Finalement, davantage que la terminologie retenue, sujette à des divergences d'interprétation, c'est l'intention des auteurs du CGPPP, dans cette définition rénovée du domaine public, qui doit guider le travail de qualification des biens immobiliers. [...]
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