Dans notre ancien droit public, héritier des conceptions du droit romain, les pouvoirs du souverain étaient sans limites. Il en résultait une irresponsabilité de la puissance publique qui n'était tenue au respect d'aucune forme juridique. Mais l'ancien régime, avec l'apparition de la notion de lois fondamentales du royaume, vit s'élaborer progressivement un ensemble de règles générales auxquelles devait obéir l'action administrative. Cette notion de respect de la légalité devait s'affirmer avec de plus en plus de force à partir de l'an VIII, lorsque fut institué un embryon de juridiction administrative au sein du Conseil d'Etat. La jurisprudence a su perfectionner les voies de recours mises à la disposition des administrés pour obliger l'administration à faire une application régulière de la loi. Les mesures individuelles aussi bien que les actes administratifs réglementaires doivent donc respecter le principe de légalité. Il s'agit en quelque sorte de brider le pouvoir de la puissance publique en la soumettant au droit. Le concept de légalité risque donc d'entrer en conflit avec les impératifs de l'action administrative et politique. L'acte de gouvernement se présente donc comme une technique juridique au moyen de laquelle certains actes peuvent échapper à toute censure juridictionnelle.
Nié très tôt dans son existence même, ou contesté dans son principe, l'acte de gouvernement a survécu aux critiques des générations successives. La jurisprudence récente illustre la persistance de l'acte de gouvernement au sein du droit administratif français. En 1999 l'Assemblée du contentieux affirmait qu'il n'appartient pas à la jurisprudence administrative de se prononcer sur la décision par laquelle le Président de la République nomme un membre du Conseil constitutionnel. En 2003 le Conseil d'Etat a jugé que le contentieux portant sur l'autorisation l'espace aérien français donnée aux autorités américaines et britannique échappe à tout contrôle juridictionnel. Mais la question de son existence et de son maintien dans l'ordre juridique français ne se pose plus dans les mêmes termes que cinquante ans auparavant. Notre droit a connu depuis une extension considérable de ses sources de légalité. Le contentieux administratif ne se limite plus à un simple face à face entre la loi et l'acte administratif arbitré par le juge. Il est désormais contesté au regard d'un certain nombre de standards constitutionnels et conventionnels. Des auteurs considèrent par exemple que certains actes de gouvernement sont susceptibles de violer les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (, d'autres sont plus nuancés). L'existence des actes de gouvernement constitue encore aujourd'hui « un surprenant défi à la raison et au droit » (M. Virally). Le problème se pose toujours, et peut-être plus encore aujourd'hui de savoir si l'immunité contentieuse des actes de gouvernement est une anomalie au plan du droit, ou si au contraire elle est juridiquement justifiable. Au point de vue pratique se pose la question de savoir si l'immunité contentieuse de l'acte de gouvernement est vraiment indispensable pour assurer aux actes politiquement importants une légitime protection à l'égard du contrôle juridictionnel. Il s'agit donc de démontrer ou d'infirmer que l'immunité de l'acte de gouvernement a des fondements tant juridiques que pratiques.
Le maintien de l'immunité contentieuse des actes de gouvernement peut sembler être anormale dans notre Etat de droit (I). Il n'en reste pas moins que la perspective de son « éradication » soulève un certain nombre de questionnement quand à sa possibilité, aux difficultés et au danger qu'une telle modification pourrait engendrer (II).
[...] Il arrive que les pouvoirs aient légitimement besoin d'avoir les mains libres. Mettre fin à l'immunité contentieuse des actes de gouvernement revient à donner une place centrale au juge. Risque-t-on pour autant d'aboutir à une délocalisation de la prise de décision vers les juges au mépris des principes démocratiques et des exigences d'efficacité du gouvernement moderne. L'argument ne manque pas de force. Mais il ne semble pas impossible de concilier la liberté d'appréciation du pouvoir politique et le respect de la légalité. [...]
[...] En 2003 le Conseil d'Etat a jugé que le contentieux portant sur l'autorisation l'espace aérien français donnée aux autorités américaines et britannique échappe à tout contrôle juridictionnel. Mais la question de son existence et de son maintien dans l'ordre juridique français ne se pose plus dans les mêmes termes que cinquante ans auparavant. Notre droit a connu depuis une extension considérable de ses sources de légalité. Le contentieux administratif ne se limite plus à un simple face à face entre la loi et l'acte administratif arbitré par le juge. Il est désormais contesté au regard d'un certain nombre de standards constitutionnels et conventionnels. [...]
[...] La question de la compatibilité entre les exigences de la CEDH et la théorie de l'immunité contentieuse des actes de gouvernement pourrait également se poser au regard de l'article 13 de la Convention, ouvrant un droit à un recours effectif pour toutes personne dont les droits ont été violés. Le déni de justice attaché à la déclaration d'incompétence fait donc l'objet d'une pression de la légalité internationale et communautaire qui ne peut rester sans effet. Deux évolutions semblent inéluctables : la protection des droits fondamentaux et la réparation des conséquences dommageables. [...]
[...] Il s'agit donc de démontrer ou d'infirmer que l'immunité de l'acte de gouvernement a des fondements tant juridiques que pratiques. Le maintien de l'immunité contentieuse des actes de gouvernement peut sembler être anormale dans notre Etat de droit Il n'en reste pas moins que la perspective de son éradication soulève un certain nombre de questionnement quand à sa possibilité, aux difficultés et au danger qu'une telle modification pourrait engendrer (II). Une anomalie au plan du droit ? La doctrine française est partagée sur la question des actes de gouvernement. [...]
[...] La meilleure solution consisterait selon lui à réviser la constitution afin de donner compétence au Conseil constitutionnel pour exercer sur eux un triple contrôle de constitutionnalité, de conventionalité et de légalité. Le Conseil constitutionnel accepte déjà de contrôler la régularité formelle de certains actes de gouvernement (CC Delmas : décret portant convocation des électeurs pour l'élection des députés et réglementant la consultation ; CC Hauchemaille). Pour rendre une bonne partie des actes de gouvernement justiciable, point ne serait besoin de grands bouleversements. Cela montre, en toute hypothèse, que la fatalité de l'immunité juridictionnelle des actes n'est nullement certaine. L. [...]
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