«L'acte de gouvernement, monstre ou victime ?» tel est l'intitulé d'un article de René CHAPUS paru au Dalloz en 1958, qui illustre élégamment toute l'ambiguïté contenue dans la notion d'acte de gouvernement et toutes les difficultés s'offrant à quiconque essaie de donner une définition claire et précise de l'acte de gouvernement.
En principe, l'activité du gouvernement est soumise au contrôle du juge administratif, relativement à sa légalité et aux responsabilités que peuvent entraîner les conséquences de cette activité. Pourtant, l'exception confirmant la règle, il existe des actes considérés par certains auteurs dont René CHAPUS comme formant une catégorie d'actes particulière et par d'autres auteurs, tels Josiane AUVRET-FINCK, professeur d'Université auteur d'un article «les actes de gouvernement, irréductible peau de chagrin ?» paru à la Revue de Droit Public RDP.1995 comme ne formant pas une catégorie juridique, actes qui émanent du pouvoir exécutif et qui sont traditionnellement soustraits au contrôle du juge. Il apparaît au premier plan une justification d'ordre pratique de ces actes : l'impossibilité pour le juge de les connaître. Certains auteurs ont cru trouver le fondement de ces actes dans l'article 26 de la loi du 24 mai 1872 sur le Tribunal des Conflits selon lequel « les ministres ont le droit de revendiquer devant le Tribunal des Conflits les affaires portées à la section du contentieux et qui n'appartiennent pas aux Tribunaux Administratifs ». Ce texte a été par la suite abandonné. Il nous reste aujourd'hui une définition négative de l'acte de gouvernement à savoir que les actes de gouvernement sont des actes non susceptibles de recours contentieux tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire. La périphrase même « acte de gouvernement » a été soumise à des utilisations variables : le Conseil d'Etat et le Tribunal des Conflits ont recours à l'expression « actes échappant par leur nature au contrôle des Tribunaux » alors que les Commissaires du Gouvernement et la doctrine usent du terme «acte de gouvernement ». Autrefois la jurisprudence utilisait cette périphrase (Héritiers d'Orléans, 18 juin 1852, Duc d'Aumale 20 mai 1887, Duchesse de Saint Leu 5 décembre 1938, trois arrêts du Conseil d'Etat) qui est par la suite tombée en désuétude. C'est le Tribunal des Conflits, dans l'arrêt Barbaran (24 juin 1954) et le Conseil d'Etat dans l'arrêt Rubin de Servens (2 mars 1962) qui ont réintroduit ce terme.
Le contenu de la notion d'acte de gouvernement n'a cessé de s'amenuiser mais ces actes en dépit de leur déclin récent restent vivaces d'après l'analyse faite par Josiane AUVRET-FINCK. Leur contenu, faute de définition précise s'établit de façon jurisprudentielle. Initialement, ce qui rendait un acte non susceptible de recours et de contrôle était le critère du mobile politique. Pour ne donner que deux exemples, sous la Restauration le recours du banquier Lafitte qui exigeait le paiement des arrérages d'une rente que lui avait cédée la Princesse Borghèse membre de la famille Bonaparte fut rejeté au motif que cette réclamation tenait à une question politique dont la décision appartenait exclusivement au Gouvernement (CE, 1er mai 1822) et sous le Second Empire, la saisie d'un ouvrage du Duc d'Aumale et le refus de restituer les exemplaires saisis sont considérés comme des actes politiques qui ne sont pas de nature à être déférés pour excès de pourvoi au Conseil d'Etat (CE, 9 mai 1867). C'est en 1875, avec l'arrêt du 19 février 1875 du Conseil d'Etat, Prince Napoléon, que la théorie du mobile politique est définitivement abandonnée : en examinant le recours au fond, le Conseil d'Etat consacre implicitement la fin de la théorie du mobile politique. Le Commissaire du Gouvernement DAVID dans ses conclusions sur cet arrêt établit que « pour