L'expression, le concept d'acte unilatéral mou n'est-il pas un oxymore juridique ? Souvent défini comme l'acte par lequel l'Etat impose une conduite à un tiers sans son consentement, l'acte unilatéral est dans cette optique traditionnellement reconnu comme le symbole de la puissance, de la vigueur étatique. En effet, les tenants de l'école de la puissance publique identifiaient l'acte de puissance publique, seul véritable acte administratif à l'acte unilatéral et lui opposaient l'acte de gestion assimilé au contrat et relevant de la sphère privée. Or on peut lire dans le dictionnaire le Robert qu'on qualifie un objet de mou précisément quand celui-ci manque de vigueur, de force. Plus profondément encore, l'obligation, l'ordre ou le commandement participent de la définition même de ce qu'est le droit, de ce qu'est la norme. Dans son acception traditionnelle, héritée de la théorie pure du droit d'Hans Kelsen, le droit se conjugue ainsi avec la fermeté, la rigidité, la raideur, la solidité, l'inflexibilité. Citons Kelsen : « le mot norme exprime l'idée que quelque chose doit être ou se produire, en particulier qu'un homme doit se conduire d'une certaine façon », « le droit est un ordre de contrainte » ou encore « le droit est une organisation de la force ». Organisation de la force qui manque de force ? Il y a donc en apparence une étrange contradiction à placer ces termes côte à côte : acte unilatéral mou.
[...] Cependant, et en leur qualité de chef de service, les ministres disposent d'un certain pouvoir réglementaire en vertu du fameux arrêt Jamart du 7 février 1936. Mais si ce pouvoir réglementaire, tel qu'il est précisé dans cet arrêt n'est en rien négligeable, il ne faut pas non plus, comme l'écrit René CHAPUS, le surestimer. Il ne permet en effet pas aux chefs de service de tout faire en ce qu'il est strictement limité aux mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité Ce pouvoir réglementaire est de surcroît conditionné par l'existence d'un vide juridique et par la conformité aux règles de niveaux supérieurs. [...]
[...] L'exemple des circulaires est à cet égard très éclairant. Du fait de l'existence du lien de subordination entre l'auteur de l'acte et celui qui l'applique, les circulaires, alors même qu'elles sont simplement incitatives, sont presque toujours perçues comme des ordres. Cela a pour conséquence un phénomène caractéristique : les agents attendent généralement que la circulaire soit édictée par le ministre dont ils relèvent pour l'appliquer directement sans se référer au texte qu'elle interprète. Malgré tout et c'est là leur caractéristique, les mesures d'ordre intérieur laissent en principe l'autorité compétente libre d'agir comme bon lui semble. [...]
[...] Comme vous le soulignez dans votre article sur l'acte administratif dans le dalloz contentieux le constat est le même s'agissant des délibérations des organes délibérants des collectivités territoriales ne formant que de simples vœux. Le préfet peut en effet, en vertu de dispositions textuelles, déferrer de telles délibérations au juge administratif malgré leur caractère non normatif en raison de leurs vices propres assemblée 15 avril 1995, syndicat CGT des hospitaliers de Bédarieux). Voilà donc un autre moyen permettant la soumission des actes mous à la légalité. [...]
[...] Dans une telle situation, le formalisme habituel des actes durs constitue un système trop lourd. Comparativement, les actes mous permettraient à l'administration de prendre des mesures avec plus de souplesse et donc de rapidité. Ils ont de surcroît pour grand avantage de faciliter une intervention plus discrète et donc à l'abri des passions et de la crainte pour l'administration de la sanction du juge. Enfin, l'efficacité de l'action administrative est conditionnée, on l'a vu par la bonne réception du droit. [...]
[...] Il s'agirait même selon Yves Gaudemet, d'une sorte d'ancêtre du droit de la régulation La régulation La régulation est annoncée par beaucoup comme le nouveau pavillon de la normativité Au sens strict, la régulation est l'action normative ou para-normative qui accompagne l'ouverture d'un marché antérieurement monopolisé, qui en assure l'ouverture à de nouveaux opérateurs, et l'installation progressive de la concurrence sur celui-ci. Mais, il existe une définition formelle de la régulation beaucoup plus large. Ses caractéristiques sont alors la présence d'un régulateur et surtout l'« utilisation d'une normativité incertaine, efficace et contraignante en fait, mais étrangère aux formes ordinaires et classiques (Gaudemet). [...]
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