Les mesures d'ordre intérieur sont, en premier lieu, des actes administratifs unilatéraux, pris par une administration sans besoin du consentement des administrés. Mais ces mesures en constituent une catégorie très spécifique, distincte des actes préparatoires, confirmatifs ou encore indicatifs. Il s'agit en fait de mesures prises à l'intérieur d'un service et visant à aménager, faciliter et améliorer son fonctionnement.
Elles sont principalement associées aux mesures prises dans les établissements d'enseignement, dans les centres pénitenciers et dans l'armée, mais aussi à toutes sortes de services administratifs, elles sont en fait toutes les décisions prises pour organiser le fonctionnement de l'administration en question (les différentes procédures, les horaires d'ouvertures, les mutations d'un individu à tel ou tel poste…).
Les mesures d'ordre intérieur ont des effets réels, s'imposant hiérarchiquement aux agents du service (il se peut même que de ces effets découlent des conséquences externes pour les usagers). Leur caractère normatif semble clair et incontestable, cependant le juge administratif refuse de leur reconnaître un caractère décisoire.
[...] Ce fut un très important revirement de jurisprudence, des mesures définissables comme relevant de l'ordre intérieur s'étaient vu reconnaitre la nature de mesures décisoires, susceptibles d'un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif. Cette jurisprudence fut confirmée et même accentué par les trois arrêts rendus le 14 décembre 2007, dans les trois cas d'espèce, des mesures semblant relever de l'ordre intérieur furent prises à l'égard de détenus et agents du service public pénitentiaire. M. Payet qui fut l'objet d'une décision de rotation de sécurité, un changement d'établissement ayant pour but de prévenir la tentative d'évasion, acte contre lequel il avait exercé un recours y voyant une importante aggravation de ses conditions de détentions. [...]
[...] Il s'agit ici d'une importante atteinte à la notion même de mesure d'ordre intérieur, celles-ci voient leur définition restreinte. Il convient de réfléchir aux nouveaux critères qui entrent en compte dans la lecture de l'acte. Comme expliqué lorsqu'il était question de la portée des arrêts de 1995 et de 2007, le juge déterminera la recevabilité d'un acte à être contrôlé en portant son intention sur deux éléments importants, la nature de l'acte et sur l'importance de ses effets sur la situation juridique et matérielle de l'individu ou du groupe d'individus qu'il cible. [...]
[...] Il est important de souligner que ce revirement est dû à de nombreux facteurs, l'augmentation des droits conférés aux usagers et agents du service public conféré par les textes de droits nationaux, et bien entendu le respect des nombreuses exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le droit au procès équitable et au recours effectif tout particulièrement. Pour une meilleure compréhension, il est nécessaire d'étendre cette jurisprudence aux mesures d'ordre intérieur en général, bien qu'aucune confirmation n'a été prononcée par le Conseil d'Etat, il semble logique de déduire des arrêts précédents que cette grille de lecture concerne tout acte de ce type, et pas seulement ceux émis par un service public pénitentiaire. Il se révèle donc nécessaire d'étudier la conséquence de cet apport jurisprudentiel sur la notion même de mesure d'ordre intérieur. [...]
[...] C'est ainsi que ce justifie la jurisprudence du Conseil d'Etat, ne touchant qu'à l'ordre interne d'une administration, ces mesures ne portent pas gravement atteinte aux droits des citoyens, qui plus est, pour le bon fonctionnement de l'administration en cause, il semble inutile de compliquer sa tâche par des contentieux issus d'un recours pour excès de pouvoir pris à l'encontre de décisions mineures d'ordre intérieur. C'était tout du moins le cas avant cinq grands arrêts. Le domaine des mesures d'ordre intérieur semble en train de se réduire, il est de plus en plus reproché, que des décisions administratives ne puissent faire l'objet d'un recours devant le juge. Deux grands arrêts du 17 février 1995 concrétisèrent cette réduction dans un mouvement de soumission général de l'administration au droit. [...]
[...] Mais quelle est la véritable nature et évolution de cette notion déjà trop vaguement définie que sont les mesures d'ordre intérieur ? Pour répondre à cette interrogation, il semble nécessaire d'aborder dans un premier temps les grands revirements de jurisprudence de 1995 puis de 2007 pour en déduire une vision concrète de la notion même de mesure d'ordre intérieur qui en ressort amoindrie (II). I. La possibilité d'exercer un recours en excès de pouvoir, un bouleversement jurisprudentiel. Il sera utile d'étudier dans un premier temps les cas d'espèce des arrêts du 17 février 1995 et 14 décembre 2007 et les réponses apportées par le Conseil d'Etat qui constituent un important revirement de jurisprudence pour ensuite aborder la portée de ces revirements A. [...]
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