présenter le caractère exceptionnel qui le mette en dehors et au dessus de tout contrôle juridictionnel, i ne suffit pas qu'un acte émané du gouvernement ou de l'un de ses représentants ait été délibéré en Conseil des Ministres ou qu'il ait été dicté par un intérêt purement politique ».Le mobile politique qui inspirait le Conseil d'Etat a donc été définitivement abandonné. Dans ce même mouvement actuellement tout acte administratif inspiré par un mobile politique est illégal : il est possible de le faire annuler pour erreur de droit ou détournement de pouvoir. Pour illustrer ceci nous ne citerons que l'arrêt Barel du Conseil d'Etat en date du 2 mai 1954, stipulant qu'un candidat ne peut être exclu d'un concours donnant accès à la fonction publique en raison de ses opinions politiques. Un acte de gouvernement est donc différent d'un acte politique. N'ayant plus de mobile caractérisant l'acte de gouvernement, le Conseil d'Etat a pris pour fondement de ces actes la distinction entre gouvernement et administration : ce n'est plus le mobile de l'acte qui retient l'attention mais sa nature. Cette thèse a été largement développée par CHAPUS reprenant une distinction faite par LAFERRIERE « l'activité gouvernementale est distincte de l'activité administrative et donc le actes de gouvernement ne sont pas des actes administratifs ». Devant la difficulté à laquelle se heurte les auteurs pour définir l'activité gouvernementale, le Commissaire CELIER en 1947 dans l'affaire Gombert a justifié l'incompétence du juge administratif par le caractère mixte que présentent ces actes. Si ceci est véridique lorsque ces actes sont adoptés par une autorité exécutive et une autorité législative, ce n'est pas applicable dans d'autres hypothèse comme par exemple la protection diplomatique. La seule chose exacte c'est que les actes de gouvernement touchet aux rapports avec des autorités autres qu'administratives. Aujourd'hui, il y a une absence manifeste de définition rigoureuse des actes de gouvernement.
Il convient à ce stade de souligner que la théorie des actes de gouvernement est nettement différente de la théorie du pouvoir discrétionnaire ainsi que de la théorie des circonstances exceptionnelles qui comporte un élargissement de compétence mais aucune immunité juridictionnelle. Cette théorie de l'acte de gouvernement bénéficiant d'une immunité juridictionnelle n'est pas sans agacer les juristes qui ne cessent de revendiquer l'égalité devant la loi et l'Etat de droit. Cependant, il est nécessaire de se rappeler que dans l'Ancien Droit, les pouvoirs du souverain étaient sans limite, ce qui explique en partie l'acceptation de la théorie des actes de gouvernement. Si les actes de gouvernement bénéficient d'après la jurisprudence d'une immunité juridictionnelle parfaite, il n'en reste pas moins qu'existent certaines limites à ces actes de gouvernement.
[...] Et ce ne sont pas pour autant des actes de gouvernement. II- La seconde remarque est relative aux faits de guerre, c'est à dire aux faits qui se rattachent à la conduite des opérations militaires. Ils ont été autrefois qualifiés d'actes de gouvernement. Le mouvement actuel n'est plus le rejet des requêtes sur le fondement de la théorie des actes de gouvernement mais plutôt l'examen de la requête au fond qui débouche sur la décision que les préjudices résultant d'évènements présentant en fait le caractère «évènements de guerre» ou «opérations militaires» ne sauraient ouvrir aux victimes le droit à réparation à la charge de l'Etat que sur le fondement d'un texte ayant force de loi (CE mars 1966, arrêt Société Ignazio Messina : arraisonnement en haute mer et détournement ver s le port de Bône d'un cargo italien pendant les événement d'Algérie.)Le juge applique donc l'irresponsabilité de principe de l'Etat pour les dommages de guerre. [...]
