Dans ces conclusions des arrêts du Conseil d'Etat, pris en Assemblée, du 14 décembre 2007, M. Planchenault et Boussouar, le commissaire du gouvernement Patrick Frydman énonçait « on ne peut manquer d'être sensible aux conséquences préjudiciables qui s'attachent, pour les personnes concernées, au prononcé de sanctions disciplinaires et corrélativement, au considérable progrès du droit que représenterait la soumission de telles mesures au contrôle du juge ».
Les mesures d'ordre intérieur sont, selon Gérard Cornu, l'expression générique désignant des actes administratifs qui, bien que le caractère souvent très différent, ont en commun de n'avoir pour destinataires que des autorités ou des agents de l'administration et de ne concerner en principe que les relations juridiques existantes à l'intérieur de l'administration. En ce sens, elles n'ont que pour but de régir l'organisation et le fonctionnement interne des services publics, leur caractère normatif est incontestable, mais le juge se refuse de leur connaître un caractère décisoire. Elles forment un groupe d'actes administratifs unilatéraux non décisoires qui ne peut être contester par voie de recours pour excès de pouvoir, ou par la voie d'exception d'illégalité, et ne sont pas plus invocables par les administrés. Le fait est que le juge a longtemps refusé de donner aux mesures d'ordre intérieur un caractère décisoire du fait de leur nature, elles ont un effet normatif faible et de plus, elles sont souvent la manifestation d'un pouvoir disciplinaire de l'administration. Il est question alors de protéger et renforcer l'autorité de l'administration sur ces services. Le sens et la portée des conclusions de P. Frydman se comprend alors en ce que les usagers du service public ou les agents
des services publics se retrouvent dans une situation de déséquilibre face au pouvoir de l'administration. C'est pourquoi la jurisprudence du Conseil d'Etat, poussée par la doctrine et les conclusions des commissaires du gouvernement, a commencé à restreindre le domaine des mesures d'ordre intérieur.
[...] C'est en matière de prison que le Conseil d'Etat a beaucoup exercé son contrôle (notamment du fait du rôle de la CEDH qui a développé une jurisprudence nourrie sur les décision relatives à la situation des détenues). Avec l'arrêt de 2003, Remli, du Conseil d'Etat, la jurisprudence déplace de nouveau la frontière entre mesures d'ordre intérieur et décisions susceptibles de recours. Le conseil d'Etat, et ces juges du fond, garde pourtant une approche au casuistique sur la caractère décisoire des mesures d'ordre intérieur. C'est avec la jurisprudence des mesures d'ordre intérieur dans les prisons, que le Conseil d'Etat va élaborer une grille lui faisant défaut, permettant l'application de celle-ci aux différents cas d'espèce. [...]
[...] Les conséquences du refus d'ouvrir les mesures d'ordre intérieur à tout recours. Les conséquences de rendre les mesures d'ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir sont multiples et diverses. Tout d'abord elles peuvent s'avérer fortement préjudiciable pour les personnes concernées puisqu'elles leur impose des situation de droit ou de fait pouvait être importante. De plus ils ne peuvent contester cette décision, créant un déséquilibre manifeste entre le destinataire de la mesure et l'émetteur de celle-ci. Ce refus pourrait dès lors être qualifié de déni de justice, ou tout du moins difficilement compatible avec les principes d'un Etat de droit, alors que le juge contrôle des actes administratifs de portée normative beaucoup importante que des punitions infligées tant aux détenus qu'aux militaires. [...]
[...] Dès lors il ne faut pas que les usagers de l'administration puisse pouvoir contester l'autorité de l'administration, ayant alors pour effet de bloquer le service public, ou du moins de le rendre moins efficace. Cette justification tient notamment du fait de maintenir la discipline dans les domaines d'élection des mesures d'ordre intérieur, à savoir les écoles, l'armée et les prisons. Cette justification du juge a pendant longtemps privée les usagers et les agents des services publics de contester toutes mesures d'ordre intérieur ayant alors des conséquences graves sur la situation de ceux-ci. [...]
[...] Cette grille repose sur trois idées. La première est qu'il convient d'apprécier une approche concrète, non que juridique, afin d'analyser la nature de la décision contestée et l'importance de ses effets sur la situations des détenus. La deuxième idée consiste à retenir un raisonnement, non plus décision par décision, mais par catégorie de décisions, permettant un mode d'emploi applicable à chaque cas d'espèce. La troisième idée conduit à introduire une légère atténuation en réservant, à l'intérieur des catégories de décisions insusceptibles de recours, le cas de celles qui mettent en cause les droits et libertés fondamentaux des détenus. [...]
[...] II D'un contrôle casuistique à l'établissement d'un mode d'emploi L'évolution du contrôle du juge sur les mesures d'ordre intérieur a d'abord touché les domaines privilégiés de celles-ci, à savoir l'école, l'armée et la prison Cependant il faisait défaut au juge pour définir l'étendu de son contrôle une grille dont il ferait application aux différents cas en espèce Une jurisprudence casuistique. Le conseil d'Etat ne se borne pas d'énoncer l'ouverture de toutes les mesures d'ordre intérieur au recours pour excès de pouvoir. En effet, l'étude de celle-ci se fait au cas par cas. Ainsi le juge accepte de contrôler la réglementation relative au signe religieux dans les écoles puisqu'il s'agit de mesure à caractère décisoire (CE novembre 1992, Kherouaa). [...]
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