« Toute la constitution, rien que la constitution » telle parait être la norme suprême à respecter dans l'ordonnancement juridique français. Toutefois, cela n'en a pas toujours été ainsi. En effet, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, en France comme dans la plupart des pays d'Europe, la suprématie de la Constitution n'est guère respectée et n'a pas de valeur dans le droit positif.
Il faut attendre la Constitution du 4 octobre 1958 pour qu'un changement s'opère et que le principe de constitutionnalité consacré dans les articles 54 et 61 s'impose: principe qui va réellement s'imposer en 1974 suite à l'arrêt du 16 juin 1971 concernant la liberté d'association. Ainsi, afin d'assurer le respect de la Constitution et suivant un modèle d'inspiration kelsénien un organe spécialisé est créé le conseil constitutionnel. Celui-ci assure le respect de la Constitution à travers le mécanisme du contrôle de constitutionnalité. Les décisions de ce conseil s'imposent à toutes les autorités administratives et constitutionnelles comme l'énonce l'article 62 alinéa 2. Si la vérification de la conformité des lois à la Constitution est une innovation de 1958, en revanche le juge administratif a toujours accepté de sanctionner un acte administratif contraire à la Constitution.
Mais, conformément aux principes de légalité, et le principe formel de la hiérarchie des règles il ne le fait que si l'acte administratif viole directement et par lui-même la Constitution. Si l'inconstitutionnalité qui l'entache découle de ce qu'il est pris en exécution d'une loi elle-même inconstitutionnelle, elle reste sans sanction, car le juge ne pourrait alors censurer qu'en affirmant l'inconstitutionnalité de la loi ce qu'il s'est toujours refusé à faire. On dit alors que la loi fait écran au contrôle.
Toutefois, de nos jours, les mécanismes et les institutions de la V République connaissent à nouveau d'importants changements tant sur le plan national avec notamment l'importante réforme du 23 juillet 2008 que sur le plan international. En effet, nous sommes dans un contexte d'ensemble où la norme constitutionnelle voit sa place pleinement reconnue et où les formations administratives du Conseil d'Etat ont vu leur rôle accru lors de l'examen des projets de loi à l'effet de prévenir d'éventuelles inconstitutionnalités.
On peut dès lors se demander si la loi-écran a-t-elle encore sa place dans l'ordonnancement juridique français ?
[...] En effet, le Conseil d'État justifie sa position en déclarant que le juge administratif étant le juge de l'administration, donc de l'exécutif, il ne peut, en vertu de la séparation des pouvoirs, censurer un acte pris par le pouvoir législatif : il est le serviteur de la loi, et non son juge. Selon l'arrêt, en l'état actuel du droit public, ce moyen n'est pas de nature à être discuté devant le Conseil d'État Cet arrêt sans précédent fondera donc toutes les décisions du Conseil d'État voulant appliquer la théorie de la loi-écran. Cet arrêt joue d'ailleurs encore un rôle très important actuellement. [...]
[...] On peut donc finalement dire qu'en France, il y a toujours eu un rejet culturel d'un contrôle matériel de constitutionnalité des lois. Toutefois, il faut nuancer cette approche. En effet, suite à de nombreuses réformes et à un grand apport jurisprudentiel cette théorie est d'une part fortement ébranlée sur le plan national (quant à la conformité d'une loi à la Constitution) et d'autre part, on peut se risquer à dire qu'elle est devenue inexistante sur le plan international (quant à la conformité d'une loi par rapport aux traités). [...]
[...] Un citoyen ne pouvait non plus invoquer contre une loi la Déclaration des droits qui prétend le protéger. En effet, le Conseil constitutionnel dans sa décision interruption de grossesse du 15 janvier 1975 pose le principe qu'une loi contraire à un traité ne serait pas pour autant contraire à la Constitution et exclut ainsi les traités dans les normes de référence du contrôle de constitutionnalité. Or, le Conseil d'État a fini par céder et abandonner la théorie de la loi écran en matière de conformité aux traités internationaux dans l'arrêt Nicolo du 20 octobre 1989. [...]
[...] Ce principe a été dégagé en 1975 suite à l'affaire de l'IVG par laquelle le conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour exercer un contrôle de conventionalité, en avançant le caractère ‘'relatif'' et ‘'contingent'' des traités et de l'article 55. Le conseil constitutionnel s'interdit donc toute annulation a priori et générale. Or, cette position du conseil constitutionnel se heurte à l'objection qu'une loi contraire à un traité méconnaît les dispositions de l'article 55 de la Constitution qui confère aux traités une autorité supérieure à celle de la loi et de ce seul fait, est donc nécessairement contraire à la Constitution. [...]
[...] De plus, cette théorie de la loi-écran se révèle pratique en cas de conflit entre une norme non écrite internationale et une loi postérieure. En effet, un acte administratif pris sur le fondement d'une loi devrait être regardé comme légal alors même qu'il méconnaîtrait une norme non écrite de droit international. (Il en résulte aussi que, sur le plan de la responsabilité, l'administration n'engage pas sa responsabilité en n'écartant pas une loi qui méconnaîtrait une telle norme). Le refus du juge administratif de s'ériger en censeur de la loi au regard du texte constitutionnel Comme l'a signalé B.Genevois : le Conseil d'État n'est pas le censeur de la loi au regard de la Constitution'' .A la différence d'autres systèmes juridiques comme l'Autriche par exemple où la Cour Constitutionnelle est chargée de l'ensemble du contrôle de constitutionnalité des lois comme des actes réglementaires, en France, si le contrôle de constitutionnalité des lois relève de la compétence exclusive du juge constitutionnel, le contrôle des actes administratifs à la Constitution relève de la compétence du juge administratif. [...]
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