[...] C‘est ce qu'a présenté Monsieur VIRALLY dans son article l'introuvable acte de gouvernement Ainsi l'incompétence du juge dans le domaine des rapports entre le gouvernement et le Parlement s'explique par le fait que ces actes relèvent du contrôle du Parlement lui-même. De la même façon, l'absence de toute censure juridictionnelle en matière de relations internationales tient à la circonstance que ces dernières relèvent du droit international et non du droit interne français. Sur le même ordre d'idée, Monsieur Jacques DONNADIEU DE VABRES affirme la théorie des actes de gouvernement est pourtant fort simple : il n'y en a pas. Cependant, nous pouvons nous demander pourquoi avoir voulu nier l'acte de gouvernement ? Pour sa complexité sans doute. [...]
[...] Ensuite, on dit d'un acte qu'il est acte de gouvernement lorsqu'il est soumis au régime d'immunité de l'acte de gouvernement, alors que ce régime devrait être la conséquence de sa nature intrinsèque retour au mobile politique : Pour d'autres auteurs, le mobile politique ou plutôt le caractère politique de l'acte de gouvernement ne fait aucun doute : ainsi les doyens DUEZ et DEBEYRE estiment que l'absence de tout contrôle juridictionnel ne s'explique que pour des raisons d'ordre politique : les tribunaux ne veulent pas entrer en opposition avec le Parlement, ils ne veulent pas créer des difficultés diplomatiques au gouvernement ou bien il s'agit de matières où traditionnellement le gouvernement a toujours joui d'une grande liberté Il s'agit de la survivance de la raison d'Etat De plus, on peut voir une raison historique explicative des actes de gouvernements : à l'époque où le juge administratif est devenu indépendant de l'administration active, c'est à dire en 1889 avec l'arrêt Cadot qui marque la fin de la théorie du ministre-juge et qui érige le Conseil d'Etat en juge de droit commun du contentieux administratif, le juge administratif manquant d'audace aurait accordé a priori l'immunité juridictionnelle à des catégories déterminées d'actes de la puissance publique, certain d'obtenir en contrepartie toute la liberté dans les affaires. A ce propos, le Professeur de LAUBADERE affirme que dans la mesure où il subsiste plutôt que l'expression d'une fonction particulière de l'Etat une catégorie de décision dont la soustraction au contrôle contentieux s'explique plus par des raisons politiques que juridiques. à la recherche du critère : Notre question reste entière : existe-t-il un critère de l'acte de gouvernement ? Plusieurs théories ont été avancées, aucune n'a été arrêtée. [...]
[...] Comme il l'a été évoqué précédemment, certains ont essayé de trouver le critère dans la nature de l'acte. Pour le président LAFERRIERE, il convenait de distinguer parmi les actes du pouvoir exécutif les actes d'administration et les actes de gouvernement : ces derniers relèvent de la juridiction politique c'est-à-dire celle que les Chambres exercent soit en contrôlant les actes ministériels soit dans des cas exceptionnels en accusant et en jugeant les ministres. Le critère de l'acte de gouvernement serait sa nature politique, correspondant aux attributions gouvernementales de l'exécutif car gouvernement c'est pourvoir aux besoins de la société politique tout entière, veiller à l'observation de sa constitution, au fonctionnement des grands pouvoirs publics, aux rapports de l'Etat avec les puissances étrangères, à la sécurité intérieure et extérieure HAURIOU, doyen de l'Ecole de Toulouse, a repris cette théorie en considérant toutefois qu'il était difficile de distinguer entre fonction gouvernementale et fonction administrative. [...]
[...] Quant aux actes de gouvernement dans l'ordre interne, ils paraissent réfractaires à tout recours juridictionnel. Entre le recul et l'éradication de l'acte de gouvernement, il reste donc un chemin à parcourir, balisé par la pression de la légalité et le renforcement de l'autorité juridictionnelle la théorie de l'acte détachable : C'est une théorie assez ancienne : elle a une origine jurisprudentielle remontant en 1905. Son but a été initialement de reculer la limite qui sépare le domaine du juge de l'excès de pouvoir de celui du juge du contrat. [...]
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